Discours programme de Laurent Fabius à Pantin

mercredi 11 octobre 2006.
 

Mes amis, mes camarades, je suis candidat du projet socialiste. Je suis candidat du pouvoir d’achat, et je suis candidat de la construction du futur. Je veux comme vous une France forte et solidaire, forte parce que solidaire. Je sais que la première solidarité, elle commence, on l’a bien dit avant moi, par la solidarité dans les conditions de vie et de travail. Ce n’est pas un hasard si j’ai proposé, rejoint ensuite par tous les socialistes, l’amélioration du SMIC et des petits et des moyens salaires, car c’est d’abord le pouvoir d’achat, c’est d’abord la capacité de faire face pour les dépenses de sa famille et pour les siennes, c’est d’abord une vie digne qui est à la base du socialisme, du social, de la République et de ce que l’un d’entre nous appelait tout à l’heure le bonheur.

Les ouvriers, les employés, les techniciens, les ingénieurs, les artisans, les commerçants, les retraités, les fonctionnaires, c’est à tout ceux-là notamment, qu’il faut penser, mais d’abord à la justice, qui doit, c’est le sens de la venue au pouvoir de la gauche, amener un plus dans les conditions concrètes de vie et faire en sorte qu’on réduise les inégalités. Ce n’est pas un hasard si j’ai proposé de supprimer les stock-options, parce que j’en vois, comme vous, les dérives. Et parce que plus généralement, sans qu’il soit possible de légiférer sur ce point, je trouve qu’il serait normal et juste, j’allais dire décent, que l’évolution des salaires des dirigeants à la tête des entreprises corresponde à l’évolution moyenne des autres salaires et non pas cet écart qui rend les choses insupportables quand les modestes s’appauvrissent alors que d’autres s’enrichissent avec des additions qu’on ne peut même pas faire.

Nous ne sommes pas les ennemis des entrepreneurs, comme une réputation absurde voudrait le faire croire ; nous avons besoin des dirigeants d’entreprises. Ils doivent être payés correctement - bien sûr -, mais leurs rémunérations doivent rester décentes. Et je veux être précis, parce que sur cette question, les salaires, le pouvoir d’achat, il faut l’être. Lorsqu’on est très fortuné, on n’a pas besoin d’être précis, mais lorsqu’on a une famille à nourrir et qu’on gagne mille euros net, on sait ce que ça veut dire cent euros de plus par mois. Même si c’est insuffisant, c’est déjà ça. Et lorsque des camarades, au demeurant parfaitement estimables, disent « mais Laurent, on ne peut pas... être précis. Mieux répondre : on verra ». Je leur dis, à la fois pour des raisons de principe et si les principes ne peuvent pas les convaincre, pour des raisons électorales, que si sur ces questions élémentaires et essentielles la réponse du candidat est « on verra », la réponse des électrices et des électeurs le moment venu sera aussi « on verra » !

Sur le logement, comme sur le reste, je défends le projet socialiste, je vais même un peu plus loin, parce que, si l’on veut améliorer les conditions de vie dans les quartiers, si l’on veut supprimer les ghettos sociaux, si l’on veut faire en sorte que ces listes interminables de demandeurs ne s’allongent pas un peu plus, il faudra construire, construire, construire, pas avec la loi de Robien, qui donne un avantage fiscal sans contrepartie sociale en face, mais des logements qui correspondent tout simplement aux besoins, à la demande.

Il faudra, vis-à-vis des maires, et il y en a, et même plusieurs centaines, qui sont récalcitrants, faire preuve de ce qui s’appelle, parfois on a tendance à l’oublier, « la volonté politique ». Ce n’est pas un gros mot. Et donc, si des maires de droite, disent « les socialistes arrivent au pouvoir, l’amende était de tant si on ne construisait pas de logements sociaux, leur projet prévoit de la tripler, payons, ne changera rien à l’affaire ». Mettez vous un instant par déraison dans la peau d’un maire de droite qui se dit « mais si je construis des logements sociaux, qu’est-ce qui va arriver ? Au sens concret de ce terme, peut-être... des ouvriers, des employés, des artisans, des fonctionnaires - on sait qu’ils ne votent pas toujours « bien » - des personnes de couleur, peut-être même des socialistes et des communistes ! »

Alors, je dis tout simplement que si l’on veut que la République exprime sur le terrain cette superbe idée du mélange, parce que la France, oui il faudra s’y habituer, c’est une terre de mélange, mais ce mélange il est capable d’être fort parce que c’est la République ! Si l’on veut que la mixité sociale existe sur le terrain, eh bien il faut que pour les maires qui refusent obstinément de se soumettre à la loi, tranquillement, paisiblement, le représentant de l’Etat, le préfet utilise son pouvoir de substitution d’office et que dans toutes les communes et dans tous les quartiers il y ait cette mixité sociale qui évitera les ghettos. C’est cela la volonté politique et c’est cela que nous ferons.

Chers amis, la semaine dernière, un petit peu plus tôt dans la matinée, je me trouvais à Fleurance, dans le Gers, avant ma déclaration de candidature, pour discuter avec les représentants des chercheurs. J’avais souhaité répondre à leur invitation, parce que, pour moi, qui ai été, il y a quelques années, ministre de la recherche, qui vois que notre pays, malheureusement, sur ce plan, recule, qui sais comme vous que la recherche est la clef du futur, parce qu’il n’y a pas d’autres ressources, dans notre pays que l’intelligence : école, enseignement supérieur, recherche, innovation. Je voulais dire à ces femmes et à ces hommes, qui ne sont pas assez considérés en France que nous, socialistes, comptions sur eux pour relever le défi formidable qui est devant nous. Et je leur ai dit des choses précises, dans la ligne du projet socialiste, car j’avais en mémoire le conseil que m’avait donné un ami aujourd’hui disparu, le père de la fusée Ariane,

Hubert Curien, et qui me disait : « La France, c’est d’abord la recherche, et la recherche, c’est d’abord le long terme ». Et Hubert Curien, qui était originaire des forêts des Vosges, me disait : « Laurent, quand tu auras à traiter ce sujet, pense toujours que l’horizon c’est l’horizon du forestier et non pas l’horizon du myope ». Oui, le président de la République doit avoir l’horizon du forestier, l’horizon du long terme, c’est cela son rôle. Alors oui, un plan décennal pour l’emploi des chercheurs, une augmentation - ce sera la plus forte de tous les budgets - de 10% par an oui une volonté de redonner force au niveau français et européen à des secteurs aujourd’hui en déshérence. Nous sommes forts dans le spatial, forts dans le nucléaire, dans la défense, mais nous avons perdu des rangs pour la santé et les sciences de la vie.

Nous ne sommes pas au niveau où nous devrions être en matière d’énergie alternatives et là est une bonne partie du futur. Il y a un institut français du pétrole, il compte environ deux mille chercheurs sur le pétrole ; eh bien faisons en sorte, en discutant avec ses responsables, qu’il devienne un institut français des énergies, et que la France recherche le premier rang dans ce domaine. La construction du futur, c’est évidemment l’école, l’enseignement supérieur. Rien ne sera jamais suffisant comme investissement dans ces domaines. Mais il faut en particulier que nous sachions consentir un effort important pour notre enseignement supérieur. Allez parcourir les couloirs et les salles de nos universités et vous verrez que beaucoup d’entre elles, malgré la qualité de celles et ceux qui y travaillent, ne sont pas dignes de ce que doit être le berceau du savoir. C’est une question de moyens, mais pas seulement de moyens ; c’est aussi une question d’organisation, d’interpénétration.

On nous dit souvent : « Qu’est-ce que le socialisme ? Pourquoi êtes-vous socialistes ? » Mais d’abord, nous sommes socialistes parce que nous pensons que chaque petit garçon, chaque petite fille a en soi une pointe de diamant et que le rôle de l’organisation sociale et des orientations politiques est de faire en sorte qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes ; cela se bâtit d’abord à l’école, à l’université, dans l’enseignement, dans la formation, priorité absolue pour les années qui viennent. Candidat de la construction de l’avenir : école, recherche, incitation en direction de l’entreprise.

Mais l’avenir, mes camarades, et on en a peu parlé ce matin, c’est la question du défi écologique. Je n’emploie pas le terme « environnemental », parce que par son étymologie même, il donne le sentiment que ce défi serait à la périphérie, dans « l’environnement », alors qu’il est au centre de tout, parce que pour la première fois, dans le siècle qui a commencé, si l’homme et la femme ne sont pas capables de se maîtriser eux-mêmes, l’homme et la femme détruiront la planète terre, et c’est ça l’enjeu devant nous. On sait ce qu’il faut faire. D’abord les économies d’énergie. Tout de suite, un programme ambitieux en matière d’économie d’énergie notamment dans le logement, dans les transports. Il faut construire des routes, parfois des autoroutes ! Mais prenons un principe : que chaque euro dépensé dans ce domaine ait comme contrepartie un euro dépensé dans les transports collectifs. Que nous soyons plus forts en matière d’énergie renouvelable.

Est-il normal que l’Allemagne, dont je ne sache pas que ce soit le pays le plus ensoleillé d’Europe, ait en matière solaire une avance incommensurable par rapport à nous-mêmes ? Est-il normal que nous n’ayons pas fait encore ce qu’il faut pour protéger cette ressource rare que devient de plus en plus l’eau ? Est-il normal que nous n’ayons pas conclu de contrat européen à long terme avec les géants d’aujourd’hui et de demain en matière de fourniture de gaz, de fourniture de pétrole ? Est-il normal que notre organisation gouvernementale ne soit pas adaptée ?

Oui, j’ai repris la proposition d’un écologiste fameux avec lequel j’ai eu l’occasion de discuter ; je suis investi et élu président de la République, le numéro deux du gouvernement, vicepremier ministre ou ministre d’Etat, aura en charge, la question de l’écologie, de l’environnement, parce que c’est essentiel. Il faudra accorder des prêts à taux zéro aux particuliers pour leurs dépenses permettant de réduire la consommation énergétique. Il faudra que l’Etat et les collectivités locales soient exemplaires en matière de véhicules, de bâtiments, d’économie d’énergie et dans d’autres domaines encore. Ne faudrait-il pas que la fiscalité de l’énergie soit modifiée pour que la pollution soit pénalisée ?

Et sur tous ces terrains, amis et camarades, c’est peut-être le domaine, où parlant à l’ensemble du pays, on fera le mieux toucher du doigt que le libéralisme ne peut rien changer, alors que notre approche de la régulation collective et du socialisme peut nous sortir de la difficulté, car enfin, le libéralisme, c’est la loi du marché. Il faut, dans un certain nombre de domaines que le marché s’applique, mais le marché est myope, le marché ne prend pas en compte ce qui n’a pas de traduction financière, et le défi écologique comporte précisément comme obligation de prendre en compte le long terme et de peser sur ce qui, spontanément, n’a pas de dimension financière. Seule la régulation publique, et seule, à ce moment-là, la démarche socialiste peut y parvenir.

Quand je vois que la France, qui est un des pays les mieux placés du monde - nous avons EDF, magnifique société, nous avons, - mais jusqu’à quand ? - GDF, grande société aussi, nous avons AREVA, dans le nucléaire, nous avons le CEA, grand organisme, nous avons à base française même si c’est un groupe mondial TOTAL, nous avons d’autres capacités encore - et l’Etat français, le gouvernement français, seul de son espèce, au moment où tous les pays essayent de reprendre publiquement la main en matière d’énergie, cède la main précisément en privatisant GDF, cela n’a pas de sens !

Le défi démocratique. Je sais bien que les institutions, en général, ne sont pas réputées passionner les Françaises et les Français. Mais qui ne voit, aidé en cela par les pratiques actuelles, que le régime actuel est à bout de souffle. Il faudra donc, je dis les choses telles qu’elles sont, une République parlementaire nouvelle. J’ai déjà, dans l’esprit, un engagement, que je renouvelle devant vous :

si je suis investi et élu, les Français seront consultés par référendum sur cette République parlementaire nouvelle dès le mois de septembre 2007. C’est clair, c’est net et c’est ce à quoi je procèderai. Dans cette République parlementaire nouvelle, le Président de la République, rassurez-vous, gardera tout de même certains pouvoirs. Je ne fais pas partie de ces philosophes qui écrivent des grands livres pour expliquer que le langage n’existe pas ! Je ne me présente pas à cette fonction en proposant que la première mesure à prendre soit précisément de la supprimer. Mais, entre la supprimer et l’équilibrer, il y a la place du raisonnable.

Il n’est pas normal que le Président de la République soit une sorte de monarque, responsable devant personne, qu’on voit, chaque année au 14 juillet, répondre aux questions des journalistes, qui rentre comme le coucou dans sa boîte et qui ressort l’année suivante. La démocratie, ce n’est pas cela ! Il faudra que le Président de la République, élu au suffrage universel, rende périodiquement compte de son action et de l’exécution des engagements qu’il a pris. Il faudra lui enlever un certain nombre de ses pouvoirs, pour que la démocratie fonctionne mieux. Par exemple, ce n’est plus le Président de la République qui présidera le Conseil supérieur de la magistrature, tout simplement parce que la magistrature doit être indépendante.

Il faudra aussi modifier un certain nombre de règles de nomination, sur les hautes fonctions de l’Etat, sur toute une série d’organismes. Il faudra que le Premier ministre, du même coup, prenne un nouveau rôle : il sera le chef de la majorité, responsable devant l’Assemblée nationale, à ce point responsable que chaque année il devra venir exposer à l’Assemblée nationale l’état de l’exécution du programme, avec un vote chaque année. Et il faudra que l’Assemblée nationale elle-même soit renforcée, pour une part élue à la proportionnelle, dotée de nouveaux pouvoirs, où les élus ne seront pas tiraillés entre leur présence à l’Assemblée et d’autres contraintes. J’espère ne pas heurter trop de camarades ici - je les heurte mais leur amitié est sans borne -, il faudra abandonner le cumul des mandats.

Non seulement, une République parlementaire nouvelle, mais aussi une démocratie sociale plus forte, puisque nous avons à l’esprit cette fameuse République sociale ce qui signifie des syndicats plus puissants, puissants parce que leurs responsabilités seront plus fortes, et en particulier - Alain Vidalies est un spécialiste de ces questions - par le principe de l’accord majoritaire, qui obligera chacun à prendre ses responsabilités, par la représentativité décidée sur la base de l’élection des salariés, par le fait aussi qu’on ne pourra pas, dans une entreprise, déroger en négatif à un accord passé plus haut.

Bref, une démocratie sociale qui fonctionne y compris dans les relations avec le parlement car lorsque des textes concernant les principes du droit du travail ou de la sécurité sociale viendront à l’examen du parlement, il serait légitime, qu’auparavant, à la différence du CPE et d’innombrables textes, ceux-ci aient été examinés, soupesés, estimés et discutés par les organisations représentatives même si le législateur garde sa fonction politique suprême.

Et je ne sépare pas cela d’un sujet essentiel, la démocratie culturelle, entendue non pas seulement au sens des pratiques culturelles qu’il faudra développer, pas simplement au sens des industries culturelles, grands enjeux du futur, où la France a tant de choses à faire et où malheureusement elle est souvent absente, mais entendu au sens profond de la culture. La culture, la diffusion de la culture, dans la mesure où celle-ci permet l’apprentissage critique, le sens civique, le regard non seulement du spectateur mais du citoyen qui veut pouvoir comprendre et peser sur les choses sont essentiels. C’est la démocratie culturelle qui est le premier ferment de la laïcité.

Défis de la mondialisation : il faudra une relance et une réorientation de l’Europe. Comme vous je suis européen, fondamentalement européen et à chaque fois que j’entends telle ou telle personne sans penser à mal me dire : « mais vous avez voté contre L’Europe » : quel contresens ! Beaucoup d’entre nous ont voté contre le traité constitutionnel, d’autres socialistes ont voté pour le traité constitutionnel, mais j’espère rassembler les uns et les autres à partir de la conviction qui m’habite que c’est pour l’Europe que nous nous sommes battus, que c’est pour l’Europe que nous allons nous battre, mais pour une Europe différente, pour une Europe sociale, pour une Europe démocratique, pour une Europe environnementale, pour une Europe qui donne ses chances aux européens et à la France. Cette semaine, comment admettre quand on est européen, la hausse des taux d’intérêt de la Banque Centrale Européenne.

J’avais cru comprendre, comme vous, que le problème numéro 1 en France et en Europe ce n’était pas l’inflation, que c’était la faible croissance, que c’était le nombre de chômeurs, que c’était la difficulté des entreprises à investir, que c’était les difficultés des particuliers à se loger et que tous ces éléments dépendent du taux d’intérêt. Et la seule chose que ces messieurs arrivent à décider c’est que, dans cette période de faible croissance, alors que le monde, lui, a une croissance forte, la première chose à faire c’est d’augmenter les taux d’intérêt et de donner un coup d’arrêt à la croissance. Et bien cela je ne l’accepte pas et je n’accepte pas les textes sur lesquels on s’appuie pour faire cela !

Moi je ne demande qu’une chose concernant la Banque Centrale Européenne, pas qu’il soit proclamé que ce soit l’approche socialiste qui prévaut, je demande une simple chose, c’est que les décideurs s’alignent tout simplement sur ce que font les décideurs en Amérique à propos du dollar. Car j’ai toujours observé que la façon dont évolue le dollar est strictement conforme à l’intérêt des Etats-Unis d’Amérique. Et bien je demande que la façon dont évolue l’euro soit conforme à l’intérêt des européens et non pas à je ne sais quelle doctrine qui n’est pratiquée nulle part. Cela évitera sans doute qu’on nous dise : Airbus ? Une seule solution : aller construire en zone dollar. Je croyais qu’Airbus était le symbole même de la réussite européenne et il l’est. Mais que les contradictions soient si fortes pour qu’avec ce symbole de la réussite européenne on soit conduit à construire désormais en zone dollar cela prouve bien qu’il y a beaucoup de choses à changer.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, je me bats pour l’Europe, pour une Europe différente. C’est cela sans doute qu’a bien compris le secrétaire général de la Confédération Européenne des Syndicats, parce que je garde tout mon espérance en l’Europe. Je sais bien qu’en matière énergétique, de biens publics, de recherche, de défense, de croissance, nous avons besoin de l’Europe mais pas d’une Europe qui le cheval de Troie de la mondialisation financière, mais une Europe qui sache à la fois être inventive, proposer vis-à-vis de l’extérieur et savoir nous défendre. Ce n’est pas parce que l’on prononce le mot « défense » que l’on est entraîné vers je ne sais quelle idéologie extrême. Je suis pour que l’Europe soit conquérante, je suis pour que l’Europe soit généreuse mais je suis aussi pour que l’Europe sache défendre les intérêts des Européens et des Français.

Et si je suis investi puis élu, j’aurais bien sûr, avec le gouvernement avec la nouvelle majorité, à aborder tous ces sujets en restant fidèle au vote des français et en sachant à la fois le dépasser. J’aurai à traiter les nouvelles initiatives à prendre en matière budgétaire, en matière de recherche, en matière d’industrie, en matière sociale et fiscale, j’aurai à opérer un rapprochement nécessaire en particulier avec l’Allemagne, car c’est sur cette base que ce sont construits les grands succès. J’aurai à faire comprendre, à faire partager l’idée que l’Europe c’est un vaste ensemble, mais qu’il y a des pays qui aujourd’hui, constatons l’évidence, sont plus européens que d’autres et c’est d’abord avec ceux là qu’il faut travailler : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, d’autres encore. Ils sont européens comme nous, nous sommes européens comme eux, je veux renouer les fils pour qu’il y ait au bout du compte une grande avancée européenne.

Lorsque viendra la question de la Constitution, je dis une chose, dont je ne démordrai pas, qui déjà nous oppose au ministre de l’intérieur, futur candidat, qui voudrait inventer une pirouette pour passer outre au vote des français et faire rentrer par la fenêtre ce qui est passé par la porte. Il dit : nous allons faire un petit traité qui sera examiné par le parlement. Je dis très tranquillement parce qu’il existe un parallélisme démocratique des formes, que ce qui a été rejeté par référendum, on ne pourra l’examiner à nouveau qu’en consultant les français par référendum.

L’Europe, l’indépendance, la lutte pour la paix, l’action pour le développement. Il faudra une nouvelle politique africaine parce que l’Afrique ce sont nos frères, parce que l’Afrique a tellement de liens avec la France, parce qu’on ne jette pas l’histoire aux oubliettes, parce que c’est nécessaire pour eux - mêmes et pour nous. Il faudra donc trouver les moyens d’une politique qui sache à la fois pratiquer la générosité indispensable et l’honnêteté, le refus de la corruption, l’encouragement des élites honnêtes qui est absolument nécessaire. Il faudra plus généralement avoir une politique de développement. La France devra veiller à ce que les discours soient suivis par les actes.

On sait bien que la question des flux migratoires est complexe. Il faut la traiter avec humanité, aussi avec fermeté. On sait bien que, pour reprendre la formule d’un socialiste, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Mais on doit savoir aussi et en tous cas telle sera mon action, qu’aucune loi, aucune muraille, aucune protection d’aucune sorte ne pourra empêcher une mère qui sait que son enfant, pour sa vie pour son éducation, doit aller sur le continent riche, rien ne pourra empêcher une mère de faire ce chemin là, la seule voie à long terme, nécessaire pour eux et pour nous, c’est la voie du développement qui devra être une exigence indispensable.

Même si l’Europe a tellement apporté pour la démocratie, la paix, le monde n’est pas un monde de paix. Il ne faut pas être angélique. Le président de la République peut être encore moins que d’autres. Il y a une tâche de vigilance qui vaut pour toutes les nations et en particulier pour la nôtre, parce que par l’Histoire, nous avons un siège permanent au conseil de sécurité des Nations Unies, parce que la France est plus grande qu’elle-même. Notre message et parfois notre force portent au-delà de nos frontières.

Nous devons donc être vigilants et actifs sur des questions qui, malheureusement je le crains, ne seront pas réglées d’ici 7 mois. La question de l’Iran nucléaire, question grave et vis-àvis de laquelle, connaissant les faits, je veux m’exprimer sans ambages. L’Iran a le droit au nucléaire civil mais le nucléaire militaire pour l’Iran ce serait un très grave danger. Danger parce que un pays de plus. Danger parce que dans la Région, nucléaire militaire en Iran risque d’entraîner nucléaire en Egypte, en Arabie Saoudite, en Turquie. Danger parce que dès qu’il y a dissémination, il y a risque d’alimentation du terrorisme. Faut-il pour autant se comporter en fier à bras, faire de grandes proclamations, qui ne correspondent pas à l’Etat du monde ni à la réalité des forces ? Non, mais il faut que la communauté internationale si ce mot a un sens, pèse de toutes ses forces pour éviter qu’on arrive à ce point. Cela doit être dans les mois et les années qui viennent la position de la France.

De même qu’il faudra que la France soit extrêmement attentive et présente sur la question qui est peut être la mère de tous les conflits, Israël et la Palestine. Il faudra tenir le même langage comme le faisait François Mitterrand aux uns et aux autres. Vis-à-vis des uns affirmer de la manière la plus nette, que le droit à l’existence et à la sécurité d’Israël ne peut pas se négocier. Mais dire avec la même force aux autres, qu’il n’y a pas de solution, qu’il n’y a pas de paix durable si les palestiniens n’ont pas un Etat et j’ajouterai compte tenu de la situation, un Etat viable et un Etat gérable.

J’ai cru comprendre que se levait une controverse sur la « Nation ». La Nation c’est une réalité et un mot que chacun d’entre nous endosse. Pourquoi faudrait il que ce terme soit réservé à tel ou tel ? Mais la Nation, lorsqu’il s’agit de la France, s’identifie à la République. Et il ne faut jamais laisser croire, laisser dire, par une dérive de la parole ou de la pensée, que la Nation, au sens où nous utiliserions ce terme, pourrait dériver sur le nationalisme, car rappelons nous, le dernier discours bouleversant d’émotion, d’un François Mitterrand, aux marches de la mort et qui disait, s’adressant aux parlementaires européens : « je vous le dis, le nationalisme c’est la guerre ». Alors faisons attention, nous sommes des internationalistes, nous aimons notre patrie, nous aimons la République, nous ne voulons pas de dérives.

Chers amis, je suis candidat. Certains interprètes se sont interrogés pour savoir pourquoi, remontant dans mon passé, fouillant les archives de mes ancêtres, oubliant en chemin mon arrière grand père qui était instituteur. Je suis candidat d’abord parce qu’il y a un certain nombre de choses que, comme vous, je n’accepte pas.

Je n’accepte pas les salaires de misère.

Je n’accepte pas les cadences insupportables, les retraites qui ne permettent pas de vivre et l’écart écrasant des richesses, cela je ne l’accepte pas.

Je n’accepte pas que par manque de logements abordables, des dizaines et des dizaines de milliers de familles, ne puissent se loger décemment.

Je n’accepte pas que, faute de moyens et parfois de volonté, des enfants puissent sortir du primaire ou du secondaire, sans savoir correctement lire, écrire et compter, parce que c’est un gâchis humain et national.

Je n’accepte pas qu’à l’Ecole publique et laïque, un professeur soit empêché d’enseigner l’Histoire ou la Biologie parce que s’exprime dans sa classe le dogmatisme et le fanatisme religieux.

Je n’accepte pas que pour se soigner, dans beaucoup de départements, il faille plus d’un mois pour passer une radio, plus de trois mois pour passer un scanner, plus de six mois pour consulter un spécialiste alors que la santé est une exigence absolue.

Je n’accepte pas qu’à compétences égales, une femme soit parfois payée deux fois moins qu’un homme.

Je n’accepte pas qu’on puisse se voir refuser un logement, un emploi, l’entrée dans une discothèque et subir trois contrôles d’identité par jour au motif de la consonance de son nom ou de la couleur de sa peau.

Je n’accepte pas que la France soit à la traîne de l’Europe pour les efforts qu’elle consacre à la modernisation de sa justice et à l’humanisation de ses prisons. Je n’accepte pas que les pollueurs ne soient pas sanctionnés et que l’air, l’eau, le silence deviennent pour nos enfants des produits de luxe.

Je n’accepte pas que l’Europe qui est notre idéal et qui est notre rêve se transforme souvent en handicap parce qu’on n’a pas su éviter la dérive libérale qui s’est produite.

Et c’est parce que je n’accepte pas tout cela que j’ai accepté et même revendiqué d’être candidat socialiste à l’investiture, parce qu’il n’y a pas de succès sans construction ni rassemblement, parce qu’il n’y a pas de construction sans d’abord une révolte.

Je suis candidat du projet socialiste, je ne mettrai pas mon drapeau dans la poche et je veux porter l’espoir de tous ceux qui ont au coeur la même révolte que moi.

Mes camarades, on présente parfois cette compétition amicale comme un débat entre les anciens et les modernes. Vieux problème. Je me rappelle que lorsque je suis entré au parti socialiste, il y a plus de trente ans, on m’a déjà désigné tel ou tel comme étant un ancien à l’époque, qui aujourd’hui, miracle d’une campagne, se retrouve catalogué moderne ! J’accepte tout à fait, en souriant, ce débat, à condition que l’on ne considère pas comme le parangon de la modernité, le fait que certains puissent dans tel département, avant même le débat et le vote, en annoncer les résultats, mais cependant, concession à l’impartialité, ne pas toutefois donner les chiffres après la virgule...

Chers camarades, le vrai débat n’est pas entre les soi disant anciens et les autobaptisés modernes. Le débat porte sur notre stratégie de reconquête de nos électeurs et sur le contenu que nous voulons donner ensuite à l’alternance. Ou, pour le dire autrement, comment gagner bien sûr mais aussi comment réussir pour la France ? Pour moi comme pour vous, c’est clair, nous gagnerons à partir de nos thématiques, nous convaincrons à partir de nos propositions, nous gouvernerons avec nos partenaires, c’est-à-dire avec la Gauche. Je ne suis pas un socialiste des temps anciens ou un socialiste des temps futurs, je suis tout simplement comme vous socialiste et je défendrai le projet socialiste.

Je tire les leçons de l’expérience, de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché, y compris, comme c’est le cas de mes compétiteurs, lorsque j’en porte une part de responsabilité. Je suis attentif à ce qu’ont dit constamment les français depuis 2002 dans leur vote et dans leur mobilisation. Ils ont dit en particulier que le libéralisme n’était l’avenir ni de la France, ni de l’Europe, ni de la Gauche. Ils ont dit que le libre échange devait céder la place au juste échange.

Les Français ont dit que notre modèle social, si nous savons le réformer dans le sens de la solidarité et de l’efficacité pouvait être pour le futur un formidable atout. La France n’est pas condamnée, elle est simplement mal gouvernée. La France peut être plus forte si elle plus solidaire et c’est pourquoi la France a besoin de changement. Changement ne peut venir que de la gauche, d’un candidat clairement de gauche et d’une gauche de rassemblement.

Vous êtes nombreux, je m’en réjouis et vous êtes divers, je m’en réjouis aussi.

Divers par vos parcours, par votre histoire, par vos amitiés qui ne nous ont pas toujours fait travailler ensemble et qui même parfois nous ont opposés.

Mais voilà, vous vous êtes rassemblés, nous nous sommes rassemblés, parce qu’il y a un grande cause à défendre ensemble et un projet à porter. D’autres vont nous rejoindre et je leur lance un appel : nous avons besoin d’eux. J’ai besoin des militants. Je ne demande pas à celles et ceux qui vont nous rejoindre, d’abord au sein du Parti Socialiste puis dans toute la gauche, s’ils sont anciens ou nouveaux militants, ni d’où ils viennent, ni d’abandonner leur histoire, leur sensibilité, leurs amitiés ; je leur propose de lutter ensemble contre le projet dangereux de M Sarkozy et de l’extrême droite et de construire ensemble le projet alternatif, socialiste, pour redresser notre pays.

Votre confiance à la fois me touche et m’oblige. J’ai beaucoup de défauts, peut être plus que ceux qu’on m’attribue là, ou pas les mêmes. Je me prête à rêver à quel point je serais sympathique si j’avais vingt cinq kilos de plus et d’avantage de boucles ! Pour les kilos c’est possible, pour les boucles, j’ai renoncé. Plus sérieusement, lorsqu’on me fait un reproche, cela me touche parce que je ne voudrais pas nous handicaper tous dans notre combat commun. Je crois avoir progressé avec le temps. Au départ j’étais très impérieux, je n’écoutais pas assez les autres. J’étais tellement certain de la force de ma conviction que j’ai pu donner le sentiment d’infliger des leçons. Désormais, j’écoute, j’écoute, j’écoute et mon attachement depuis maintenant un quart de siècle, à ma ville de Quevilly, à ma circonscription, m’a tellement appris.

Aujourd’hui j’écoute, je corrige les erreurs lorsque je les vois, je travaille en équipe, mais ma conviction de base elle n’a pas changé et je suis prêt à endurer toutes les attaques pour défendre ce que vous pensez et pour faire honneur à notre peuple. J’ai parlé de la recherche, j’ai parlé de la laïcité, j’ai parlé de l’Iran, d’Israël et de la Palestine, j’ai parlé des valeurs de la France. Parce qu’il s’agit non pas de désigner un candidat à une haute fonction au sein du Parti Socialiste, ou même un candidat ministre ou même un Premier ministre : il s’agit de choisir celui qui pourra devenir Président de la République, celui devra pour la France et pour les français écouter, anticiper, résister et arbitrer.

Tous les candidats socialistes ont de grands mérites mais à l’heure du choix une seule question comptera : lequel dans votre conviction intime est le mieux capable au nom des socialistes de remplir cette fonction là ? Mes camarades, je vous demande une chose, c’est que votre campagne aille au fond des problèmes, c’est qu’elle soit tournée vers les français, qu’elle réponde à leurs espérances et qu’elle soit digne.

Vive la République ! Vive la France !

PS de la rédaction du site prs12.com : Dans ce texte, nous avons ôté le début et l’avons reporté ci-dessous :

Mes amis, mes camarades,

Au moment de commencer mon propos, je veux d’abord remercier toutes et tous ici présents, membres de mon comité de soutien, amis, camarades, qui sont venus ce matin à Pantin et remercier comme c’est la tradition et mon plaisir, le maire de cette commune, Bertrand Kern, le premier secrétaire fédéral, Pascal Popelin, et le député que vous connaissez, Claude Bartolone.

Claude disait : nous sommes « un an après » les émeutes. Oui, c’est vrai, le temps passe, il passe à la fois vite et lentement, c’était à peu près l’an dernier, ces « événements » qui ont embrasé la banlieue. A l’époque le gouvernement a fait beaucoup de promesses, comme d’habitude. Qu’en est-il aujourd’hui, qu’il s’agisse de Clichy, d’Argenteuil, de la Courneuve, de Bobigny ou d’ailleurs ? Très peu a été fait.

Les logements sont toujours à peu près dans le même état, les transports aussi, le chômage est toujours là, les discriminations sont toujours dans le même état. Ces populations, qui ont tellement de mérite à rester malgré tout républicaines, attachées à notre pays comme tous nous le sommes, doivent savoir que les choses ne changeront que s’il y a un changement d’orientation politique, un changement de gouvernement, un changement de président de la République. Leur confiance nous oblige et elle m’oblige en particulier.

Clichy, Les Mureaux, Cachan, et c’est toujours le même ministre de l’intérieur. Alors qu’il devrait oeuvrer à l’apaisement, tout le monde voit qu’il joue à l’embrasement. Lui dont la mission constitutionnelle est d’apporter le calme, il contribue, c’est triste à dire, à la violence. Lui qui devrait chercher à rassurer est un facteur d’inquiétude. Si on avait le temps on ferait la liste de tout ce qu’on peut reprocher au ministre de l’intérieur.

Mais la première chose que je lui reproche, c’est son inefficacité abyssale. Avec une méthode, toujours la même, surtout lorsqu’approche le fumet des élections. Expédition matinale et brutale, qui au bout du compte stigmatise un quartier, démoralise les élus locaux, dresse les populations les unes contre les autres, instrumentalise les médias, et finit par ridiculiser la police. C’est un mauvais service, rendu, à chaque fois.

Un tel comportement n’est pas celui qu’on attend d’un ministre de l’intérieur, encore moins lorsqu’il veut être candidat à la présidence de la République. Je souhaite donc demander respectueusement au chef de l’Etat, s’il a encore sur lui quelqu’influence, de rappeler son ministre de l’intérieur à la fois à l’ordre et au calme.

M’adressant cette fois à toute la population, je veux dénoncer ce subterfuge, évident pour nous mais qui ne l’est pas pour tous. Il serait tout de même incohérent, et même inconvenant, que celui qui depuis quatre ans échoue dans sa tâche de maintenir la sécurité, de développer l’intégration, il serait inconvenant qu’il puisse se prévaloir aujourd’hui des conséquences de son propre échec pour en tirer électoralement profit.

Ce n’est pas parce que cela a fonctionné pour l’extrême droite et pour la droite en 2002 que nous sommes prêts à ce que cela fonctionne encore en 2007. Et pour moi, qui suis candidat socialiste à l’investiture présidentielle, l’image et la réalité de la France, ce ne peut pas être l’exclusion à l’intérieur et l’expulsion à l’extérieur. Notre parti, notre pays portent un autre message.

C’est un message de liberté, d’égalité et de fraternité, de confiance qu’il faut redonner à la France, en particulier aux quartiers populaires, vers l’Europe et vers le monde. La République, c’est d’abord la paix civile, et si je suis investi et élu, je serai d’abord fidèle à ce message-là, qui est le message de la République et de la France.


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