"La désertification de la Corse favorise les feux » (par Dominique Bucchini, ancien maire de Sartène, PCF)

samedi 1er août 2009.
 

En trois jours, la Corse a vu 6 000 hectares de végétation ravagés par le feu, de nombreuses maisons ainsi que des exploitations agricoles brûlées. Peut-on parler d’une spécificité corse concernant les incendies ? Dominique Bucchini. Je ne pense pas. Il suffit de regarder ce qui se passe dans le bassin méditerranéen. En Sardaigne, en Espagne, en Italie ou en Grèce, il y a aussi des incendies. Lorsqu’il fait très chaud et qu’il y a du vent, comme ces derniers jours, c’est la chronique d’une catastrophe annoncée.

Le discours sécuritaire qu’on entend ces derniers temps est-il satisfaisant ?

Dominique Bucchini. Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur, tient en effet un discours assez ferme. La justice est en ce moment en train d’examiner le cas de personnes soupçonnées d’être des incendiaires. Cette donnée sécuritaire est indispensable : quand on commet des actes criminels de cette importance, on mérite la condamnation. Mais on ne peut se satisfaire de ce seul discours. Il ne faut pas oublier le rôle d’une certaine politique attentiste par rapport à ce qui se passe dans les massifs forestiers. Un exemple : hier, en tant que conseiller régional, j’ai reçu la fiche nº 4 du plan de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies. Elle met l’accent sur trois axes : l’information du public et des élus, l’aménagement du terrain pour la défense des personnes contre les incendies et la mise en oeuvre d’actions préventives en cas de risques exceptionnels. La protection des touristes et leur évacuation y tient une part importante. Mais sur l’aménagement du terrain, la protection contre le feu et les moyens disponibles, rien n’est vraiment dit.

Les chemins dans les massifs sont-ils assez entretenus ?

Dominique Bucchini. Pas du tout. Depuis la loi de janvier 2002, qui transmet la gestion des forêts aux collectivités territoriales, ils doivent être entretenus par les communes qui ont, bien sûr, des difficultés financières. En même temps, il n’y a pas assez de pistes qui ont été créées. Il faut obligatoirement réfléchir à la prévention des incendies. Ce qui a été fait jusqu’à présent n’est pas suffisant, il faut obligatoirement des moyens financiers supplémentaires. La désertification de la Corse est très dangereuse. Quant à l’intérieur des terres, le maquis pousse car plus personne n’est là pour cultiver, le feu se propage à une très grande vitesse et fait des dégâts importants.

Comment expliquer ce manque de moyens ?

Dominique Bucchini. Le développement du tourisme haut de gamme, mené conjointement par le conseil général de la Corse du Sud et l’Assemblée de Corse, tout deux à majorité UMP, débouche sur une inégalité de traitement territorial et la mise en concurrence des territoires. On peut résumer la politique de la majorité à la « stratégie de l’immeuble » : la spéculation foncière. D’un côté, le littoral où il y a de la vie et où il se passe des choses, de l’autre, l’intérieur où comme dans d’autres zones rurales de France, la désertification tend à s’accroître.

Y a-t-il eu des propositions pour un travail de fond ?

Dominique Bucchini. Je ne pense pas. On a entendu des propos délirants au début des incendies de la part du président du conseil général de Corse du Sud. Il a accusé le conservatoire du littoral de ne pas entretenir les terrains de l’intérieur de l’île. Le conservatoire s’occupe des bords de mer, fait le maximum pour enrayer la spéculation foncière et pour faire respecter notre environnement avec le peu de moyens à sa disposition. L’accuser, c’est du délire.

Charles Poulhès


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