Les trois crises du PS. Quand Henri Weber (secrétaire national du PS) veut faire prendre des vessies pour des lanternes

lundi 27 juillet 2009.
 

1) Les trois crises du PS (texte de Henri Weber, député européen, paru dans Le Figaro du 16 juillet 2009)

Source : Site PS : http://danslapresse.parti-socialist...

La débâcle du Parti socialiste français aux élections européennes s’explique par la combinaison de trois crises.

La première lui est propre : c’est la crise aigue de leadership dans laquelle il se débat depuis 2002. En démocratie médiatique et présidentielle, la question du leader est cruciale. Les électeurs votent à la fois pour un programme et pour la personne qui l’incarne. En l’absence d’un leader incontesté, le parti est cacophonique, donc inaudible. Il ne peut fonctionner comme un “intellectuel collectif”, car chaque présidentiable fait travailler ses équipes d’abord pour son propre compte. La faiblesse du centre dirigeant rend le parti incapable de maitriser sa communication et en fait le jouet des médias et de ses adversaires politiques.

Dans ces conditions, le parti peut avoir le meilleur des programmes, cela ne suffit pas. Le problème est dans l’émetteur, autant que dans le message. Le 7 juin 2009, les socialistes français ont d’abord payé le spectacle qu’ils ont donné aux Français en 2008 et, notamment, lors de leur calamiteux congrès de Reims.

La seconde crise est celle de la social-démocratie européenne. La vague rose des années 1996-97 qui avait porté les socialistes au pouvoir dans 13 Etats de l’Union européenne sur 15, se retire. Une puissante vague bleue lui succède.

Ce reflux a des causes multiples, mais la principale est l’échec relatif, -variable selon les pays- des politiques social-démocrates face à la mondialisation libérale.

Ces politiques visaient à sauvegarder l’essentiel des acquis démocratiques et sociaux des “Trente glorieuses”, dans un rapport de force devenu très défavorable aux salariés. De ce compromis défensif de crise, le peuple de gauche a surtout retenu la colonne négative : l’augmentation du chômage et de la précarité, la stagnation du pouvoir d’achat ; l’affaiblissement et/ou la privatisation des services publics. Il y a eu des exceptions -Espagne, pays scandinaves…-, mais partout, on constate l’explosion des inégalités et une insécurité sociale et publique croissante pour les classes populaires. Une fraction importante de celles-ci s’est détournée, en conséquence, de la social-démocratie et de la gauche, au profit de l’abstention ou des populismes.

La social-démocratie du XXème siècle s’était donné les moyens de maitriser et d’humaniser un capitalisme industriel et national. Ces moyens ont perdu en efficacité, face à un capitalisme désormais mondialisé et dominé par la finance. Face, aussi, à une société fragmentée par un individualisme désagrégateur.

La troisième crise est celle de la gauche dans son ensemble. Crise de l’idéologie progressiste, du productivisme, et des utopies émancipatrices, qui promettaient des “lendemains qui chantent”…

Les lourdes défaites des partis socialistes en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche, en Italie…, ne profitent pas, ou guère à l’extrême-gauche ou aux écologistes. Elles bénéficient principalement aux droites conservatrices-libérales ou populistes.

Il est vrai que celles-ci ont opéré un spectaculaire aggiornamento au cours de leur traversée du désert. Fredrik Reinfeld en Suède, David Cameron en Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy en France, Silvio Berlusconi en Italie, Angela Merkel en Allemagne ont su rénover leur discours, leur stratégie et leur posture, en s’appropriant sans vergogne, chacun à sa manière, les propositions les plus populaires de la gauche. Ils ont su retourner contre les socialistes l’arme de la “triangulation” maniée avec dextérité à leurs dépens par T. Blair, G. Schroeder, B. Clinton…

Pour retrouver son aura et sa vigueur, le PS doit surmonter ces trois crises.

Il doit tout d’abord régler sa crise de leadership. Il peut y parvenir à l’occasion des primaires socialistes ouvertes qu’il organisera au printemps 2011, pour désigner son ou sa candidat(e) à l’élection présidentielle. Martine Aubry s’est attaquée courageusement à ce chantier, en remettant le parti au travail.

Il doit contribuer, au sein du PSE, à surmonter la crise de la social-démocratie, en élaborant une réponse européenne à la crise du capitalisme contemporain et en édifiant les institutions internationales capable de la mettre en œuvre.

Il doit travailler au renouveau idéologique et programmatique de la gauche, en réalisant la synthèse entre le socialisme démocratique et les apports de l’écologie politique, du libéralisme culturel et du féminisme.

“Vaste programme”, aurait dit le général de Gaulle. Raison de plus pour ne pas perdre de temps. Trois conventions nationales sont prévues l’année prochaine pour renouveler le projet et les propositions socialistes.

Les commentateurs superficiels, qui, une fois de plus, portent en terre la social-démocratie, se trompent. Celle-ci a plusieurs fois fait la preuve de ses capacités de rebonds dans sa longue et tumultueuse histoire. Elle saura surmonter la crise qui la frappe aujourd’hui, comme elle a su surmonter les précédentes. Ni les Verts, ni l’extrême gauche ne sont capables de la remplacer. La vague bleue refluera à son tour et laissera place à une nouvelle vague rose. À condition que les socialistes procèdent à leur aggiornamento.

On ne voit pas pourquoi ils s’en dispenseraient.

Henri Weber

Député européen

Secrétaire national adjoint chargé de la mondialisation

2) Quand Henri Weber (secrétaire national du PS) veut faire prendre des vessies pour des lanternes. Remarques sur son texte

Le parti socialiste a constitué depuis un siècle une force politique essentielle de la gauche française. C’est encore le cas aujourd’hui. Son glissement vers le centre, les ralliements de dirigeants au sarkozisme, sa crise interne, affaiblissent le rapport de force de la gauche, affaiblissent la crédibilité dans l’immédiat, d’une victoire électorale par exemple en 2012 et cela pèse négativement sur l’espoir vécu par les couches sociales subissant aujourd’hui les conséquences de la crise.

Il est donc utile d’analyser les causes de la crise du Parti Socialiste.

Henri Weber en compte trois : crise de leadership, crise de la social démocratie, crise de la gauche.

A) Henri Weber place en premier "la question du leader" cruciale en "démocratie médiatique et présidentielle". D’un point de vue strictement électoraliste, cette question est effectivement cruciale. Mais alors...

Lui qui sait à quel point la cinquième république fonctionne sur cette personnalisation bonapartiste parce que c’était et c’est la seule solution institutionnelle favorable à la droite et aux puissants de ce pays... Pourquoi n’ avoir rien fait depuis 1981 ? Pourquoi au contraire avoir renforcé la présidentialisation, en particulier en couplant législatives présidentielles tous les 5 ans avec les présidentielles d’abord ?

Henri Weber présente la "démocratie médiatique et présidentielle" comme aussi inévitable que la rotation de la terre autour du soleil et le retour des saisons. Pourtant, elle ne s’est pas imposée d’elle-même et ce n’est pas une donnée inscrite définitivement dans le marbre constitutionnel.

De plus, l’analyse de cette "crise de leadership" ne peut oublier l’évolution du PS vers un parti de type radical socialiste essentiellement ancré sur des positions institutionnelles dans les collectivités publiques, avec des barons locaux essentiellement déterminés par leurs intérêts locaux.

Le parti socialiste a déjà connu d’innombrables "crises de leadership" (y compris en 1981, 1997) qui ne se sont pas traduites par une crise aussi forte qu’aujourd’hui.

L’absence actuelle de leader m’apparaît donc plus comme une conséquence et non une cause des facteurs principaux de crise du parti.

B) Henri Weber présente la deuxième raison comme le résultat d’un phénomène naturel : "La seconde crise est celle de la social-démocratie européenne. La vague rose des années 1996-97 qui avait porté les socialistes au pouvoir dans 13 Etats de l’Union européenne sur 15, se retire. Une puissante vague bleue lui succède".

* Quelle était l’orientation des PS depuis cinq ans d’après lui ? "Ces politiques visaient à sauvegarder l’essentiel des acquis démocratiques et sociaux des “Trente glorieuses”, dans un rapport de force devenu très défavorable aux salariés". Quelle énormité ! Ce n’est pas le rapport de force social qui est devenu très défavorable aux salariés entraînant un affaiblissement politique de la gauche, c’est plutôt une incapacité de la gauche européenne à défendre "l’essentiel des acquis démocratiques et sociaux", y compris lorsqu’elle était au pouvoir qui a usé, divisé un mouvement social pourtant fort sur ce terrain de la défense des acquis.

* Quelle est la principale raison du recul de la gauche européenne d’après lui ? "Ce reflux a des causes multiples, mais la principale est l’échec relatif, -variable selon les pays- des politiques social-démocrates face à la mondialisation libérale... Il y a eu des exceptions -Espagne, pays scandinaves…-, mais partout, on constate l’explosion des inégalités et une insécurité sociale et publique croissante pour les classes populaires." Aucun bilan réfléchi des politiques menées, aucun bilan des conséquences du consensus pratiqué avec la droite au niveau européen, aucun bilan du suivisme atlantiste... du bluff sur la réussite de la social démocratie face à la mondialisation libérale en Espagne et dans les pays scandinaves.

Quand même, Monsieur Weber, en tant que meilleur dialecticien du PS, vous pouviez faire un effort pour dégager plus sérieusement les raisons du reflux de la vague rose. Sans un tel bilan, comment la génération nouvelle de militants pourrait-elle croire en la volonté du PS " de redonner une espérance, de tracer des perspectives. Pas simplement des réponses à court‐terme... de préparer des choix qui pour nous, demain, dessinent une civilisation" ? (note stratégique discutée le 7 juillet 2009 lors de la rencontre à Marcoussis de la direction socialiste)

C) Troisième raison de la crise du PS pour Henri Weber : La crise de la gauche "Les lourdes défaites des partis socialistes en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Autriche, en Italie…, ne profitent pas, ou guère à l’extrême-gauche ou aux écologistes. Elles bénéficient principalement aux droites conservatrices-libérales ou populistes".

Quant on parle du Parti Socialiste, inscrit dans la réalité politique française, il est tout de même surprenant :

* de parler de recul électoral global de la gauche alors que celle-ci détient le plus grand nombre de communes, départements, régions que cela ne fut jamais le cas durant tout le 20ème siècle.

* de ne pas constater la puissance électorale de l’autre gauche et des écologistes en France lors des dernières élections présidentielles comme européennes. D’ailleurs, lorsque la gauche antilibérale est apparue comme une force crédible (Portugal par exemple), ses résultats sont très satisfaisants en pourcentage.

D) Le plus gros bluff d’Henri Weber, auquel je suis persuadé qu’il ne croit pas lui-même vient sur la fin.

Pour retrouver son aura et sa vigueur :

* le PS " doit tout d’abord régler sa crise de leadership. Il peut y parvenir à l’occasion des primaires socialistes ouvertes". Si jamais ces primaires ont lieu, ce sera en 2011 ; à mon avis, il s’agit pour le moment d’une fumisterie. Comment d’autres forces politiques de gauche accepteraient-elles de participer à ces primaires, sans dégager avant les bases de réactions communes face à Sarkozy Fillon, sans un accord programmatique sur des points essentiels. L’expérience italienne s’est très mal terminée : chat échaudé craint l’eau froide.

* "le PSE doit surmonter la crise de la social-démocratie, en élaborant une réponse européenne à la crise du capitalisme contemporain et en édifiant les institutions internationales capable de la mettre en œuvre". Ouaf ! Ouaf ! C’est surtout sur ce point que j’accuse Henri Weber de vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes. Après avoir découvert certains aspects de ce PSE lorsque je participais à des instances nationales du PS, je ne comprends pas comment des gens qui ne remettent en cause ni le capitalisme ni la mondialisation à l’américaine pourraient élaborer une réponse à la crise et édifier une alternative par de nouvelles institutions internationales.

* le PS "doit travailler au renouveau idéologique et programmatique de la gauche, en réalisant la synthèse entre le socialisme démocratique et les apports de l’écologie politique, du libéralisme culturel et du féminisme". Bigre ! Vaste programme en effet ! je retiens surtout 3 mots qui ne sont certainement pas là par hasard : démocratique, écologie, libéralisme. Si je me trompe, Henri Weber est assez grand pour nous fournir bientôt une première mouture de cette vaste synthèse.

Jacques Serieys


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