Besson, fantassin d’une offensive ultraréactionnaire

mardi 3 novembre 2009.
 

L’initiative du ministre de l’Immigration, qui impulse une campagne sur les thèmes de « l’identité nationale » et de « la fierté d’être français », relance le débat dans le pays sur les fondements idéologiques du sarkozysme. Analyse.

Après le tollé provoqué pendant la campagne présidentielle de 2007 par l’utilisation de la notion d’identité nationale par Nicolas Sarkozy, les réactions à l’annonce, par Éric Besson, d’un « grand débat » sur cette question et « la fierté d’être Français », le 2 novembre prochain, montrent que ce concept n’est pas entré dans les mœurs.

Une conception restrictive de la nation 

Premier présupposé que la gauche et nombre d’intellectuels s’attachent à démonter  : l’association des termes d’immigration et d’identité nationale, comme si la première constituait en soi un « problème » qui menacerait la seconde. « Jamais la France n’a lié sa nature au rapport aux étrangers. Elle a toujours considéré l’apport des autres nationalités comme une chose positive (…) avec une condition simple  : l’adhésion à des valeurs communes », commente Vincent Peillon (PS), dans Libération de mardi. Les artifices de Besson évoquant le « vivre ensemble » et « l’apport de l’immigration à l’identité nationale » ne font pas illusion  : c’est bien une conception restrictive et exclusive de la nation et de son « identité » qu’il promeut, où l’étranger est désigné comme un corps à « intégrer » et à « assimiler », avec la proposition d’« un contrat d’intégration républicaine pour les étrangers entrant et séjournant sur notre territoire » et celle d’un « entretien d’assimilation » préalable aux naturalisations. L’historien Patrick Weyl, auteur du livre Qu’est-ce qu’un Français  ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution (Éditions Grasset, 2002), s’élève contre cette présentation, et conteste qu’il n’y ait « qu’une seule façon d’être français ». Le chercheur du CNRS dénonce une « volonté d’encadrer quelque chose qui a toujours été très divers et très fluide ».

Au-delà, c’est la résurgence même du concept d’« identité nationale » qui est récusée, comme l’a fait Gérard Noiriel, président du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), dans son livre À quoi sert l’identité nationale  ? (Éditions Agone, 2007). « Résurgence et non apparition », commentait dans nos colonnes l’historien Alain Ruscio (l’Humanité du 10 novembre 2007). « Ce discours et cette pratique ont des racines, de Barrès à Vichy. Il s’agit donc bien, avec les thématiques actuelles, d’un discours réactionnaire. » Pour Gérard Noiriel, l’identité nationale correspond au syllogisme suivant  : « L’identité française, c’est l’identité des Français, et l’identité nationale, c’est l’identité de la nation. Tout ce qui est beau, bon, intelligent et humain est français. CQFD. » L’autre versant du raisonnement « est que tout ce qui n’entre pas dans ce cadre est mis en danger », souligne Alain Ruscio. Avec pour corollaire les expulsions massives et la mise en place de quotas d’« immigration choisie » sur des critères économiques aux relents néocoloniaux, mais aussi la notion de droit d’asile vidée de son sens, confondue avec l’immigration ordinaire, qui a « pour effet de tirer les critères de l’asile vers ceux, restrictifs, de la police administrative de l’entrée, du séjour et de la reconduite à la frontière, ce qui est inadmissible » (Anicet Le Pors, auteur de « Que sais-je  ? », le Droit d’asile, PUF, 2008).

Une nouvelle « classe dangereuse »

Un traitement sécuritaire de la question migratoire se met ainsi en place, qui participe d’un mouvement plus vaste de la mise au pas de pans entiers de la société englobés dans une nouvelle « classe dangereuse », comme le montre la criminalisation du mouvement social. « L’identité nationale ne se joue plus sur des gènes bleu, blanc, rouge. Est étranger aujourd’hui celui qui n’est pas culturellement et économiquement calibré sur le parfaitement intégré. (…) Je parlerais plus de “prolétariophobie” à l’échelle mondiale que de xénophobie », expliquait Jean-Pierre Alaux, du Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti), dans l’Humanité du 5 avril 2008. Plus fondamentalement, cette campagne s’inscrit dans une offensive idéologique globale ultraréactionnaire. Nicolas Sarkozy ne vient-il pas d’exalter, mardi, à Poligny (Jura), « l’identité nationale » au travers du « rapport des Français à la terre »  ? Une phrase aux relents inquiétants de Pétain et de son fameux  : « La terre, elle, ne ment pas. (…) Elle est la patrie elle-même », après l’armistice du 22 juin 1940. La droite parachève ainsi un remodelage du pays qu’elle pare du nom de République, mais qui s’en éloigne dans les faits et dans l’idéologie, et dont les jalons les plus symboliques sont la loi de février 2005 sur l’aspect « positif » de la colonisation, le discours de Dakar du chef de l’État prétendant que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », les entorses à la laïcité, ou encore la liquidation méthodique des conquêtes sociales de la Libération.

Sébastien Crépel


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