Analyser clairement la période politique (Daniel Bensaïd)

lundi 19 octobre 2009.
 

Interview de Daniel Bensaïd pour le site espagnol Publico (extraits)

Quelles sont les raisons de se battre ?

Daniel Bensaïd - Avant, nous avions une religion de l’Histoire qui nous disait : il y aura une lutte finale et nous la gagnerons nécessairement. Aujourd’hui, il faut nous débarrasser des fétiches de cette religion de l’Histoire, accepter l’incertitude et adopter une politique profane comme art stratégique.

Vous examinez ensuite les pôles de résistance pour remettre l’Histoire dans le sens de l’émancipation. Êtes-vous pessimiste ou optimiste ?

Daniel Bensaïd - Je cherche à essayer d’analyser clairement la période politique. Tout ce que qu’on vit aujourd’hui fait suite à la défaite subie dans les années 1980, où l’idée d’émancipation a disparu. Mais il y a eu un point d’inflexion des idées à la fin des années 1990 avec le mouvement altermondialiste qui réunit des centaines de milliers de personnes et fait des forums. Mais je crois que tous ces évènements clés nous ont amené un moment utopique, c’est à dire des idées d’émancipation qui ne se confrontent pas à l’application pratique du possible. C’est pour cela que l’on use et abuse des termes « alter », « autre »... « un autre monde est possible », « l’autre gauche », « l’autre campagne »... Cela évite d’avoir à définir, c’est un signe de manque de maturité. Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste. Je crois qu’il faut en passer par cette étape et définir une stratégie.

Que va-t-il se passer ?

Daniel Bensaïd - Il faut introduire une nouvelle idée, qui fut formulée par Marcuse dans les années 1960 : est-il possible de rompre avec le cercle vicieux de la domination ? Avec un société de consommation toujours plus obsessive et inquiétante, avec une société du spectacle qui ne s’est pas encore convertie en société du simulacre... je suis inquiet et je pense qu’il faut commencer à chercher des formules pour en sortir. Les résistances ne suffisent pas à elles seules, il faut les mettre en relation avec une ou plusieurs forces politiques.

Oui, et pour cela vous faites partie du NPA, le parti d’Olivier Besancenot ?

Daniel Bensaïd - Je le répète, une ou plusieurs forces politiques, car la nouveauté aujourd’hui c’est l’émergence de gauches radicales reformulées, capables de prendre le pouvoir, comme on l’a vu en Amérique latine. Quand on réfléchit aux défaites historiques qu’ont subi, au vingtième siècle, les gauches sclérosées et bureaucratisées, une des causes qui ont permis l’offensive de l’autoritarisme libéral, ce qui se passe aujourd’hui est important. En France, le NPA et le Front de gauche. En Allemagne, Die Linke. Au Portugal et en Grèce également, monte une gauche radicale pendant que les social-démocraties sont en pleine décadence et les gauches d’appareil en danger. En Asie, nous avons moins d’informations, mais le déclin du maoïsme militant libèrent des forces pour une nouvelle alternative.


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