Faire gagner la gauche, sur des bases claires et combatives, c’est bien construire des réponses sur les grandes questions d’avenir (Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF)

mardi 8 septembre 2009.
 

La gauche doit sortir de son pré carré

Par Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF.

Quel est le scénario qui semble se dessiner en cette rentrée politique ? Sarkozy est à l’initiative, en convoquant les banquiers, en installant la commission Juppé-Rocard pour définir les « priorités stratégiques » du « grand emprunt national », en préparant un nouvel impôt sur les ménages alors que les mille plus gros contribuables vont recevoir de l’administration fiscale un chèque moyen équivalant à trente années de smic. Un an après le discours de Toulon et la promesse d’attaquer la crise à la racine, la droite engage une nouvelle offensive idéologique en cherchant à installer un consensus national, deux ans avant la présidentielle, tout en durcissant encore sa politique de casse sociale, économique et démocratique. En même temps, une petite musique nous laisse croire que les premiers signaux de reprise et de relance sont là. La vérité est que la situation de l’emploi est désastreuse, avec en cette rentrée 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail, avec un crédit qui reste rationné (75 000 faillites de PME-PMI en 2009, un record), avec les grands groupes qui recommencent à faire le choix de la financiarisation au détriment des investissements utiles. La spéculation repart de plus belle. Bref, aucune leçon de la crise n’a été tirée.

Nous sommes dans un moment où jamais la question d’un autre chemin à prendre ne s’est posée avec autant de force - ce n’est plus archaïque ou hérétique d’en discuter -, la gauche est sur d’autres sujets, sur d’autres préoccupations. Elle est ailleurs… Elle manque aux Françaises et aux Français, notamment à celles et ceux qui sont le plus durement frappés par les effets de la crise. Sarkozy s’est remis à courir et nous, nous sommes toujours incapables de nous relever. Il y a urgence à réagir car chaque jour de plus est aujourd’hui un jour de trop. Pour les femmes et les hommes de notre pays, la question n’est pas de savoir qui sera face à Nicolas Sarkozy en 2012, mais comment sortir de la crise sociale et vivre mieux. Nous avons besoin d’être capables de proposer à notre peuple des objectifs clairs dont la réalisation permette d’améliorer la vie de chacune et de chacun, et notamment de celles et ceux qui sont le plus durement frappés par la crise. Des objectifs qui ouvrent de nouvelles perspectives et sur lesquels puissent s’opérer des rassemblements suffisamment forts et déterminés pour vaincre les obstacles de tous ordres qui ne manqueront pas de se dresser, pour permettre que le changement réussisse, pour qumajorité et un gouvernement de gauche répondent aux attentes placées en eux. Faute de l’avoir fait dans le passé, la gauche a plusieurs fois déçu et échoué. « La crise et après », dit l’intitulé de notre rencontre. Deux dangers ici nous guettent. L’un serait de négliger le fait que c’est le capitalisme lui-même qui est à la source d’un tel gâchis pour l’homme et son environnement, et de croire qu’une politique d’incitation, d’appui à une éventuelle reprise conjoncturelle peut suffire à nous sortir de l’ornière. L’autre est de faire profil bas, au motif que l’on ne pourrait rien contre la crise puisqu’elle est mondiale. Dans les deux cas, on reste très en deçà de l’ampleur des transformations, des ruptures nécessaires et possibles, on ne tape pas là où ça fait réellement mal : une autre utilisation de l’argent et de nouveaux pouvoirs démocratiques (…).

Face à la crise, discutons d’un nouveau mode de développement humain, durable et citoyen. Je veux illustrer mon propos avec cet enjeu d’une nouvelle politique industrielle pour un développement humain durable. Un constat : notre appareil productif est dans une situation préoccupante. Entre la fin 2000 et juin 2008, un million d’emplois industriels ont disparu. Nous assistons à une véritable saignée. Plus de 70 % du total des ressources mises chaque année à la disposition des entreprises (profits, crédits, fonds publics) sont mobilisés pour financer le paiement des intérêts, des dividendes et les placements financiers au détriment d’investissements utiles (emploi, développement, recherche).

J’avance quelques propositions pour réfléchir ensemble. D’abord sur les finalités : une politique industrielle doit être au service des besoins de la société et des personnes, de l’intérêt général, de l’emploi, de la qualification, du progrès social, de la promotion du pays, de ses territoires, de la construction de son avenir, de la réponse aux défis écologiques qu’il faut relever dans une perspective de développement humain durable. Ces objectifs doivent trouver leur prolongement au plan européen, en rupture avec les orientations dominantes de la construction libérale de l’Europe fondée sur le dogme du marché autorégulateur, de la concurrence libre et non faussée, du dumping social, fiscal, réglementaire et environnemental. Le potentiel productif ne se limite pas aux seuls sites de production mais englobe les infrastructures publiques (réseaux de transports, accès à l’énergie, réseaux de communications, mais aussi infrastructures d’éducation, de formation, de santé). Le fait de placer la préoccupation écologique au coeur de ces objectifs conduit au développement de nouvelles technologies, de nouvelles productions, de nouveaux métiers qui peuvent contribuer puissamment, si on les libère du carcan de la financiarisation, à l’émergence d’une croissance nouvelle au service de l’épanouissement humain et de la préservation de l’environnement. Sommes-nous d’accord pour débattre des grands axes d’une telle ambition industrielle, pour les quinze, vingt prochaines années ? Les domaines d’activité dans lesquels la France doit impérativement être présente, à très haut niveau, sont nombreux. Sommes-nous d’accord pour dire que nous devons, au niveau national comme au niveau des régions, voire de certains bassins d’emploi, proposer des structures démocratiques de pilotage et d’orientation de l’effort industriel avec les outils de financement innovants nécessaires, une transformation profonde de la gestion des participations de l’État, la création d’un pôle financier public ?

Le problème de l’époque nouvelle dans laquelle nous sommes entrés est bien celui du dépassement du capitalisme. Il s’agit d’avancer dans une maîtrise sociale de l’économie et des entreprises. Enfin, il nous faut placer cette question des politiques industrielles en bonne place dans notre bataille pour transformer la nature et le contenu de la construction européenne. Depuis près de quinze ans, parler de politique industrielle était un gros mot dans les cercles bruxellois. Seul le marché comptait. De ce point de vue aussi, la crise rend plus indispensable que jamais la concertation entre les différents pays pour définir les grandes priorités en matière de recherche, de qualification et de formation, d’effort d’investissement. La BCE, telle qu’elle est aujourd’hui, est un frein pour le développement des activités utiles. Mener la bataille pour la réformer en profondeur et en faire un outil commun de financement et de refinancement au service de l’emploi et de la réponse aux besoins est un élément important pour changer la donne en matière de développement industriel en Europe. Penser l’avenir, ce n’est pas, comme trop souvent la gauche en donne l’image, ne penser qu’à son pré carré. Faire gagner la gauche, sur des bases claires et combatives, c’est bien construire des réponses sur les grandes questions d’avenir.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message