Le changement climatique, une lourde menace pour les écosystèmes des Caraïbes

mardi 1er septembre 2009.
 

Responsable de moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le bassin des Caraïbes est l’une des régions les plus menacées par le réchauffement climatique.

Depuis plusieurs années, le nombre et la violence des cyclones qui ravagent la région ont augmenté. L’élévation du niveau de la mer et l’érosion des plages mettent en péril les installations touristiques. « Principale source de devises, avec des revenus estimés à 25 milliards de dollars (17,05 milliards d’euros) par an, ce secteur est vital pour la région », rappelle Hugh Riley, secrétaire général de l’Organisation du tourisme de la Caraïbe.

« 80 % des récifs coralliens des Caraïbes ont été affectés par les ouragans et par le réchauffement de l’eau de mer, qui a provoqué leur blanchiment et la mort de certains d’entre eux. Tous pourraient disparaître d’ici à 2060 », selon Walter Vergara, spécialiste du changement climatique à la Banque mondiale.

« L’augmentation de l’intensité des ouragans depuis les années 1970 apparaît fortement liée à l’élévation de la température à la superficie de la mer », ajoutait l’expert lors de la présentation, cet été, à Saint-Domingue, d’un rapport de la Banque mondiale, intitulé « Développement avec moins de carbone : réponses latino-américaines au défi du changement climatique ».

La survie des récifs coralliens est fondamentale pour l’écologie marine. Près de 65 % des espèces de poissons de la région en dépendent. Brise-lames naturels protégeant les côtes, ils servent de refuge à des milliers d’autres espèces marines. Ces écosystèmes fragiles sont aussi une importante attraction touristique. Les plages de Juan Dolio, à 60 kilomètres à l’est de Saint-Domingue, ne cessent de rétrécir : les récifs qui protégeaient la côte sont morts, victimes de la pollution. Cela n’empêche pas les promoteurs de multiplier les projets, souvent dépourvus de système de traitement des eaux usées.

« Le secteur touristique s’est développé en République dominicaine sans se soucier de l’environnement. Des mangroves ont été détruites, des zones humides asséchées, ce qui a augmenté l’impact des ouragans », déplore Miguel Ceara Hatton, directeur du programme de développement humain des Nations unies à Saint-Domingue.

Une élévation du niveau de la mer de 13 centimètres à l’horizon 2030 submergerait une partie des installations du pôle touristique Bavaro-Punta Cana, le plus important de la République dominicaine. Près d’une soixantaine d’hôtels, représentant environ 30 000 chambres, accueillent 1,6 million de touristes chaque année le long des 50 kilomètres de plages bordées de cocotiers.

La multiplication des terrains de golf accélère l’épuisement des ressources en eau. Un terrain de 18 trous consomme en moyenne 350 000 m3 d’eau par an. Les pollueurs sont rarement sanctionnés, dans ce pays où la corruption reste systémique. La fermeture temporaire, en avril, de l’hôtel Gran-Oasis, à Punta Cana, dont les propriétaires ont été condamnés à une forte amende, est une exception. L’hôtel utilisait la lagune Bavaro, une réserve naturelle de vie sauvage, comme égout.

La station balnéaire de Cancun, sur la côte caraïbe mexicaine, est présentée comme le modèle à ne pas suivre. Cette langue de terre lagunaire est saturée d’hôtels et de constructions sauvages qui mettent en péril ses écosystèmes, a mis en garde le ministère mexicain de l’environnement. Ses plages ont été balayées en 2005 par l’ouragan Wilma, et la grande barrière de corail qui la borde, est menacée.

« Les pays de la région n’ont d’autre choix que de s’adapter au changement climatique en accordant la priorité aux secteurs les plus vulnérables, comme l’eau, le tourisme, l’agriculture et l’énergie », soulignait Pablo Fajnzylber, l’un des auteurs du rapport de la Banque mondiale.

« La multiplication des ouragans aggrave la pauvreté de la population », rappelle aussi Miguel Ceara Hatton. L’an dernier, quatre ouragans ont ravagé plusieurs îles de la région. Les autorités cubaines ont estimé que les destructions étaient supérieures à 10 % du produit intérieur brut (PIB). En Haïti, les cyclones ont tué près de 800 personnes, et aggravé la crise alimentaire touchant plus du tiers de la population.

Les pertes provoquées par les désastres naturels dans la région pourraient quadrupler au cours des vingt prochaines années, selon la Banque mondiale. A l’horizon 2080, le coût total du changement climatique représenterait environ 11 % du PIB des pays du bassin des Caraïbes. La facture s’élèverait à 4 milliards de dollars pour le seul secteur touristique.

Face à ces perspectives, les pays membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom) réclament une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 45 % d’ici à 2020 et de plus de 95 % d’ici à 2050. Responsable du dossier au niveau régional, le premier ministre de Sainte-Lucie, Stephenson King, a annoncé que les pays du bassin parleraient d’une seule voix lors des négociations sur le climat, à Copenhague en décembre prochain, pour tenter de faire pression sur les grands pays industrialisés. Hugh Riley a pour sa part appelé les responsables du secteur touristique à prendre des mesures pour réduire « l’empreinte carbone » de cette activité. Par le biais, par exemple, de programmes de compensation des émissions de CO2 pour les voyageurs aériens.

CAROIT Jean-Michel


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