Usine Trèves d’Ay : Mille plaintes pour utilisation frauduleuse de fonds publics

mardi 25 août 2009.
 

AUTOMOBILE. Un millier de citoyens ont porté plainte contre l’usine Trèves d’Ay. Ils l’accusent d’avoir perçu 55 millions d’euros de fonds publics et d’avoir mis la clé sous la porte.

C’est sans nul doute une première : plus d’un millier de contribuables ont porté plainte individuellement contre le groupe Trèves pour « utilisation frauduleuse de fonds publics ». Ce que les plaignants (des salariés, des élus et des citoyens lambda) reprochent à l’équipementier automobile ? La fermeture de son usine PTPM (Production textiles et plastiques de la Marne) d’Ay, spécialisée dans le garnissage de sièges automobiles, quelques semaines après avoir perçu 55 millions d’euros du fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) mis en place par Nicolas Sarkozy au début de la crise.

ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE

Selon le comité de soutien des contribuables, animé par la CGT, à l’origine de cette action, 1257 plaintes ont été déposées au tribunal de grande instance (TGI) de Reims, avant d’être renvoyées vers le parquet de Paris, où se trouve le siège de Trèves. Lequel a missionné le service régional de police judiciaire (SRPJ) de Reims pour mener une enquête préliminaire. Selon M. Xavier Médeau, avocat du comité de soutien, plusieurs personnes ont déjà été auditionnées. Tout débute en novembre 2008. Alors que le secteur est frappé de plein fouet par la crise, Trèves annonce un plan de restructuration qui prévoit 40 licenciements (sur 130 salariés) chez PTPM. Après une réorganisation qui a coûté l’emploi à 153 personnes un an plus tôt, l’annonce passe mal. En protestation, plusieurs salariés se lancent dans une grève de la faim. Le préfet s’en mêle, et un comité de pilotage est mis sur pied pour plancher sur la viabilité du site. En février, Trèves obtient le titre d’équipementier stratégique et, à ce titre, 55 millions d’euros du FMEA. Le groupe est d’ailleurs le premier industriel à toucher le jackpot. Puis, le 26 février, lors d’une table ronde réunissant les partenaires sociaux, les collectivités, l’État et l’entreprise, un plan de soutien de l’activité est présenté, limitant la réduction d’effectifs à une douzaine de personnes. « C’était un moindre mal. Et tout le monde semblait satisfait », commente Christine Tuffin, secrétaire CGT du comité d’entreprise de PTPM. Sauf que deux semaines plus tard, le 10 avril, Trèves annonce la fermeture du site d’Ay et la délocalisation de la production en Espagne et au Maroc. Un choc pour les salariés, qui décident de réagir et de demander des comptes sur l’utilisation des fonds publics. « Le FMEA a vocation à préserver l’emploi, le président de la République l’a suffisamment répété, et non à délocaliser », répète Christine Tuffin. Pour Michel Dehu, responsable du Centre d’études et de recherches économiques et sociales de Champagne-Ardenne, l’équipementier « profite » tout bonnement de la conjoncture : « C’est une stratégique qui a été mise en place bien avant la crise économique et grâce à cette manne publique, Trèves a accéléré les processus de restructuration et de délocalisation hors de l’Union européenne. » Pour lui, porter plainte, c’est aussi une manière « d’alerter les pouvoirs publics pour qu’ils assument leurs responsabilités ».

UNE LONGUE PROCÉDURE

Mais la procédure risque d’être longue alors que la fermeture du site pourrait intervenir dans les semaines à venir. Le 14 septembre prochain, la cour d’appel du tribunal de Reims doit en effet statuer sur la procédure de licenciement économique, annulée en première instance, le 3 juillet dernier. En attendant, les salariés ont repris le travail hier, dans l’angoisse.

Alexandra Chaignon


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