La direction du PCF ne répond pas explicitement et clairement à cette question pourtant centrale : faut-il, ou non, créer une force à la gauche du Parti socialiste, visant à ré-identifier la gauche, et ayant vocation à devenir majoritaire à gauche ? (MPEP, extraits)

mardi 6 octobre 2009.
 

LETTRE OUVERTE AUX DIRIGEANTS DES ORGANISATIONS MEMBRES DU FRONT DE GAUCHE

Marie-George Buffet (Parti communiste français)

Lucien Jallamion (République et Socialisme)

Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche)

Christian Picquet (Gauche Unitaire)

Chers camarades,

...

Quelle est la stratégie du Front de gauche ?

Pour le M’PEP, la question stratégique principale posée au Front de gauche est la suivante : faut-il, ou non, créer une force à la gauche du Parti socialiste, visant à ré-identifier la gauche, et ayant vocation à devenir majoritaire à gauche ? C’est-à-dire à passer devant le PS. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de couper les ponts avec le PS, des alliances avec ce dernier étant nécessaires pour battre la droite, mais seulement au second tour des élections.

Nous considérons que la direction du PCF ne répond pas explicitement et clairement à cette question pourtant centrale. Ce dernier, par des actes politiques et des déclarations récentes, s’éloigne même de cette perspective. C’est ce qu’il ressort d’une lecture attentive de plusieurs documents :

Rapport de Pierre Laurent, coordonateur national, au Conseil national du PCF du 4 septembre (L’Humanité, 9 septembre 2009) :

Pierre Laurent, au nom de la direction du PCF, annonce la stratégie suivante :

« Tenir courant octobre de premiers grands ateliers thématiques nationaux sur le projet, ouverts aux forces du mouvement social, dans lesquels toutes les forces de gauche et écologistes pourraient se confronter, et un point d’étape national de ce travail en novembre […] en mobilisant, outre les forces disponibles à gauche, des syndicalistes, des responsables associatifs, des intellectuels, des universitaires eux aussi désireux de faire émerger une offre politique, un projet politique alternatif. Ces ateliers, préparés nationalement, pourraient être organisés dans plusieurs grandes villes. Les thèmes abordés pourraient être au nombre de six : argent (pôle public bancaire, crédit, financement de la protection sociale et fiscalité) ; services publics et rôle de l’Etat ; croissance, emploi industrie, écologie ; enjeux de Copenhague ; démocratie, institutions, droits nouveaux ; école et formation. Nous avons soumis cette proposition à nos partenaires du Front de gauche, la Gauche unitaire et le Parti de gauche, que nous venons de rencontrer respectivement mercredi et jeudi pour faire le point sur la relance du Front de gauche, ainsi qu’au Parti socialiste, que nous avons également rencontré mercredi. »

Nous sommes très surpris de l’absence d’un atelier sur la question européenne et d’un autre sur le libre-échange, alors que ce sont deux sujets dont dépendent beaucoup d’autres, et sur lesquels la gauche a le plus d’efforts à fournir pour clarifier ses positions.

Nous ne comprenons pas non plus l’invitation faite au Parti socialiste. Le M’PEP est favorable au débat avec le PS puisque, par exemple, il a invité ce parti , qui a répondu favorablement, à son université d’été. Sur un plan général, la gauche de gauche ne doit pas tirer un trait sur le PS et doit continuer à agir pour l’ancrer à gauche. Mais force est de constater qu’aujourd’hui les principaux dirigeants du PS sont sur une ligne politique social-libérale. Ils n’ont toujours pas tiré les leçons de leur tournant libéral de 1982-1983, ni de l’échec de la gauche plurielle de Lionel Jospin. En outre, devant l’affaiblissement du PCF, ils cherchent une construction politique de centre gauche, intégrant le MoDem et Europe Ecologie. Dans ces conditions, quel est l’intérêt d’associer le PS aux ateliers du Front de Gauche ? Ce ne peut être qu’une source de confusion. Le Front de Gauche devrait au contraire annoncer qu’il lance des ateliers pour préparer le programme des listes autonomes qu’il présentera dès le premier tour des régionales. Le débat est évidemment possible avec le PS, mais une fois que le Front de Gauche aura établi ses propositions.

Elargir le Front de gauche au PS ?

Lors de cette même réunion du Conseil national du PCF, Pierre Laurent a poursuivi :

« Nos camarades de la Gauche unitaire nous ont dit leur accord pour une démarche qui recentre le débat sur les contenus, ouverte à toutes les forces de gauche, même s’ils ne pensent pas possible un accord politique avec le PS, et ont souhaité la co-organisation de ces ateliers par le Front de gauche dont ils souhaitent la pérennisation. Sur les régionales, la Gauche unitaire nous a redit sa préférence pour des listes autonomes de 1er tour les plus larges possibles, son opposition à des alliances avec le MoDem, son accord pour des fusions de second tour ‘‘politiques et dans l’indépendance’’, la question des exécutifs n’étant pour elle ni un préalable, ni une condition, mais affaire d’appréciation politique. […] Le PG nous a officiellement saisi de la proposition que Jean-Luc Mélenchon avait exposée dans l’Humanité : un paquet régionales-législatives-présidentielle. Pour le PG, c’est la meilleure manière de répondre au besoin d’un pacte durable. Nous lui avons indiqué que telle n’était pas notre conception et nos choix de congrès. Pour nous, c’est le contenu du projet qui fonde à chaque étape la validité des fronts […] Le périmètre du Front de Gauche a également fait l’objet d’un échange, le PG estimant qu’il ne peut y avoir d’ambigüité sur l’inclusion du PS dans ce Front. Là encore, nous lui avons répondu que les objectifs de cette construction (clarté du projet et ambition majoritaire sur ce projet) étaient à nos yeux la meilleure des garanties. C’est sur ces bases que nous visons l’élargissement du Front. Sur les régionales, le PG se prononce pour des listes de 1er tour. Nous lui avons réaffirmé notre volonté de travailler avec nos partenaires du Front de gauche à des dynamiques qui soient là aussi des dynamiques à vocation majoritaire. »

La stratégie de la direction du PCF semble donc de faire alliance avec le PS au premier tour des régionales. Une telle stratégie reviendrait à torpiller le Front de Gauche. Dans les circonstances actuelles, il est illusoire de croire que le PS pourrait venir sur des « contenus » permettant de réaliser un ou des « fronts » avec lui. D’ailleurs, aucun sujet n’est cité qui pourrait, par la force de son exemple, donner une quelconque crédibilité à cette perspective. Arguer que l’objectif est de créer des « dynamiques à vocation majoritaire » n’est pas convaincant, car il ne suffit pas d’être majoritaire en soi, arithmétiquement, il faut être majoritaire pour changer la société, c’est-à-dire idéologiquement et politiquement. Autrement, c’est la recherche du pouvoir pour le pouvoir.

Pierre Laurent poursuit :

« Notre ambition est d’avancer en toutes circonstances vers la construction de majorités capables de porter des projets de transformation sociale. Renoncer à cette ambition aux élections régionales, ce serait offrir aux libéraux de tout poil le pouvoir dans la plupart des régions. »

Le PS porte-t-il un projet de transformation sociale ? La direction du PCF croit-elle vraiment que le PS dispose d’un tel projet, ou qu’il aurait l’ambition de s’en doter ? Ou que le rapport des forces actuel serait suffisant pour faire bouger le PS ?

Pour conclure, le Bureau du M’PEP a pris connaissance avec inquiétude de l’interview de Marie-George Buffet dans Les Echos du 10 septembre 2009. Les Echos posent la question suivante : « Quelle attitude allez-vous adopter pour les élections régionales ? Y aura-t-il des listes d’union avec le PS ? ». Réponse de Marie-George Buffet : « Nous définirons une offre politique au niveau national fin octobre ou début novembre. Il appartiendra ensuite aux adhérents de chaque région de faire leur choix ».

Marie-George Buffet ne dit pas non. Elle ne dit pas que l’objectif du Front de Gauche est de construire une force politique ayant l’ambition de concurrencer la domination du PS à gauche. De surcroit, elle annonce de fait que les listes où figurera le PCF seront « à la carte » selon les régions, c’est-à-dire une dilution du message du Front de Gauche et des alliances, elles aussi, à la carte (parfois avec le MoDem ?).

Dans ces conditions, le M’PEP ne participera pas aux « ateliers » du PCF

Dans ces conditions, le M’PEP, qui avait été invité par Marie-George Buffet, lors d’une rencontre à la Fête de l’Humanité, à ces ateliers, n’y participera pas.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’ostracisme à l’égard du PS ou de renonciation à poursuivre des dynamiques majoritaires. Il ne s’agit pas non plus d’assimiler le PS à un parti de droite. Au second tour des élections, il s’agira en priorité de faire barrage à la droite. Il faudra alors clairement accepter des accords d’alliance avec le PS, que ce dernier soit ou non en tête au premier tour, ce qui supposera probablement d’appeler à voter PS dans certaines régions.

Le PS est très divers, mais son équipe dirigeante est depuis 30 ans totalement acquise au social-libéralisme. Si la France veut éviter une solution à l’italienne, où la gauche a disparu, parti communiste compris, il est vital de créer une force ayant pour ambition de ré-identifier la gauche. Tout ce qui retarde cette perspective, tout ce qui crée de la confusion et des illusions doit être à proscrire.

Le M’PEP comprend le raisonnement de la direction du PCF qui souhaite, en s’alliant au PS dès le premier tour, conserver, pour des raisons financières, d’organisation et symboliques, ses 187 conseillers régionaux, dont de nombreux vice-présidents de régions. Mais ceci nous semble être une attitude à courte vue, qui a déjà été sanctionnée par le corps électoral, et qui ne permettra pas de redresser la situation.

Un communiqué ambigu du Front de gauche

Le 23 septembre, trois organisations sur les quatre composant le Front de gauche ont publié un communiqué (République et Socialisme n’est pas signataire car il n’a pas été informé des discussions sur ce communiqué !).

Le M’PEP est d’accord avec plusieurs de ses analyses et propositions, comme par exemple :

« la volonté de poursuivre, élargir et enraciner le Front de gauche dans la durée, dans les luttes et dans les urnes » ; « ouvrir immédiatement un chantier pour élaborer une plate-forme partagée du Front de gauche ». En revanche, ce communiqué n’évoque pas les trois questions que le M’PEP juge essentielles :

la stratégie du Front de gauche et l’objectif de passer devant le PS n’est pas évoquée ; rien n’est dit de la présence de listes du Front de gauche au 1er tour des élections régionales ; si le sommet de Copenhague sur le changement climatique est mentionné à juste titre, aucun appel n’est lancé pour mobiliser lors du sommet de l’OMC à Genève le 28 novembre, alors que le libre-échange est une cause majeure du chômage, des délocalisations, de la pression sur les salaires, de la mise en concurrence des systèmes de protection sociale et du réchauffement climatique !

Chers camarades du Front de gauche, nous vous posons directement la question : par ces silences, êtes-vous en train de préparer des listes communes du Front de gauche avec le PS au 1er tour des élections régionales ?

Une telle stratégie serait en retrait par rapport aux évolutions qui commencent à se faire jour en Europe, et dont témoignent les bons résultats électoraux récents de la gauche de gauche en Allemagne et au Portugal. Ce serait même une impasse.

Si le Front de Gauche a une chance de survivre à ces élections régionales, ce sera par l’action des militants locaux du PCF, du PG, de GU, de République et Socialisme… du M’PEP et d’autres ! Le M’PEP appelle donc au renforcement des liens et de l’action commune à la base.

Recevez, chers camarades, nos salutations fraternelles.

Le Bureau du M’PEP


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