Maxime Le Forestier sur la grande scène de la fête de l’humanité. Chansons et souvenirs de Mai 68 : "quelque chose était possible"

mercredi 16 septembre 2009.
 

Maxime Le Forestier n’a jamais eu besoin de parler haut pour se faire entendre. Vaille que vaille, depuis les années 1970 et son premier album San Francisco, il chante l’air du temps et les sentiments, d’une voix douce et chaude. Quelques accords de guitare lui suffisent pour planter le décor, à l’image de son nouvel et quatorzième album, Restons amants, huit ans après l’Écho des étoiles. Entre-temps, il a tenté d’autres expériences musicales, imaginées pour se ressourcer et aller vers d’autres horizons : ainsi de la tournée Plutôt guitare, puis les concerts Brassens ou encore l’écriture de la comédie musicale Gladiateur. À l’instar de Francis Cabrel ou d’Alain Souchon, Maxime aime prendre son temps, fignolant ses chansons, en artisan de la belle ouvrage. L’écriture, toujours exigeante, est au rendez-vous, entremêlant jeux de mots et tournures sentimentales. Soit douze chansons ciselées de main de maître (l’Ère étrange, Grain d’sel, le Juge et la blonde). Avec en prime, un duo intimiste avec Emmanuelle Béart, l’Hymne à la soie. Autant de chansons caresses, légèrement teintées de mélancolie ou de swing bluesy, auxquelles l’on succombe volontiers.

Comment ça naît un album de Maxime Le Forestier ?

Maxime Le Forestier. On sort très peu. On travaille tous les jours. C’est vrai que je n’écris pas en tournée. Je prends des notes, une idée qui vient en musique ou en texte, mais je ne construis rien. Après, je regarde dans les noisettes ce que j’ai amassé pendant mes pérégrinations, ce qui mérite d’être ou non développé. À partir de là, les choses se construisent. Je me mets en position d’écriture pour que toutes les idées fassent chanson. Depuis que je suis dans ce métier, je n’ai rien fait au hasard, en dilettante. Même si je ne me prends pas au sérieux, j’ai toujours essayé de faire les choses sérieusement. J’arrête de travailler une chanson quand j’en suis satisfait.

Qu’entendez-vous par « J’irais bien glisser mon grain de sable dans l’ordre et la paix civile » ?

Maxime Le Forestier. J’irais bien faire la révolution, même si elle se transformera de toute façon en mur de béton. D’où ces mots : « Dans quel béton mal coffré vont-ils le jeter, mon grain de sable ? » J’espère faire preuve de lucidité. Le grain de folie sur l’écran des solitudes… Regardez ce que la télé fait du talent des gens. C’est terrible. Mais à force de formatage, ça devient souvent lamentable. Le grain de beauté… Cette chanson est une déclinaison sur les grains. À chaque fois, qu’en fait-on ? C’est vrai que ce n’est peut-être pas d’un optimisme fou…

On a beaucoup parlé de Mai 68. Des souvenirs ?

Maxime Le Forestier. J’avais dix-neuf ans. J’étais chanteur. J’ai fais deux ou trois concerts avec Moustaki et Boby Lapointe dans des usines, la Snecma, Renault, toujours en région parisienne vu qu’il n’y avait pas d’essence. C’était difficile de circuler. Je me souviens comment un pays peut se paralyser. D’abord il y a eu le mouvement des étudiants, puis celui de ouvriers, pas suffisamment pour qu’on commence à manquer de nourriture dans les villes, mais il s’en est fallu de peu. 1968, c’est un soubresaut en France, un mouvement de libération individuelle qui a touché à peu près tout l’Occident. Aux États-Unis, c’était l’opposition à la guerre du Vietnam, Joan Baez, Bob Dylan, San Francisco avec ses communautés qui cachaient les objecteurs de conscience. Puis il y a eu la révolution tchèque, Prague écrasée par les chars russes. Le monde entier était en ébullition. Je pense que la vraie évolution humaine de cette période-là, c’est la contraception, la maîtrise des naissances. Cela a plus changé les moeurs que tout le reste et permis aux femmes de s’affirmer. Mai 68 aura été un petit accès de fièvre, les vrais mouvements d’évolution ont eu lieu après.

Des chansons de votre répertoire font-elles directement écho à cette période ?

Maxime Le Forestier. J’avais chanté une chanson de Jean-Michel Caradec, Mai 68, qui faisait explicitement référence à cette période. Dans les Jours meilleurs, je l’évoque : « Sur les ruines, on pouvait planter des fleurs. » Mais je n’ai pas fait les barricades et je n’étais pas dans le noyau dur de ceux qui ont déclenché Mai 68. Mon premier album, San Francisco, date de 1972. Il y a Parachutiste, mais ce n’est pas soixante-huitard. C’est un truc que j’avais écrit pour faire marrer les potes, plutôt antimilitariste. À cette époque, la jeunesse était relativement bâillonnée, la France pas mal corsetée. J’ai été plus fasciné et intéressé par les années qui ont suivi. Ça bougeait tellement… 1968 avait eu lieu et quelque chose était possible. La jeunesse bougeait énormément. Et j’étais jeune. C’est après que ça a commencé à se gâter !

Album Restons amants

chez Polydor.

Tournée du 18 octobre 2008 au 6 mars 2009,

dont le Casino de Paris

du 13 au 15 novembre.

Entretien réalisé par Victor Hache


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