Le Honduras s’enfonce dans les ténèbres

samedi 15 août 2009.
 

Escadrons de la mort, liste noire de syndicalistes à abattre, l’ombre de la CIA et de la droite sud-américaine : c’est un Honduras militarisé qu’ont vu deux syndicalistes de la CGT. De retour de Tegucigalpa, ils témoignent.

Fin juillet notre délégation, mandatée par la CGT, est arrivée au Honduras par voie terrestre depuis le Nicaragua. D’emblée, nous avons pu voir un Honduras militarisé, surveillé à l’extrême par les putschistes. Après avoir déjoué les contrôles militaires et le couvre-feu, nous sommes entrés en contact avec les dirigeants de la Confédération unitaire des travailleurs honduriens (CUTH). Son secrétaire général, Israel Salinas, nous a assuré que le mouvement syndical et populaire hondurien restait très mobilisé et nous l’avons constaté en participant à l’une des nombreuses manifestations dans la capitale où nous avons pris la parole devant 5 000 personnes pour leur témoigner le soutien de la CGT.

La répression est féroce et 120 noms de dirigeants et militants syndicaux à abattre figurent sur une liste noire diffusée par les escadrons de la mort, mis en sommeil après les années 1970-1980. Ces groupes paramilitaires ont été réactivés pour commettre leur sinistre besogne et multiplier les rapts et assassinats de militants. On compte déjà plus d’une centaine de disparus et 15 assassinats depuis le début du putsch. La veille du 1er mai 2008, ils avaient tué la secrétaire générale d’une autre organisation syndicale, la CTH. Les militants changent régulièrement de domicile et un certain nombre d’entre eux sont entrés dans la clandestinité. La CUTH dispose d’informations, sûres et vérifiées, sur la participation, dans cette stratégie de la terreur, de conseillers et assesseurs colombiens du président Uribe ainsi que de Vénézuéliens, de Cubains anticastristes et même d’ex-militaires argentins qui avaient entraîné les contras nicaraguayens dans les années 1980. La présence au Honduras depuis plusieurs mois de Pedro Carmona, instigateur de la tentative du coup d’État contre Chavez en 2002, en dit long sur l’internationalisation du putsch. Selon la CUTH, 150 paramilitaires d’extrême droite s’entraînent, dans une hacienda proche de la capitale, pour accentuer la répression contre le mouvement populaire et syndical.

Derrière le coup d’État, estime la CUTH, plane l’ombre de la CIA, des secteurs de l’administration nord-américaine et des multinationales, qui cherchent à faire d’une pierre deux coups : s’attaquer à l’Alba (Alternative bolivarienne des Amériques) par le maillon faible qu’est le Honduras, déstabiliser Obama et empêcher ainsi tout changement dans les relations internationales avec ces pays. La collaboration du patronat dans le coup d’État est patente, celui-ci est allé jusqu’à proposer au gouvernement putschiste une augmentation de 10 % des impôts aux entreprises afin de rompre l’isolement dans lequel le plonge la communauté internationale. Les menaces et le chantage au licenciement sont également les moyens exercés contre les salariés, notamment du secteur public et des maquilas, pour qu’ils viennent grossir les rangs des manifestations pro-putschistes.

Le coup d’État a cependant renforcé l’unité des organisations populaires et syndicales, amorcée depuis l’arrivée de Manuel Zelaya à la présidence en 2006 et le lancement d’un processus de discussions et de participation permanent avec les organisations, fait totalement nouveau dans un pays où le pouvoir était depuis toujours détenu par l’armée, l’Église et l’oligarchie. Ce mouvement bénéficie d’une importante solidarité internationale. Une délégation de la Confédération syndicale internationale (CSI), essentiellement composée par son organisation régionale, la CSA, s’est rendue au Honduras. La Confédération européenne des syndicats (CES), qui avait immédiatement appelé au retrait des ambassadeurs, a exigé pour sa part la suspension de tout accord et des relations commerciales avec le régime des putschistes, plus particulièrement en ce qui concerne le système de préférences généralisées entre l’UE et les pays d’Amérique latine permettant au Honduras de bénéficier de réductions tarifaires douanières.

André Fadda est secrétaire général de l’union syndicale multiprofessionnelle CGT des Chantiers navals de Saint-Nazaire et Alain Lemasson est délégué CGT de SCHUBB.

Propos recueillis par Bernard Duraud


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message