BARROSO SUPER-STAR, fossoyeur de l’Europe et de la gauche (2 textes de Jean Luc Mélenchon)

mardi 22 septembre 2009.
 

Je sais bien que tout le monde est déjà bien informé à ce sujet et je ne le raconte que pour mémoire. Ils ont donc réélu monsieur Barroso, dans un fauteuil.

1 Barroso en fossoyeur de l’Europe et de la gauche

Affligeant, désespérant, rageant même... La défaite de l’Europe a un goût amer. Car il s’agit bien d’une défaite : José Manuel Barroso est reconduit à la présidence de la Commission européenne. L’ancien Premier ministre portugais n’est certes pas celui par qui tous les malheurs de l’Union européenne sont arrivés, mais il a mis si peu d’ardeur à les empêcher. Et il a mis parfois tellement d’enthousiasme à les provoquer…

Pourtant, pour les conservateurs, on ne change pas un chef d’équipe qui perd et désespère : ils lui apportent leur soutien. Un soutien aveugle et déconcertant à l’image du discours tenu par Alain Juppé, ce matin même sur Europe 1. Pour le nouveau consultant ès « grand emprunt », si le président de la commission européenne a fait preuve d’une incompétence crasse face à la crise, c’est que Nicolas Sarkozy est grand, beau et fort, et a occupé tout le terrain pendant la présidence de l’Union européenne : « On peut comprendre que José Manuel Barroso ait eu un peu de mal à trouver son espace » !

C’est déjà faire beaucoup d’honneur à notre chef d’Etat. Mais avant les six mois qu’a duré la présidence française de l’Union européenne ? Depuis 2004 ? Et après ? Non, on ne peut pas « comprendre que José Manuel Barroso ait un peu de mal à trouver son espace ». Non, on ne peut pas comprendre qu’il soit reconduit malgré un « discours 2.0 » mâtiné de lutte contre le dumping social et favorable à la taxe Tobin.

Comme on a du mal à admettre que le chef des libéraux, le Belge Guy Verhofstadt, un des candidats de François Bayrou pendant la campagne, lui ait apporté son soutien, fut-il « conditionnel ».

Comme on a encore plus de mal à admettre que les socialistes européens ne votent pas contre Barroso. Vous ne rêvez pas : c’est l’abstention qui a été décidée par le groupe des socialistes et démocrates (S&D) face au candidat unique Barroso. On peut reconnaître — une fois n’est coutume — du mérite aux socialistes français : eux qui ont mené campagne sur le thème « Stop à Barroso » , devraient voter contre. Sans trop tortiller. Mais leurs autres congénères socialistes ? Ils s’abstiendront ! Jean Quatremer, le correspondant de Libération à Bruxelles, explique très bien cette aberration : ils suivent un Martin Schulz à la manœuvre. Car le président du groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates espère arracher des miettes au grand banquet de la réélection de Barroso. Ces miettes ? Des postes pour ses petits camarades : « Un calcul pour le moins curieux, note le journaliste de Libération, les gouvernements socialistes se comptant aujourd’hui sur les doigts d’une seule main et les commissaires de droite à satisfaire étant particulièrement nombreux… » Affligeants, désespérants, rageants, ces petits calculs qui marquent en plus de la défaite de l’Europe, celle, aussi, des socialistes européens…

Article dans Marianne 2

2 BARROSO SUPER-STAR

Celui-ci a remerciés les eurodéputés à la fin de l’ovation debout qu’il a reçu de ces gens qui semblaient avoir remporté je ne sais quelle victoire contre je ne sais qui tant ils applaudissaient furieusement. De son côté Barroso a remercié le Parti Populaire Européen pour avoir « pris le risque » (sic en français dans le discours) d’affirmer son soutien des le début. Puis il a remercié le gouvernement social démocrate du Portugal et son premier ministre monsieur Socratés pour avoir porté sa candidature.

Inutile d’évoquer les rires amers dans la salle sur nos bancs et notamment ceux de nos camarades portugais du Bloc de Gauche, notre « parti frère », qui auront des élections générales dans quinze jours au Portugal, le même dimanche que nos camarades allemands de Die Linke. Rendez vous dans les urnes, donc. N’empêche.

Sans les abstentions et les votes favorables des sociaux démocrates monsieur Barroso serait resté en cale sèche. Comme j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur plusieurs médias et que je crois que cela a été vu et entendu je n’y reviens pas ici. Maintenir un libéral caricatural de la période qui est un des responsables du désastre financier que l’on sait est totalement pitoyable. Quelle désinvolture ! On voit bien ici la limite de la prétendue démocratie d’opinion. Car l’opinion européenne exprimée de toutes les façons possibles dans la dernière période, et même à droite en France, a été massivement défavorable à monsieur Barroso.

Cet épisode fonctionne comme une démonstration des effets possibles invraisemblables de l’effet de bulle en politique. L’Union européenne est une bulle bien close. Ce vote restera je le crains dans les annales de l’histoire comme une manifestation de l’incurie de ce temps quand s’avanceront les désastres qu’il contient. J’espère que mes lecteurs ont bien noté que Barroso n’est élu que grâce à l’abstention du groupe socialiste du parlement européen. Ce point n’a pas été compris dans les moments qui ont suivi le vote parce que la règle du jeu est mal connue.

Dans le cas présent ne sont comptés que les suffrages exprimés par rapport aux présents dans la salle. Dans ces conditions l’abstention est en réalité un vote favorable pour le mieux placé. Ce n’est donc pas un geste bien courageux de Martin Schulz, le président du groupe socialiste d’avoir demandé a ses députés de s’abstenir. Il a contribué à la victoire de Barroso. Si tout le groupe socialiste avait voté contre, Barroso était retoqué. A présent c’est fait.

« Je prie pour vous monsieur Barroso et je demande à la sainte mère de notre sauveur de vous inspirer les vertus de sagesse dont elle est si pleine » a déclaré un député conservateur polonais. Pourquoi pas, au point où nous en sommes dans cet hémicycle !


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