Au Congo-Kinshasa, les sénateurs mettent au jour le pillage des richesses minières

vendredi 16 octobre 2009.
 

Le pillage des ressources minières de la République démocratique du Congo (RDC) se poursuit. Telle est, en résumé, la conclusion du rapport d’enquête sénatorial rendu public début octobre à Kinshasa, la capitale. "Le secteur minier, qui repose pourtant sur des ressources minérales immenses et variées, n’a pas encore, du fait de la mauvaise gouvernance, contribué un tant soit peu à trouver les réponses aux cris des populations congolaises vouées à vivre dans des conditions infrahumaines", écrivent les auteurs du document riche de plus d’une centaine de pages.

Un trésor dilapidé

Secteur minier. La République démocratique du Congo recèle 10 % des réserves mondiales de cuivre et 30 % des réserves de cobalt. Elle est également riche en or, argent, diamant, coltan, cassitérite. Fin 2008, 4 234 permis miniers avaient été accordés, dont près de 1 500 dans le seul Etat du Katanga. La même année, le poids brut des produits marchands exportés était de 1,1 million de tonnes.

Revenus de l’Etat. En 2008, au titre de l’impôt sur les sociétés minières, il a récupéré 814 000dollars (près de 540 000 euros), contre 74 millions de dollars attendus.

A l’origine du rapport, il y a le constat fait par les sénateurs, lors de la présentation du projet de budget 2008, que "les recettes prévues pour le secteur minier étaient très faibles". D’où la création d’une commission d’enquête dont les membres, au fil des mois, ont arpenté les Etats miniers de la RDC –un pays aussi vaste que l’Europe occidentale– et exploré les textes législatifs avant de s’immerger dans les méandres de l’administration congolaise.

FAIBLES MOYENS

Premier constat : il est impossible de recenser les entreprises minières et de collecter leurs statistiques. "Celles-ci ne sont pas tenues selon les exigences de la loi. Aucun service de l’Etat impliqué dans la gestion du secteur minier n’est à jour pour rassembler des données fiables et connaître le nombre des opérateurs miniers, leurs productions, la qualité de celles-ci et la quantité des produits exportés. Les statistiques sont différentes dans un même Etat, d’un service à un autre. Maints opérateurs exploitent nos ressources minérales sans être en règle avec les exigences du Code minier ; certains n’ont ni adresse ni numéro téléphonique connu", peut-on lire dans le rapport.

Les services de l’Etat n’ignorent rien de cette situation, constatent les rapporteurs, avant d’ajouter : "Ils donnent l’impression d’être déterminés à ne pas [y] remédier." Le manque à gagner est pourtant très important pour l’Etat. Celui-ci n’encaisse que le tiers des taxes dues par les sociétés minières au titre de la concession des terres. Depuis trois ans, ce taux de recouvrement baisse régulièrement.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés, le bilan est pire : les entreprises ont versé en 2008 à peine 1 % de ce qu’elles devaient acquitter. En tout et pour tout, peut-on lire dans une note de synthèse, le Trésor public n’a encaissé que 92 millions de dollars (près de 60 millions d’euros) sur les 205 millions dus, "soit un manque à gagner de plus de 55 %".

La commission d’enquête avance plusieurs explications à cette situation qui handicape le développement d’un pays souvent qualifié d’"anomalie géologique" tant ses richesses minières sont importantes, mais dont le revenu par habitant ne dépasse pas 158 dollars, selon le Fonds monétaire international. Le rapport pointe du doigt la faiblesse des moyens matériels de l’administration. La direction des mines, chargée de la compilation et de la publication des statistiques, ne dispose que d’un vieil ordinateur. Et les archives du service ont disparu.

En charge de l’inspection des exploitations, cette même direction des mines n’a pu effectuer qu’une seule mission sur le terrain depuis 2007. Mais le rapport met également en avant "la modicité de la rémunération des fonctionnaires et des agents", qui fait de ceux-ci une proie facile face à des entreprises parfois peu scrupuleuses.

Venue à la frontière entre le Katanga, l’Etat de la RDC qui détient près de 10 % des réserves mondiales de cuivre, et la Zambie, par où est exporté le minerai, la commission d’enquête a touché du doigt l’ampleur de la fraude. "La Commission a pu constater, écrivent les sénateurs, que sur une période de plus d’un mois les quantités transcrites en kilogrammes sur les attestations de transport des substances minérales étaient systématiquement réduites dix fois pour certains exportateurs. (…) Une quantité de produits pesant 33tonnes peut, par la volonté d’un fonctionnaire, être réduite à 3,3 tonnes."

Au poste frontière de Kasumbalesa, observent-ils, la construction d’un bâtiment moderne pour percevoir les taxes n’est toujours pas achevée. Les travaux ont pourtant commencé il y a quatre ans.

Jean-Pierre Tuquoi


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message