Mouvement Identitaire L’extrême droite relookée a conservé ses vieilles nippes

jeudi 14 janvier 2010.
 

Néofascisme En quête de respectabilité 
et de débouchés électoraux, 
les identitaires ont tenté d’atténuer, 
lors de leur convention à Orange au début du mois, l’image violente qu’ils véhiculaient jusqu’alors. Mais, au-delà de la vitrine, le mouvement reste un pur produit de l’extrême droite.

Ils sont apparus aux yeux du grand public en octobre, avec l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers. Qui sont réellement les Identitaires  ? Répondre à cette question nécessite de plonger dans les méandres de leur discours.

Les racines idéologiques

« Nous sommes les fils des hoplites de Léonidas et d’Alexandre. Nous sommes les descendants d’Aristote et d’Eschyle. Nous sommes les fils des chevaliers francs qui prirent Antioche, Saint-Jean-d’Acre et Jérusalem, et nous sommes également les héritiers de la Renaissance.  » Le panthéon des Européens de souche, dressé par Fabrice Robert, président du Bloc identitaire, lors de la convention d’Orange, rassemble à la fois les philosophes grecs, l’empereur macédonien, les soldats des croisades… Leur convention, décorée de croix celtiques et lambda (la lettre grecque) des guerriers spartes, était d’ailleurs placée sous le haut patronage de Raimbaud II, prince d’Orange ayant mené des hommes à la croisade de 1096, lors de la prise de Saint-Jean-d’Acre.

Le même Fabrice Robert, dans son discours de clôture, insiste sur «  le rôle historique des identitaires (qui) reste bien de montrer la direction, d’être le parti de l’Étoile polaire  ». Un symbole fort de l’extrême droite, utilisé à dessein  : l’Étoile polaire est l’axe autour duquel tourne la svastika, emblème récupéré par Adolf Hitler. Antonio Rapisarda, journaliste au Secolo d’Italia, invité des identitaires, était proche lui aussi de ces références, géographiquement et historiquement  : en exaltant «  l’espace vital européen  », malencontreusement traduit en «  place vitale  », n’évoquait-il pas le lebensraum impérial allemand, remis au goût du jour par l’Allemagne nazie  ? Son compatriote italien, eurodéputé de la Lega Nord, Mario Borghezio, a lui aussi de la mémoire, puisqu’il remonte aux années 1930 pour convoquer le poète collaborationniste français condamné à la Libération pour «  intelligence avec l’ennemi  »  : «  Pour nous enthousiasmer, il faudrait des poètes comme Brasillach  !  »

Dans une allusion au mouvement grec d’extrême droite, Aube dorée, Fabrice Robert conclut d’ailleurs son discours par ces mots  : «  Pour qu’à chaque matin de nos vies, l’or de l’aurore revienne répondre à l’or du couchant.  » Dans le folklore rosicrucien (les Rose-Croix sont une secte chrétienne légendaire dont les membres espéraient atteindre un état de perfection spirituelle et morale), l’aube dorée succède à la nuit obscure, dans laquelle le multiculturalisme, l’antiracisme, etc, sont censés avoir plongé la France et l’Europe.

Pour une Europe et une France blanches

«  Nous pensons que l’assimilation comme l’intégration ne sont pas possibles.  » Fabrice Robert pose cette base comme un prérequis. Son mouvement, comme les invités de la convention, n’hésite pas à pointer du doigt les «  traîtres à la race blanche  ». «  Socialistes  ? Collabos. Communistes  ? Collabos  », déclarait ainsi Simon Charles, du Bloc identitaire francilien, à propos du projet de loi sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Collabos  : un détournement sémantique dont l’extrême droite est coutumière pour discréditer les «  ennemis de l’intérieur  ». Parmi ceux-ci, «  la Halde et SOS Racisme  », dénoncés par Gérard Hardy, délégué général du Rassemblement pour la France, invité du week-end orangeois  : «  Ceux dont les amis, les familles ou les aïeux ont du sang sur les mains et pas de leçon à nous donner.  » Il ne faisait qu’embrayer sur la petite phrase suintant la haine de Fabrice Robert, pour qui Harlem Désir est «  un petit kapo de camp de rééducation antiraciste  ». En ligne de mire, et sous couvert de promouvoir la «  liberté d’expression  », l’abrogation des lois Pleven de 1972, mais aussi Gayssot, de 1990, qui sanctionnent l’incitation à la haine raciale et obligent – partiellement – l’extrême droite à adoucir ses propos.

Sans doute les identitaires voudraient-ils aller plus loin que ce qu’ils écrivent dans le programme de leur convention  : «  Retrouvez les jeunes identitaires qui ont rappelé Charles Martel à la mémoire de tous les Français… et néo-Français  !  » Une incitation à peine voilée envers les «  néo-Français  » à «  rentrer chez eux  », mais où  ? En tout cas, «  pas ici  »  : «  Vive les Blancs de l’Europe, vive notre identité, notre ethnie, notre race  !  » hurlait, sous les ovations, Mario Borghezio. Pas besoin de sous-titres.

La lutte contre l’islamisation…

Conséquence, selon eux, de la dernière vague d’immigration, un «  islam conquérant  » s’est installé en France. Une «  population de remplacement  », selon l’écrivain Renaud Camus, qui favoriserait, par intérêt, la gauche. «  93 % des musulmans ont voté pour François Hollande  » au second tour de l’élection présidentielle, assène ainsi Simon Charles. Or, «  l’islam n’est pas compatible avec la laïcité. Le catholicisme 
est compatible avec la laïcité  ». 
Les «  islamos-collabos  » vont jusqu’à noyauter «  la hiérarchie catholique  », dénonce Pierre Cassen, animateur de Riposte laïque, approuvé de la tête par le prêtre intégriste Guy Pagès.

… jusqu’à la guerre de civilisations

«  Il faut être avec le Livre, la doctrine, mais il faut aussi bastonner, quand notre identité, notre pays sont attaqués. (…) Ici, j’ai écouté des mots qui préparent au combat.  » Et encore, Mario Borghezio, qui a prononcé ces phrases, n’a-t-il pas entendu la prophétie de Fabrice Robert, qui cherche au Brésil, au Liban ou au Kosovo des exemples du chaos qui, selon lui, s’annonce. Dans «  ces terres où la majorité devenue minorité subit la loi des plus nombreux, des plus agressifs, des plus fanatiques  ». Là-bas, contrairement à la France où cette «  réalité  » est «  encore trop douce  », «  on ne se contente plus de caillasser des policiers et des pompiers  », mais «  par le biais de milices armées, on a anéanti tout ce qui se rattachait à l’Occident et à l’Europe  ».

Robert aussi rêve, au nom de son mouvement, à une «  reconquête par les armes  », même s’il est trop tôt  : «  Qui pour les porter  ?  » s’interroge-t-il. Et de promettre, dans une terrible conclusion, que «  la nécessité suppléera à l’imagination. La libération des solutions suit toujours la libération de la parole et des esprits  ». En attendant, les identitaires font bouillir la marmite idéologique en demandant à leurs militants de «  se battre pour un peuple et une civilisation  » et «  de vivre et de lutter pour des livres et des chants, des philosophies et des statues  ».

L’union des droites, débouché électoral  ?

En attendant la guerre civilisationnelle, les différents mouvements qui composent la famille identitaire tentent le grand écart entre activisme forcené et légitimation par les urnes. Fabrice Robert représente la première option, même s’il est conscient que «  le mouvement identitaire ne vaincra pas seul  » et aimerait voir «  repris  » ses «  mots d’ordre  » et les «  méthodes  », ce en quoi il est partiellement exaucé par le Front national et l’UMP. Philippe Vardon est quant à lui partisan de la mise en place, dès les élections municipales de 2014, d’un rapprochement électoral avec le Rassemblement bleu Marine. Pas gagné encore, FN et identitaires achoppant sur les orientations – antieuropéennes et nationalistes pour le premier, européennes et régionalistes pour les seconds. Mais Vardon le sait  : sans ancrage local, pas de visibilité, dans les médias (dont ils se méfient) notamment  : «  Pas de Mégret sans Vitrolles, de Villiers sans Vendée, de Marine Le Pen sans Hénin-Beaumont. Tout procède du local.  »

Cette nouveauté, pour une famille de l’extrême droite qui a jusqu’ici privilégié la violence de la rue au combat électoral – mais est-ce vraiment la fin de son activisme violent  ? –, n’est peut-être pas un horizon lointain. La question identitaire travaille d’autres familles de la droite. «  Nous avons des ennemis communs qui sont ceux qui veulent porter atteinte à l’existence de notre pays, à son identité, à sa pérennité, à ses valeurs  », expliquait ainsi Christian Vanneste, député et président du Rassemblement pour la France. «  Les cadres UMP et FN n’ont pas envie de travailler ensemble. Mais les militants, si  !  » précisait, pour le même parti, Gérard Hardy, appelant à «  l’union des droites pour mettre un terme à la dictature socialo-communiste  ». «  Au sein du camp de l’identité française, il peut y avoir désaccord, il ne doit pas y avoir affrontement  », approuve Fabrice Robert. Selon lui, «  le peuple militant UMP est largement identitaire  ». Les récents sondages sur «  l’islamisation de la France  » ne sauraient lui donner tort. Quant au FN, il vante leur «  proximité idéologique  »  : nombre de secrétaires départementaux, élus régionaux, simples militants 
«  suivent ce que nous faisons avec sympathie, parfois envie  », déclare-t-il. Et même plus  : à Orange, 
certains visages, dans la salle mais aussi dans l’organisation, à la sécurité du site notamment, ne sont pas inconnus à qui suit régulièrement les travaux du FN…

Ils veulent 
le pouvoir

Fabrice Robert l’écrit noir sur blanc dans son discours de clôture  : «  Que voulons-nous  ? Le pouvoir.  » Pour l’obtenir, la doctrine s’arrange avec «  l’électoralisme  », qui n’est pas «  dans l’ADN  » des identitaires, et mise également sur d’autres moyens, quant à lui tout à fait dans ses cordes  : l’encouragement à une forte natalité, et la préservation de «  l’espace vital  ». «  Vous voulez refaire un peuple  ?  » exhorte ainsi Loriane Vardon, responsable presse du mouvement  : «  Si vous avez seize ans, soyez délégué de votre classe. Si vous en avez vingt, soyez candidat. Si vous êtes une jeune maman, mettez un pied dans le conseil de parents d’élèves, au conseil de syndic… Dans les lieux où les petits Blancs ont encore la parole, gardez-la  !  »

Réactionnaires 
et fiers de l’être

«  Nous sommes les contre-révolutionnaires de notre temps  », déclarait Simon Charles, lisant un message attribué à un étudiant de l’UNI (Union nationale universitaire), hypothétique membre de l’UMP. Nous avons pu en effet remarquer que ni l’esprit des Lumières ni celui de la Révolution française ne baignaient les travaux de l’assemblée. Mais s’il fallait une preuve écrite de ce que ces événements, pourtant fondateurs de la société française moderne et des valeurs de la République, ne font pas partie de l’ADN des identitaires, Fabrice Robert la livre dans son discours  : «  Non, nous ne croyons pas en l’égalité, en la parité, en la fraternité, en la liberté. Nous croyons en la justice qui reconnaît les hiérarchies naturelles.  »

Quand La fachosphère se déchaîne

Lorsque l’extrême droite s’adresse aux médias traditionnels, elle lisse son image. Mais, sur la Toile, la «  liberté d’expression  » revendiquée par ce milieu l’amène souvent à déraper. Ainsi, quand Fdesouche.com réédite, le 7 novembre, un texte sur l’élection de Barack Obama intitulé «  Le métis est l’Aryen du XXIe siècle  », proclamant sous couvert d’ironie «  c’est unanime  : le Nègre est l’avenir de l’homme  » et fustigeant «  ces Occidentaux qui bandent devant l’épiderme mélaniné d’Obama sont des esclaves  », c’est bien la théorie des races qu’il soutient. Sur le Net, l’extrême droite a modernisé le flicage des journalistes qui s’intéressent de trop près à elle, via l’observatoire des journalistes et de l’information médiatique, créé par Jean-Yves Le Gallou. Mais elle, qui l’observe ?

Grégory Marin


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