Bayrou et Sarkozy sont deux faces du libéralisme.

mardi 13 mars 2007.
 

Bayrou ... veut transformer le Code du travail en un « Code de principes », qui se réfère à des principes généraux et dont l’interprétation se fera au cas par cas, selon le rapport de forces local.

Mais, pour obtenir un « Code de principes » il faut démanteler l’actuel « Code de procédures », il approuve donc la réécriture du Code du travail, entreprise par le gouvernement actuel.

Sarkozy soutient cette réécriture car elle permet de gommer les procédures « tatillonnes », « complexes », elle conduira à laisser plus de place aux « négociations entre partenaires sociaux », et à faire reculer les lois protectrices. Ils soutiennent tous deux le projet du Medef qui veut que les contrats permettent de faire exception à la loi.

Bayrou et Sarkozy s’opposent seulement sur la façon de battre la gauche durablement.

Sarkozy considère qu’il faut écraser le mouvement social qui nourrit la gauche et qui attend d’elle la fin de la casse sociale qu’organisent la droite et le Medef.

Il reprend à son compte la stratégie que, en août 1995, Madelin avait formulée pour la droite : « il nous faut un nouveau Mai 68 et le gagner ». C’est la stratégie de Thatcher qui, en cassant la grève des mineurs, a assuré une victoire durable de la droite, y compris en ouvrant un boulevard à Blair qui, ultérieurement, allait conquérir la majorité du Parti travailliste.

C’est cette voie qu’a voulu emprunter Juppé en novembre 1995 par sa réforme de la Sécu, Fillon au printemps 2003 par sa réforme des retraites et Villepin au printemps 2006 avec le CPE. N’ayant pu casser le mouvement social, ils ont jusqu’ici échoué.

Si Sarkozy l’emportait le 6 mai, il aurait les moyens de préparer et de gagner cet affrontement central.

Bayrou parie sur la division de la gauche et cherche à l’étouffer dans une alliance de « troisième force », celle avec laquelle Guy Mollet et la SFIO (le PS de l’époque) s’étaient noyés.

La constitution d’une alliance de « troisième force » était une politique de division de la gauche, de refus de s’allier avec le PCF, conformément aux consignes qui présidaient à la « guerre froide ». Elle consistait en l’alliance d’une partie de la gauche avec une partie de la droite, notamment la démocratie chrétienne (à l’époque c’était le MRP de Georges Bidault, aujourd’hui ce serait l’UDF de François Bayrou).

Cette stratégie de Guy Mollet a brouillé les frontières entre gauche et droite. La SFIO de Guy Mollet a terminé à 5 % des voix, avec Gaston Deferre, lors de l’élection présidentielle de 1969. Les électeurs socialistes, déboussolés, s’étaient volatilisés en abstentionnistes de gauche.

C’est dans cette stratégie que Bayrou voudrait enfermer Dominique Strauss-Kahn et Bernard Kouchner. Il espère ainsi faire éclater le PS pour que la division de la gauche soit complète.

Ségolène Royal doit s’engager dans la voie de l’unité de la gauche pour battre Sarkozy et Bayrou

Au premier tour de l’élection présidentielle de 1969, la gauche totalisait 30 % des voix exprimées : Duclos (PCF) 21 %, Deferre (SFIO) 5 %, Rocard (PSU) 3 %, Krivine (LC) 1 %.

C’est François Mitterrand qui, tirant les leçons de cette déroute, au congrès d’Epinay de 1971, convainquit le PS de s’engager dans la constitution d’une « Union de la gauche ». Le programme commun de la gauche fut signé en 1972 : c’était le premier résultat politique de Mai 68, différé de quatre années.

Aux élections législatives de 1973, l’Union de la gauche réunissait 48 % des voix. De 1969 à 1973, la gauche passait de 30 % à 48 % : les électeurs n’étaient pas brusquement devenus de gauche, mais les électeurs de gauche, dispersés par l’abstention en 1969, s’étaient remobilisés puisque, en 1973, la gauche disposait des moyens de gouverner à gauche.

Aujourd’hui, les sondages, sans constituer une prévision, indiquent que 40 % des électeurs, pour l’essentiel des électeurs de gauche, sont indécis. Il est donc urgent de mobiliser maintenant tous les électeurs de gauche. L’heure est donc à l’unité de la gauche.

C’est pourquoi, Ségolène Royal doit proposer une rencontre à tous les candidats, représentatifs d’un courant de gauche, qu’ils aient obtenu ou non les 500 signatures.

Une telle rencontre, suivie d’autres et de déclarations faisant état de convergences réelles, point par point, sera une démonstration de démocratie. Chaque déclaration permettra de confronter les propositions de chaque courant, de les rendre visibles, de recentrer le débat public sur les propositions de la gauche, de montrer la coopération qui existe à gauche et d’affirmer le refus de toute alliance avec un quelconque courant de droite, que ce soit Bayrou ou quiconque.

C’est ainsi que les propositions de la gauche perceront la barrière des médias.

Avec les cent propositions présentées par Ségolène Royal à Villepinte, la campagne socialiste commence à répondre aux exigences des électeurs de gauche. Sa réponse aux 10 000 licenciements d’Airbus (et aux milliers de licenciements secs qui toucheront les sous-traitants), « l’Etat peut et doit faire », s’oppose aux prises de position de Sarkozy et Bayrou. Ce dernier maintenant sa position : « l’Etat ne doit rien faire ». Une réponse commune de plusieurs candidat-e-s de gauche, permettra d’opposer la gauche et la droite.

C’est ainsi que se prépare un possible accord de gouvernement. On sait qu’il est possible entre PS (S. Royal), PCF (M-G. Buffet), Verts (D. Voynet) et l’Alternative anti-libérale (J. Bové) puisque ces quatre candidat-e-s se prononcent pour le désistement à gauche lors du second tour.

Cette perspective permettra de sortir la gauche d’une division qui l’affaiblit : sortir le PS de son isolement, qui lui laisse peu de réserves pour le second tour, et sortir les collectifs anti-libéraux de l’impasse dans laquelle ils se sont enfermés et qui explique leur éclatement entre Olivier Besancenot, Marie-George Buffet et José Bové.

Faire gagner la gauche c’est d’abord construire son unité et son indépendance.

Pierre Ruscassie


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