Real Madrid Quand la crise accentue les disparités de la planète football

mardi 4 août 2009.
 

La crise, quelle crise ? Apparemment insensible aux turbulences qui secouent l’économie mondiale, Florentino Perez, le président du Real Madrid, poursuit ses emplettes. Non content d’avoir débauché, en juin, le prodige Brésilien du Milan AC, Kaka, et l’attaquant vedette de Manchester United, Cristiano Ronaldo, l’homme d’affaires espagnol s’est offert le défenseur de Valence, Raul Albiol, puis, le 1er juillet, l’étoile montante du football français, Karim Benzema.

* Pour s’allouer les services du « Ballon d’or 2007 » Kaka, 67 millions d’euros

* 94 millions - record à battre - pour attirer son successeur au palmarès, le Portugais Ronaldo ;

* 15 millions pour recruter Albiol ;

* entre 35 et 41 millions (en fonction des primes à la performance qui tomberont dans l’escarcelle du joueur) pour amadouer le buteur de l’Olympique lyonnais et de l’équipe de France.

Plus de 210 millions d’euros au total.

Le dirigeant madrilène ne rechigne pas à la dépense lorsqu’il s’agit de redorer le blason de son club fétiche, deuxième de la dernière Liga derrière son sempiternel rival, le FC Barcelone. Il a fixé le plafond des recrutements estivaux du Real Madrid à... 300 millions !

Au diable l’avarice et les avaricieux, rétorquent les supporteurs merengues, ravis pour la plupart d’assister au retour de Florentino Perez aux commandes du club et à l’arrivée d’une cohorte de stars dans les rangs du Real. Durant sa première mandature (2000-2006), l’entrepreneur avait déjà usé de cette méthode pour constituer autour de Luis Figo, Zinédine Zidane, Ronaldo et David Beckham une « dream team » de vedettes surpayées et adulées du public, les « Galactiques ». Vous aviez aimé le premier épisode ? Vous adorerez le deuxième, a promis le messianique M. Perez aux 160 000 spectateurs venus tour à tour à Santiago Bernabeu acclamer les nouvelles recrues du club.

« Il y a quelque chose d’anormal » dans les transferts du Real, a objecté Michel Platini après l’annonce du recrutement de Karim Benzema. Le président de l’Union européenne de football (UEFA) s’était déjà alarmé en juin de « l’enchaînement presque quotidien des transferts mirobolants » orchestré par les grands clubs, à commencer par le plus riche d’entre eux, le Real Madrid. « Indécent, voire obscène en période de crise économique », a jugé Frédéric Thiriez, le président de la Ligue (LFP), au sujet de Cristiano Ronaldo. « Ces sommes sont tout simplement au-delà de la compréhension de la plupart des supporteurs ordinaires », s’est plaint Gerry Sutcliffe, ministre britannique des sports

Cette politique de maxi-transferts à l’intersaison n’est pas nouvelle et le montant atteint dans le dossier Ronaldo pas si éloigné du précédent record. En 2001, le Real avait déboursé 75 millions d’euros pour convaincre la Juventus Turin de lui céder Zinédine Zidane. 75 millions hier, 94 millions aujourd’hui. Rien de nouveau finalement sous le soleil du foot-business ? Si le malaise pointe, c’est que de gros nuages assombrissent aujourd’hui et sans doute pour longtemps la météo financière mondiale. La crise a l’effet d’une loupe qui grossit les disparités de la planète football.

Pendant que Cristiano Ronaldo jouit à 24 ans d’un statut de superstar, Miguel Garcia, formé comme lui au Sporting Portugal, peine à sauver sa carrière. L’ex-équipier du « Ballon d’or » et des dizaines d’autres footballeurs au chômage ont participé, mi-juillet, au tournoi organisé par la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels pour faciliter leur recrutement.

Pendant que Florentino Perez finalise son prochain coup d’éclat, la très grande majorité des clubs nourrit des ambitions plus modestes. Les quatre plus gros clubs du championnat de France, Lyon, Marseille, Bordeaux et Paris, ont, pour le moment, investi 128 millions d’euros sur le marché des transferts 2009-2010. Deux fois moins que le seul club du Real Madrid, mais dix fois plus que les seize autres clubs de Ligue 1 réunis ! Pas de révolution à attendre donc dans la hiérarchie du football hexagonal ou européen la saison prochaine. Tous les clubs connaissent la formule gagnante : avec plus de revenus, on peut recruter de meilleurs joueurs, obtenir des résultats sportifs plus probants, participer aux compétitions les plus prestigieuses qui assureront au club des ressources complémentaires appréciables.

« Depuis dix ans, les écarts de richesse en Europe s’accroissent. C’est un phénomène dramatique dont la France est particulièrement victime. Mais quelque part, on pourra remercier Ronaldo et Kaka d’avoir provoqué des réactions saines à travers le monde », ironise M. Thiriez. « Les clubs espagnols ont un endettement bancaire de 3,5 milliards d’euros, les Anglais de 4 milliards. La Ligue 1, c’est 100 millions d’euros », insiste le président de la LFP, alors que les clubs français doivent se plier à un contrôle financier qui n’a pas d’équivalent ailleurs en Europe. Le moment n’est-il pas venu de mettre en place ce système de « fair-play financier », basé sur des règles communes et un principe de transparence dans les comptes des clubs, que Michel Platini appelle de ses voeux ? Sans attendre le prochain achat de Florentino Perez. ROGER Simon

* Article paru dans le Monde, édition du 26.07.09


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