DEMOCRATIE ECONOMIQUE ET DEPASSEMENT DU CAPITALISME (par Claire Villiers, vice-présidente du Conseil Régional d’Ile de France)

jeudi 30 juillet 2009.
 

Nous sommes en ce début de siècle au cœur de quatre crises et non d’une seule ; leur ampleur et l’urgence des réponses à y apporter sont telles que quiconque ne veut pas être submergé devrait en prendre la mesure et arrêter de « bricoler ». Crise écologique et environnementale, résultat conjugué du pillage de continents entiers, de l’anéantissement progressif de modes de vie respectueux des équilibres et d’une vision du progrès de l’humanité reposant quasi exclusivement sur un productivisme prédateur et destructeur ; crise économique et financière qui met à nue les mécanismes les plus cyniques d’un capitalisme mondialisé, entièrement financiarisé ; crise sociale où l’on voit la pauvreté, les inégalités s’accroitre de manière vertigineuse entre les peuples et au sein des peuples ; crise démocratique enfin, aucune alternative ne semblant en mesure d’apporter et de porter les réponses qui s’imposent pour que l’humanité non seulement survive mais ne sombre pas dans des conflits multiples, la guerre étant toujours une des armes de sortie de crise des possédants de ce monde.

La question d’une reprise de pouvoir sur l’économie se pose donc avec une acuité renouvelée. Aujourd’hui la démocratie semble trop souvent se résumer à ce qui concerne les institutions, voire à leur gestion. Les différentes phases de décentralisation dans notre pays conduisent à transférer des champs de compétences accrus aux collectivités territoriales mais on peut se demander s’il ne s’agit pas plus de dilution que du rapprochement des citoyens et des lieux de pouvoir. La question est particulièrement prégnante pour le champ économique. Je constate dans l’exercice de mon mandat d’élue régionale que nous considérons les franciliens et franciliennes comme des habitant-e-s du territoire, exceptionnellement comme exerçant un travail quel qu’en soit le statut – salarié, indépendant, coopérateur…- Ce point aveugle nous empêche de comprendre d’une part que les organisations du travail comme celles des entreprises déteignent et imprègnent toute l’organisation sociale, d’autre part que des politiques de rupture ne peuvent évidemment pas faire l’impasse sur les modes de production comme leurs finalités . La démocratie économique ne se résume pas à la démocratie sociale et il y aurait un grand danger à laisser perdurer une sorte de « division du travail » : les collectivités interviennent sur le hors travail, et les « partenaires sociaux » (ou les adversaires sociaux ?) s’occupent de l’économie, du travail. Ce qui est d’ailleurs un effet de leurre : les capitalistes s’occupant … de toute la société !

Il faut donc de toute urgence « retransversaliser », réunifier, réconcilier l’individuel et le collectif dans une dialectique d’interaction : il n’y a pas d’émancipation individuelle possible sans des cadres de garanties collectives forts. La CFDT dans les années 70 (un autre siècle !) avançait un tryptique : autogestion – propriété sociale – planification démocratique et plus loin encore, dans les Bourses du Travail on s’occupait aussi bien de placement que de formation, de culture, d’aide mutuelle ou de mutualisme. Nous pouvons nous appuyer sur de tels acquis, comme sur une pratique et une analyse critiques des formes d’économie sociale pour construire les concepts, les stratégies, les projets d’une autre organisation du monde, du plus local au plus global. Cette stratégie de transformation pas seulement sociale mais économique, écologique, politique, démocratique devrait progressivement ré-expérimenter des formes d’auto-organisation, de coopératives, de démocratisation des services publics et inventer les processus de débat politique qui mêleront par exemple les travailleurs d’EDF, les usagers et les élus, chacun, chacune apportant sa pierre à une politique énergétique. Pour paraphraser Jaurès, on pourrait dire que si nous avons conquis le suffrage universel – pas tous et toutes – il nous reste à conquérir la souveraineté populaire qui visera la réappropriation par chacun et chacune de sa propre destinée sur une planète vivable et vivante. Y’a du boulot !

Claire Villiers est vice-présidente (Alternative Citoyenne) du Conseil Régional d’Ile de France


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