LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE ET LE MARCHE DU CARBONE.

vendredi 11 septembre 2009.
 

Depuis 90 ans le taux de co², dans l’atmosphère a augmenté de plus de 14%, contribuant principalement au réchauffement climatique*, avec d’autres gaz à effet de serre comme le méthane. Les activités humaines sont responsables de l’aggravation de cette situation, en particulier avec l’utilisation toujours croissante des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz). La crise climatique s’inscrit dans le cadre d’une profonde crise écologique globale. Elle s’ajoute et contribue à la dégradation de l’environnement : la déforestation, l’épuisement et la pollution des sols, de l’eau (engrais chimiques et pesticides) et de l’air. La dégradation des écosystèmes a des conséquences sur la qualité de la vie humaine et à terme sur son existence.

Le GIEC* avertit les Etats : « un changement climatique non atténué conduirait vraisemblablement, à long terme, à dépasser les capacités d’adaptation des systèmes naturels, gérés et humains. »

Cette urgence planétaire a conduit les nations à tenter de relever ce défi en créant un marché du carbone, comme instrument pour réguler les émissions de gaz à effet de serre. C’était l’enjeu des fameux accords de Kyoto (1997) signés par 172 pays dont les objectifs n’ont été fixés que pour la période 2005 à 2012. Les Etats-Unis, principal pollueur, n’ont pas signé ce traité. Ce protocole a autorisé la construction d’un marché des permis et crédits d’émission du carbone comptabilisés en tonnes équivalent de 5,2% pour 38 pays industrialisés. Les objectifs européens de - 20% pour 2020 sont insuffisants, il faudrait, selon le GIEC, réduire les émissions de 40 % d’ici 2020.

1) Le marché du carbone

Il s’agit bien d’un marché et vu l’importance du problème, on ne peut que s’étonner de voir le marché capitaliste et boursier employé comme outil de régulation, alors que ce même marché est responsable de la grave crise économique que nous subissons. Ainsi il est donné des droits d’émission, des droits à polluer en fait, aux Etats qui les redistribuent aux entreprises industrielles et électriques, pour fixer par incitation, la quantité de pollution à ne pas dépasser. Les Etats doivent atteindre le plafond fixé pour 2012. Les entreprises peuvent échanger (En Europe, les crédits-carbone) et revendre les crédits qu’ils n’ont pas utilisé ou en acheter pour avoir le droit de polluer plus…Si une entreprise n’a pas respecté son objectif, elle peut s’en sortir en achetant les droits vendus par des entreprises qui ont réalisé mieux que leurs objectifs.

Le marché carbone européen est évalué à 100 milliards de dollars en 2008. Le prix de la tonne carbone qui s’est effondré en 2007 illustre l’échec de la réduction des émissions par ce système. Pourtant on veut l’ouvrir aux Etats-Unis, en Australie et le mondialiser à Copenhague…

Les entreprises peuvent aussi obtenir des droits à bas coûts pour des émissions évitées, en investissant dans des pays étrangers, et les revendre sur le marché du carbone. En Europe de l’Est (ex-soviétique), aux industries archaïques et très polluantes, les industriels occidentaux ont utilisé les MOC (Mise en œuvre conjointe), pour les moderniser à bas-coût.

Dans les pays du Sud en voie de développement : les entreprises peuvent financer des projets additionnels, c’est-à-dire des projets qui n’auraient pas eu lieu en l’absence de ce mécanisme (remplacer le charbon par une énergie renouvelable, etc…). Ces MDP (Mécanisme de Développement Propre), une fois validés par l’ONU, donnent lieu à l’attribution de certificats de réduction d’émission. Ces crédits URCE * qui peuvent être négociés sur les marchés européens et mondiaux, permettent aux pays riches d’acheter des droits à polluer à bon marché et éviter les coûts de passage à une production sobre en carbone. Deux tiers des MDP ne fournissent aucune réduction des droits d’émission. Par contre certains projets ont des conséquences dramatiques pour les populations autochtones :

- 4 barrages sur des territoires indigènes au Panama ;

- A Okhla en Inde, la construction d’un incinérateur dans une zone habitée ;

- En Indonésie, l’expulsion de paysans pour produire de l’huile de palme, agro-carburant contestable qui diminue les surfaces cultivées vivrières qui assuraient l’alimentation autonome des populations.

- Un autre effet pervers des MDP qui incite les responsables politiques à maintenir au niveau le plus bas possible les normes nationales en matière de réglementation environnementales, de manière à favoriser la qualification MDP.

- La répartition est inéquitable : les projets concernent prioritairement l’Asie (66%), l’Amérique Latine (30%) au détriment de l’Afrique (3%).

Grâce à ce mécanisme, l’industrie occidentale a pu acheter des droits à bas prix et éviter les coûts de passage à une production pauvre en carbone.

Dans le cadre d’une régulation par le marché, c’est le consommateur final qui paie parce que tout coût supplémentaire est répercuté sur les prix. L’efficacité est nulle : soit que les droits sont distribués gratuitement par les Etats (Dans le cadre de la concurrence mondiale, libre et non faussée…) ; s’ils sont payants, soit une écotaxe, ils sont répercutés sur les prix. Dans l’Union européenne, selon Greenpeace, 90 % des entreprises ont été exemptées de droits payants…

Et puis, pour la finance internationale tout est bon pour spéculer, y compris le marché du carbone, le premier fonds spéculatif (Hedge Fund) a été lancé en janvier 2009 à Londres, avec pour opérateur la firme CF Partners, et la banque Fortis pour l’administrer (domiciliée au Luxembourg…). Le marché européen à chuté à nouveau pour atteindre 8€ la tonne en avril 2009…et comporte nombre de bad carbon et junk carbon (carbone pourri)…

2) La Contribution Climat-énergie ou taxe carbone

D’ici à 2050, la France s’est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre.

Outre les droits d’émission, le gouvernement veut instaurer une taxe pour infléchir le comportement des acteurs économiques : ménages, entreprises, acteurs publics. Cela permettrait de prendre en compte dans les prix ce qu’on appelle les externalités, c’est-à-dire la quantité de carbone émise par les biens et les services commercialisés au long de leur cycle de vie, depuis leur production jusqu’à leur élimination.

Le marché carbone ne couvre que 38% du total des émissions. De plus les activités de services, non couvertes par le marché : transports, logements, continuent d’augmenter fortement.

Avec une taxe le gouvernement fixe un prix pour le Co². La commission Rocard l’a évaluée à 32 € la tonne ; elle devrait atteindre 100 € en 2030…

Le principe d’une taxe écologique peut-être une bonne solution pour inciter les acteurs à des économies d’énergie, à la sobriété, pour dégager des ressources nouvelles pour financer des politiques publiques de reconversion des industries les plus polluantes, de soutien à l’agriculture paysanne, de développement des transports publics, et de mise aux normes des logements sociaux, la participation au fonds mondial de lutte contre le changement climatique dans le cadre de l’ONU.

Mais hélas, ce n’est pas le chemin emprunté par le gouvernement Sarkozy. En seraient exonérés :

- les secteurs d’activité aujourd’hui soumis au système des quotas, dont on a analysé que le système de marchandisation n’apportait pas l’amélioration souhaitable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Arcelor- Mittal dispose de 8 millions de quotas d’émission pour continuer à polluer tranquille…

Par ailleurs :

- Rien n’est envisagé pour réduire le transport routier des marchandises comme de mettre les camions sur les trains ;

- Rien pour les usages agricoles ;

- Rien ou de manière insuffisante pour le chauffage domestique (aides pour changer les modes de chauffage des maisons individuelles et des immeubles collectifs anciens). Rien ou peu, pour imposer des normes obligatoires sur les constructions neuves de mise en œuvre de matériaux isolants et de modes énergétiques renouvelables (solaire, géothermie).

- Rien pour la recherche publique de nouvelles technologies non polluantes.

La taxe envisagée rapporterait 8 milliards d’euros à l’Etat (0,4% du PIB). Elle signifierait une hausse du carburant et du fioul qui s’ajouterait à la TIPP, soit un coût moyen de 300 € par ménage. Mais ce sont les

35 % de familles les plus pauvres qui dépensent en proportion le plus d’énergie (transport travail, école, chauffage…).

Le gouvernement veut se servir de cet impôt pour renflouer les caisses de l’Etat au détriment des ménages et des collectivités locales. Il promet un chèque vert pour compenser la perte, mais il veut aussi supprimer la taxe professionnelle, ce qui privera de ressources les communes qui …augmenteront encore les impôts locaux !

Le système prévu par Sarkozy-Fillon est une arnaque verte soutenue par Cohn-Bendit et certains roses.

Lors du « Grenelle de l’environnement », il était question d’abaisser les cotisations sociales sur le travail. C’est ce qu’ont choisi de faire les Allemands. Cela permettrait de décourager l’usage d’énergies fossiles importées et de diminuer le coût du travail local. Donc de relocaliser la production, au lieu d’importer des produits et marchandises depuis l’autre bout du monde.

3) Pour un financement public.

« La réduction des émissions à la source suppose des réglementations et des normes contraignantes, décidées démocratiquement et sur la base d’une coopération internationale, sou l’autorité de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), sur la base des contributions historiques et actuelles au réchauffement et en fonction de la capacité à payer*. »

Le Fonds mondial pour le climat devra renforcer le droit des peuples à la souveraineté alimentaire et énergétique. Il doit prendre la forme de subventions et non de prêts, par des sources de financement indépendantes du marché et la levée des brevets sur les technologies appropriées.

De nombreux experts préconisent l’instauration d’une taxe mondiale globale comme seule solution réaliste et efficace, régulant le marché et permettant les transferts de richesses nécessaires au financement de la lutte et à la transition vers une nouvelle économie écologiquement viable.

4) Quel système économique et politique pour répondre à la crise mondiale dont la crise écologique est un des éléments ?

Il s’agit de transformer nos systèmes de production et de consommation par une planification écologique de l’économie. Il est nécessaire aussi de mettre un frein à la libre circulation des capitaux et des marchandises qui provoque le pillage des pays en voie de développement en les obligeant à produire pour l’exportation au détriment de leurs nécessités vivrières, ce qui induit des transports polluants et des délocalisations.

C’est une répartition équitable des richesses qui permettra d’exiger des comportements plus écologiques.

Dans la crise actuelle, on a beau accuser la spéculation, les paradis fiscaux, (sans prendre les véritables moyens pour les juguler), la dépression, « la menace d’effondrement qui pèse sur l’économie capitaliste mondiale, n’est pas due au manque de contrôle, elle est due à l’incapacité du capitalisme de se reproduire. Il ne se perpétue et ne fonctionne que sur des bases fictives de plus en plus précaires…la restructuration écologique ne peut qu’aggraver la crise du système. Il est impossible d’éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mènent depuis cent cinquante ans.

…La décroissance (au sens d’une économie économiquement écologique -NDLA) est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare. »*

Tout est dit, le plus tôt sera le mieux pour sortir de ce système qui en s’autodétruisant, entraîne l’humanité à sa propre disparition.

5) La conférence de Copenhague

La 15° Conférence des parties (CDP) se réunira au Danemark en décembre 2009 pour négocier la suite du protocole de Kyoto. Elle portera sur la détermination des objectifs nationaux de réduction des émissions, les outils à mettre ne place, les compensations entre pays.

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Allain GRAUX

Le 2.09.2009

* L’élévation du niveau de la mer a été de 1,8mm par an de 1961 à 2003, elle serait de 20 à 60 cm au cours du XXI° siècle. Elle pourrait atteindre 1,90 m avec la fonte des calottes glaciaires ; avec tous les problèmes que cela entraîne : inondations, famines, migrations de populations, guerres).

* GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat.

* URCE : Unité Certifié des Droits d’Emission

* Attac et les Amis de la terre

* Ecologica – André Gorz


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