Contenus, programmes de l’Education nationale Qui décide ?

jeudi 17 avril 2008.
 

Depuis longtemps, les contenus scolaires ne sont plus l’affaire des seuls spécialistes. Universitaires, enseignants, parents, acteurs économiques, politiques... tout le monde s’en mêle, même si, au final, c’est bien le ministre de l’Éducation Nationale qui décide. Des révisions périodiques ont bien lieu, selon une procédure jusqu’alors bien rodée : constitution d’un groupe d’experts, consultations des acteurs sociaux, consultation des enseignants, du Conseil Supérieur de l’Éducation...

Mais la définition des contenus d’enseignements ne s’arrête pas aux programmes. En imposant les horaires des disciplines, le Ministre agit de facto sur ce qui est enseigné. On se souvient peut-être de la polémique suscitée par la décision de Claude Allègre, ministre et géophysicien, de diminuer d’une heure l’horaire hebdomadaire de mathématiques en classe de première scientifique, au profit...des sciences de la vie et de la terre. Plus près de nous, Gilles de Robien s’était fait apprenti pédagogue en décrétant « la fin de la méthode globale » pour l’apprentissage de la lecture.

La période récente a été marquée par les injonctions d’une autre nature. « Rôle positif de la colonisation »,lecture de la lettre de Guy Moquet, parrainage d’un enfant mort dans les camps nazis... le politique intervient, le plus souvent au mépris des programmes et de ce qui se pratique réellement dans les établissements scolaires.

Enfin, le poids de l’économie pèse de plus en plus avec une conception de l’éducation, en langue par exemple, réduite à la seule dimension de l’employabilité ou encore avec des attaques en règle contre les contenus enseignés en sciences économiques et sociales. Le MEDEF ne cache pas ses ambitions d’intervenir également dans les programmes et la formation des professeurs.

Entre les modifications des horaires, les révisions des programmes, les injonctions, il y a de quoi donner aux enseignants, toutes disciplines et tous niveaux confondus, le tournis. Il reste que ces changements ne sont jamais neutres : ils visent, dans le contexte politique actuel, à privilégier la fonction utilitaire de l’école, au profit des besoins économiques immédiats, au détriment des apports culturels et de la formation générale du futur citoyen.

En cela, la question de savoir qui décide, qui participe au processus d’élaboration des contenus d’enseignements n’est pas neutre. Et la phrase du préambule du rapport – déjà cité – du Collège de France « Une réflexion sur les fins de l’école ne peut ignorer les contradictions qui sont inscrites dans une institution vouée à servir des intérêts différents, voire antagonistes.  » reste, plus que jamais, d’actualité !

La rédaction d’un nouveau programme relève de la décision du ministre, en fonction des réformes en cours ou de la nécessité de renouveler des textes anciens. Elle est confiée à un groupe d’experts, sous la présidence d’un universitaire ou d’un inspecteur général de l’Éducation nationale nommé par le ministre.

Les membres des groupes d’experts sont choisis par le président du groupe, en accord avec la direction générale de l’Enseignement scolaire (DGESCO). Un groupe d’expert est composé d’universitaires, de formateurs en IUFM, d’enseignants émanant de diverses académies, d’inspecteurs en charge des circonscriptions du premier degré, d’inspecteurs d’académie pédagogiques régionaux et d’inspecteurs généraux pour le second degré.

Pendant la phase d’élaboration, des consultations régulières sont normalement organisées entre les groupes d’experts et les représentant des enseignants, des parents d’élèves, etc. D’autres consultations informelles des syndicats, des associations professionnelles et des maisons d’éditions sont menées soit par la DGESCO, soit par le groupe d’experts, à divers stades d’avancement de l’écriture des programmes.

Est prévue également une étape de consultation systématique de tous les enseignants de la discipline concernée par le changement de programme, sous la responsabilité des recteurs, afin de recueillir leur avis, d’évaluer leurs besoins en termes de documents ou de formation, d’organiser une réflexion sur les conséquences des nouveaux programmes sur les modalités d’évaluation des élèves.

Au terme de ces étapes, le projet de programme entre dans une phase de consultation institutionnelle, qui nécessite, avant toute publication, le recueil de l’avis du Conseil Supérieur de l’éducation (CSE). Ce conseil a été créé par la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 ; il est composé de représentants de toutes les catégories d’enseignants, des usagers (parents, étudiants, élèves), des collectivités territoriales, des associations périscolaires et des grands intérêts culturels, éducatifs, sociaux et économiques.

Les programmes concernant les formations professionnelles ou technologiques sont également soumis à l’avis des Commissions Professionnelles Consultatives (CPC) concernées. Il existe 14 commissions professionnelles consultatives, correspondant aux grands champs d’activité économique où employeurs, salariés, pouvoirs publics et personnes qualifiés se concertent et donnent un avis sur la création, l’actualisation ou la suppression des diplômes de l’enseignement technologique et professionnel, du CAP au BTS

Enfin, le Ministre peut décider de recueillir l’avis du Haut Conseil de l’Éducation (HCE). Cet organisme consultatif, a été institué par la loi d’orientation de 2005.

Les textes et ces avis sont soumis au visa du ministre qui permet, en cas de validation, la publication de l’arrêté instituant ce nouveau programme au Journal officiel.

Cette réglementation est aujourd’hui largement bafouée, en particulier à l’école primaire, où les nouveaux programmes ont été élaborés dans l’opacité la plus totale. Dans le second degré, les décisions sur l’enseignement de l’histoire des arts, directement pilotées par l’Élysée ouvrent la voie à toutes les dérives.


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