Ce week-end des 14-15 octobre 2006, les collectifs unitaires pour des candidatures ant-libérales mettent la dernière main à leur programme Interview d’Yves Salesse

dimanche 15 octobre 2006.
 

Les collectifs discutent ce week-end de leur programme. Vous en êtes, dit-on, la cheville ouvrière. Comment ce programme a-t-il été élaboré ?

Yves Salesse : C’est un travail très collectif. Il n’y a pas de cheville ouvrière. J’assure seulement la coordination. Nous sommes partis de la charte élaborée par les collectifs du 29 Mai. Un groupe restreint a proposé les principales têtes de chapitre et identifié les principales questions. Ensuite, le collectif national a passé de très longues heures à discuter de propositions les plus concrètes possibles. Il ne s’agit pas de réécrire la charte différemment, mais de la traduire en mesures.

Cette charte reste-t-elle une base ?

Bien sûr. Elle avait elle-même fait l’objet d’un processus d’élaboration nouveau et intéressant, qui a duré des mois, avec beaucoup d’amendements et des versions successives. Déjà, nous avions pu dégager des points d’accord majeurs tandis que d’autres restaient en suspens. Là, il s’agit de passer à une autre étape : préciser les propositions de façon à s’orienter plus vers un programme électoral. Lors des réunions du collectif national, nous avons vérifié chapitre par chapitre les propositions qui font accord et celles qui ne le font pas. De nombreux amendements sont aussi venus des collectifs. La réunion de ce week-end doit maintenant mettre en commun cette élaboration. Ensuite, le processus se poursuivra car nous n’avons pas la prétention de fournir un document achevé. Nous demandons aux collectifs d’animer des réunions publiques autour de ces propositions. C’est très important ! Les gens auxquels nous nous adressons ont des choses à dire.

Croyez-vous aux « citoyens-experts » ?

C’est même une vieille conviction. Notre programme ne doit pas être élaboré en vase clos. Nous cherchons des réponses à une situation extrêmement dure, vécue quotidiennement par des millions d’entre nos concitoyens. Ceux-là sont experts de ce qu’ils vivent. Ils ont des idées de mesures à prendre et des priorités. Nous avons une seconde raison pour élargir au maximum ce débat : plus les mesures retenues seront partagées, plus grand sera le nombre de ceux qui agiront pour leur mise en oeuvre et le respect des engagements pris. Nous ne disons pas : « Faites-nous confiance » ; mais « Faites-vous une opinion et luttez pour elle ».

e rassemblement antilibéral compte des productivistes et des antiproductivistes. Est-ce que chacun a fait un pas vers l’autre ?

La rencontre de différentes cultures est ce qu’il y a de plus passionnant. Nous ne cherchons pas à conclure à la va-vite un compromis qui, comme souvent, ne vaudrait que pour le temps de la campagne électorale. Nous menons une confrontation sérieuse. Des rapprochements se sont opérés depuis longtemps entre ceux qui étaient porteurs de la question sociale et ceux qui sont plus porteurs de la préoccupation environnementale et écologiste. De nombreuses années de luttes communes et de réflexions dans divers lieux comme la Fondation Copernic et autres ont conduit à une véritable prise en compte des préoccupations de chacune des sensibilités. La synthèse commence à se faire. Cela se traduit dans les orientations générales et les mesures concrètes : accord sur les mesures sociales, pour un nouveau type de développement, pour le refus de la production nuisible aux salariés et à la planète, etc. Ce ne sont pas quelques phrases destinées à satisfaire les uns et les autres. Cela se décline dans de très nombreuses mesures sur les transports, les économies d’énergie et les énergies renouvelables, le modèle d’agriculture, etc.

Une grosse partie est consacrée à l’emploi, à la lutte contre le chômage et la précarité.

C’est la question centrale, et elle ne peut être dissociée de la question du niveau de vie. Une majorité politique véritablement de gauche a pour mission de transformer la vie quotidienne de nos concitoyens, en particulier des plus démunis. Il faut, bien sûr, revaloriser les salaires, à commencer par le Smic et les minima sociaux, améliorer la vie quotidienne par les services publics, par un meilleur environnement, lutter contre la précarité et améliorer les conditions de travail. Ce sont des mesures de justice sociale élémentaire. Elles profitent à tous mais d’abord aux femmes. Elles contribuent aussi à la création d’emplois face à une machine économique complètement folle qui maintient un taux de chômage considérable, malgré des profits gigantesques.

Quelles sont les principales mesures contre le chômage ?

Outre l’amélioration du pouvoir d’achat et les mesures contre la précarité, qui contribuent à la lutte contre le chômage, plusieurs volets se complètent. Un premier volet est l’action pour un nouveau type de développement. Développer des activités utiles, de nouvelles technologies est créateur d’emplois. Défendre les services publics et en créer de nouveaux aussi : ils nécessitent des emplois non délocalisables. Encourager l’économie sociale et solidaire, l’action coopérative et associative également. Le second volet est la réduction du temps de travail. Nous proposons une refonte de la loi sur les 35 heures, son extension à l’ensemble des entreprises en corrigeant la « surflexibilité » qui l’a accompagnée. Un troisième volet est la constitution d’un pôle financier public qui permettra d’utiliser le crédit pour aider les entreprises qui en ont besoin et répondent aux objectifs publics de promotion de l’emploi de qualité. Un quatrième volet, qui se combine avec le précédent pour peser sur le comportement des entreprises, est l’énoncé de nouveaux droits des salariés à l’intérieur des entreprises. Un cinquième volet, mesure radicale, est la création d’un nouveau statut pour les salariés. Il comporterait, entre autres, le fait qu’un salarié privé d’emploi par son entreprise conserve son contrat de travail et les droits attachés à ce contrat (y compris son salaire). Ces nouveaux droits seraient financés non par des fonds publics mais par un fonds mutualisé alimenté par les profits des entreprises. Tout cela fait un ensemble cohérent et, nous semble-t-il, efficace pour éradiquer le chômage.

Sur les institutions, quelle est la ligne directrice ?

La crise de la représentation politique est manifeste. C’est l’actualité. Plus profondément, nous pensons qu’une politique de transformation sociale implique une réforme institutionnelle fondamentale. La démocratie doit trouver de la vigueur, peser sur les choix majeurs, influer sur la vie concrète. Nous proposons nombre de mesures politiques et institutionnelles : suppression de l’élection au suffrage universel du président de la République et réduction drastique de ses pouvoirs ; contrôle parlementaire restauré avec une seule assemblée législative, élue à la proportionnelle ; égalité des droits politiques pour tous les résidents. Au-delà, nous voulons aussi que la VIe République soit sociale. Il faut développer les droits sociaux et les droits des salariés dans les entreprises. Beaucoup de nos propositions visent à peser sur ce qui est en fait le premier élément de la mutilation démocratique par le capitalisme : il ne tolère l’exercice démocratique que strictement cantonné. Des choix fondamentaux qu’est-ce qu’on produit ? où ? comment ? relèvent de la décision et de l’arbitraire des détenteurs du capital.

Article de Michel Soudais, paru dans Politis n*921 du jeudi 12 octobre


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