Henri PENA RUIZ La Révolution française et la laïcité (textes 9)

mercredi 13 février 2008.
 

« La Révolution française propose pour la première fois le modèle d’une séparation juridique de l’Eglise et de l’Etat. »

Henri PENA RUIZ Extraits de Dieu et Marianne - Philosophie de la laïcité (in Chapitre II, L’émancipation laïque) 2005 (première édition en 1999)

La Révolution française esquisse la refondation laïque du droit politique en assumant deux exigences radicales : la séparation de la puissance temporelle et des religions, l’abolition de toute mise en tutelle de la conscience humaine. Sera tentée alors, dans un geste mémorable d’émancipation, une redéfinition institutionnelle propre non seulement à libérer, sans ambiguïté, la conscience de chaque homme et le champ d’expression qui en est inséparable, mais aussi à éradiquer toute menace de remise en cause d’une telle libération.

Tentative seulement, puisque le Concordat de 1801 reviendra en partie sur l’affranchissement révolutionnaire, en restituant à l’Église certains des privilèges perdus. Mais l’essentiel demeurera, au moins dans cette culture de la liberté que la reconnaissance des principes enrichit sans retour.

Tout d’abord, il y a la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. [...] L’instance qui les proclame n’est autre que le peuple lui-même, constitué en nation : la proclamation n’a plus pour objet une sorte d’autorisation donnée à d’autres, mais une simple affirmation, par le laos, des droits dont la conscience vive et l’explicitation sont requises à la fois par le souvenir des injustices passées et par le souci d’une refondation durable. [ ...] Ainsi s’établit une étroite solidarité entre l’article

III et l’article X. Le premier pose la souveraineté populaire ; le second affranchit la conscience de façon radicale. Le rappel de ces textes fondateurs est ici essentiel.

Article III : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ; nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

Article X : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

L’article III éradique le principe du cléricalisme, puisque l’unité souveraine de la nation destitue tout corps qui ne tiendrait pas d’elle sa légitimité. Aucune partie ne peut s’imposer au tout, ni le normer. La Révolution française - et non le concordat napoléonien de 1801 - ouvre donc le chemin de la laïcisation. Les formulations qu’elle propose peuvent paraître encore ambiguës en ce qui concerne le principe de la liberté de conscience, que Rabaut de Saint-Etienne aurait voulu voir figurer explicitement dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789, mais elles ont le mérite de conférer aux droits énoncés un caractère premier et inaliénable.

La liberté d’opinion ne concerne pas les seules confessions religieuses, mentionnées malgré tout spécialement : sans doute faut-il comprendre, à la fois que toute conviction a droit de s’exprimer et que les convictions religieuses ne jouissent à cet égard ni du privilège de leur valorisation différentielle, ni d’un statut d’infériorité qui ressortirait à une dévalorisation discriminatoire. Une longue période s’achève par cette déclaration des droits, qui affranchit d’autant mieux la conscience de chacun qu’elle stipule explicitement, dans l’article XI, « la libre communication des pensées et des opinions ».

Pour parachever l’oeuvre libératrice, la dimension républicaine est affirmée avec force, une fois encore, contre toute captation du pouvoir politique par des préférences particulières. L’article XII stipule en effet : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. » L’Église perd son bras séculier, et les monarques la possibilité de rançonner la sphère publique à leur seul profit.

Il faut noter en y insistant qu’une telle émancipation ne signifie aucunement appel à la persécution religieuse, mais au contraire respect de la libre adhésion aux convictions, et non plus à la seule conviction officiellement admise, ainsi que liberté de culte.

Six ans plus tard, la Convention nationale esquissera une véritable séparation institutionnelle de l’Église catholique et de l’État, permettant de concevoir la liberté de toutes les convictions, religieuses ou non, et de leur expression commune, sur la base de leur réassignation à la sphère privée. Ce nouveau statut sera la garantie de l’égalité des droits des différentes religions, puisque aucune d’elles ne pourra plus jouir de l’hégémonie que procure l’emprise sur l’État. Protestants et juifs, entre autres, seront les premiers à jouir de l’égalité et


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