Afghanistan, l’impasse de la voie militaire (article de L’Huma)

vendredi 21 août 2009.
 

Huit ans d’occupation occidentale par l’OTAN n’ont permis aucune victoire sur les talibans. Pis, ces derniers ont regagné une bonne partie du terrain perdu en 2001.

« Les talibans ont pris le dessus dans le pays », reconnaissait il y a quelques jours le général américain McChrystal. En écho à ce constat d’échec émis par le patron des forces étrangères en Afghanistan, Kaboul, la capitale donnée comme l’une des villes les plus sécurisées, est le théâtre quotidien de violents attentats aux cibles les plus symboliques : les quartiers de l’OTAN, un convoi transportant des troupes de la coalition internationale, une attaque de banque au coeur de la cité… Toutes ces offensives ont été revendiquées par les talibans, qui clament leur intention de perturber les élections présidentielle et provinciales d’aujourd’hui.

La presse n’aura pas accès aux bureaux de vote

La crédibilité des scrutins est de plus en plus soumise à caution tant par le chaos militaire dans lequel ils sont censés avoir lieu que par la situation politique. Hier matin, le chef de la commission électorale afghane, Daoud Ali Najafi, a déclaré qu’à moins de 24 heures du scrutin, 20 % du matériel électoral n’avait pas été livré. Quant aux bureaux de vote qui ont été fournis, la presse n’y aura pas accès. Le ministère de l’Intérieur a adopté mardi un décret exigeant des journalistes qu’ils se tiennent à l’écart de toutes les scènes d’attaques et d’attentats, et donc les bureaux de vote, sous prétexte qu’ils pourraient détruire des preuves matérielles nécessaires aux enquêteurs. Une situation de cauchemar qui rend dérisoires toutes ces odes à la « démocratie » en Afghanistan, alors que 300 000 hommes au total des forces de sécurité afghanes et étrangères sont mobilisés.

Huit ans d’occupation occidentale pour un tel désastre méritent bien que l’on s’interroge sur ses causes et les choix que devront désormais affronter les pays occidentaux qui sont engagés dans cette guerre américaine. À l’heure où les opinions publiques des pays de l’Alliance atlantique se font de plus en plus réticentes sur la poursuite d’un engagement armé, il faudra bien que les dirigeants de ces pays en tiennent compte et recherchent une réelle alternative autre que l’envoi d’armadas de plus en plus meurtrières et provocantes aux yeux du peuple afghan.

Ne plus laisser la gestion du conflit au pentagone

Rester ou se retirer, est-ce réellement un dilemme comme semblaient hier l’avancer certains commentateurs ? Au risque de reprendre les accents de croisade dans la défense du « monde libre et civilisé » chers à George Bush. « Je ne cesse de répéter qu’il est illusoire de penser que ce sont avant tout les forces militaires qui peuvent réussir à mettre fin au conflit. Ce sont les efforts politiques qui doivent être en tête de notre agenda », soulignait Kai Eide, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afghanistan, dans un entretien avec le Centre d’actualités de l’ONU en juillet dernier. Et en allant dans ce sens, n’est-il pas indispensable que les Nations unies reprennent la main en Afghanistan, au lieu de laisser à Washington l’entière gestion du conflit qui reste avant tout au service de ses ambitions.

Depuis trente ans, le pays est au centre d’enjeux mondiaux. « Je ne me souviens pas d’avoir vu une région émerger si soudainement au point de devenir aussi importante stratégiquement que la Caspienne », affirmait l’ancien vice-président Dick Cheney dans un discours aux magnats du pétrole en 1998. En février de la même année, John Maresca, vice-président des relations internationales chez Unocal Corporation, expliquait comment transférer le pétrole du bassin de la Caspienne (estimé entre 110 milliards et 243 milliards de barils de brut d’une valeur de 4 billions de dollars) via l’Afghanistan ». Bush et ses alliés n’ont pas gagné leur pari, et Barak Obama, en appelant à une nouvelle escalade militaire, ne renonce pas au « rêve américain ». Les déclarations américaines se multiplient pour justifier ce choix : « guerre de nécessité » dit le nouvel élu, reprenant l’argument de son prédécesseur. La victoire « ne sera ni facile ni rapide », poursuit-il, ce que l’on pourrait traduire par « un projet d’une longue occupation », thème développé par l’émissaire américan en Afghanistan, Richard Holbrooke, lors d’une rencontre avec la presse le 12 août. Et dans ce cas les demandes du général McChrystal d’une rallonge de 10 000 à 20 000 hommes et l’envoi de nouvelles armes de haute technologie ne paraissent pas hors propos. Mais pour quelle victoire ?

Dominique Bari


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