Au cimetière de ma ville natale, à 40 kilomètres au sud de Prague, 150 tombes de soldats de l’Armée rouge, morts au combat entre le 9 et 10 mai 1945, sont laissées à l’abandon...

Rectifier une mémoire tronquée par une autre mémoire tronquée n’est ni correct, ni respectueux du public qu’on prétend informer. Car on ne saurait parler de la libération de Prague par l’Armée rouge sans évoquer l’insurrection lancée dans la capitale le 5 mai 1945 par la résistance tchèque appuyée par l’armée Vlassov (ROA, jusque-là auxiliaire particulièrement féroce des troupes nazies, mais passée in extremis du côté des Alliés pour tenter de sauver sa peau). Les combats tournent à la confusion, entre revirements de la ROA et ordres partiels de cessez-le-feu... C’est alors que les troupes soviétiques du maréchal Koniev, qui viennent d’atteindre Prague, entrent en scène et libèrent la ville le 9 mai après des combats d’une intensité inattendue, compte tenu de la défaite consommée du III° Reich à cette date. Des poches de résistance allemande tiennent les faubourgs de la capitale jusqu’au 12 mai (4 jours après la capitulation de l’Allemagne nazie !). L’insurrection et l’offensive soviétique sur Prague sont le dernier épisode militaire de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Si les insurgés de Prague (près de 2000 tués) sont honorés depuis la chute du communisme, il est vrai que la mémoire de ce soulèvement est encore loin d’être pacifiée, notamment du fait de l’appui que lui ont apporté les soldats de la ROA, ex-supplétifs des bourreaux hitlériens et célèbres jusque dans la France occupée pour leurs exactions. Quant à l’action décisive de l’Armée rouge à Prague, on voit mal qui pourrait oser la contester.