Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? (par Laurent Lemasson, universitaire)

dimanche 10 avril 2005.
 

Laurent Lemasson a 32 ans. Il est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et titulaire d’un doctorat en Droit Public et Sciences Politiques. Sa thèse a pour thème : « Les origines de la démocratie libérale moderne : Adam Smith et le tournant économique ». Il a enseigné la philosophie politique et le droit constitutionnel à l’Université Paris X-Nanterre. Il enseigne actuellement au sein du département Sciences Humaines à l’ESSEC. Ses travaux portent principalement sur les origines intellectuelles du libéralisme et sur la notion de constitutionnalisme. Il a publié notamment « Adam Smith et les vertus de l’économie politique » dans la revue Commentaire (n. 90/été 2000), « La constitution française face au droit international : pour une défense du principe de souveraineté » dans la Revue de la recherche juridique (n. 2/2003) et « Des terroristes présumés sont-ils des prisonniers de guerre ? Quelques remarques à propos de la troisième Convention de Genève » dans la Revue de la recherche juridique (n. 3/2003).

Depuis l’adoption, le 19 juin 2004, par la conférence intergouvernementale du projet de Constitution Européenne élaboré par la Convention pour l’Avenir de l’Europe, le devenir de ce texte occupe le centre du débat public, en France comme dans la plupart des pays européens. Le document adopté doit encore en effet être ratifié par chacun des Etats de l’Union avant de pouvoir entrer en vigueur.

En toute rigueur juridique, la Constitution Européenne n’est sans doute pas une Constitution au sens habituel du terme, dans la mesure notamment où les Etats composant l’Union conserveront une personnalité internationale propre même après son adoption. Cependant, comme l’ont remarqué la plupart des commentateurs, le terme de « Constitution » a bien évidemment une portée symbolique qui dépasse la stricte définition juridique. En choisissant d’intituler le résultat de leurs travaux « traité établissant une Constitution pour l’Europe », les membres de la Convention ont voulu indiquer clairement le saut qualitatif que l’application de ce texte ferait réaliser à l’Union Européenne. Selon les termes de l’un des conventionnels, il s’agirait de passer de « traités incompréhensibles et réduisant l’Europe à une organisation internationale parmi d’autres [à] une Constitution lisible et affirmant que nous formons une communauté politique »1.

La Constitution Européenne serait ainsi un texte fondateur, marquant l’émergence d’une nouvelle entité politique, au même titre par exemple que la Constitution des Etats-Unis en 1787. Assurément, le texte qui a émergé de la Convention pour l’Avenir de l’Europe est moins majestueux que celui rédigé par la Convention de Philadelphie, mais l’ambition qui le sous-tend mérite d’être prise au sérieux. Acceptons donc de considérer qu’il s’agit bien là d’une véritable Constitution, destinée à régir pour longtemps la vie des citoyens de l’Union Européenne. Comment dès lors est-il possible de juger ce document ? Beaucoup d’attention a été consacrée à des points particuliers de la future Constitution européenne, comme par exemple la question du vote à la majorité qualifiée ou celle du nombre de commissaires au sein de la Commission Européenne En revanche, il semble qu’une moindre attention ait été consacrée à la mécanique proprement constitutionnelle mise en place par ce texte.

Or si nous acceptons de considérer que nous avons à faire à une authentique Constitution, la première question qui se pose à nous, semble-t-il, est de savoir si celle-ci sera, autant qu’il est possible de le prévoir, capable de remplir les fonctions essentielles assignées à une Constitution.

Dans une démocratie libérale, il paraît possible de dire que ces fonctions sont les suivantes : établir un gouvernement qui soit à la fois dérivé du peuple, stable, compétent, énergique et respectueux des droits fondamentaux des individus. Ces objectifs sont parfois en tension les uns avec les autres, mais ils ne peuvent être séparés sans risques et une Constitution bien conçue doit permettre de les atteindre tous, autant que faire se peut.

Pour atteindre les objectifs précités, les Constitutions modernes mettent notamment en oeuvre deux moyens bien connus : elles rendent d’une part les gouvernants dépendants des gouvernés, par le biais d’élections régulières, de manière à permettre aux citoyens de contrôler les décisions prises et ceux qui les ont prises. Elles amènent d’autre part le gouvernement à se contrôler lui-même en le divisant en différents pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire. La représentation et la séparation des pouvoirs sont ainsi les deux grandes inventions de la science politique moderne qui, s’il faut en croire les premiers à l’avoir mis en application, ont permis, pour la première fois dans l’histoire, l’instauration de régimes démocratiques dotés de gouvernements à la fois stables, efficaces et respectueux des droits individuels2.

Simples à exposer, ces deux moyens sont cependant délicats à mettre en oeuvre car, comme nous l’apprennent à la fois la réflexion et l’expérience, il ne suffit pas d’inscrire dans la Constitution que les citoyens éliront leurs représentants et de délimiter avec préci-sion les bornes des trois pouvoirs pour que se produisent les effets attendus. La difficulté est de par-venir à ce que les gouvernés contrôlent effectivement leurs gouvernants et à ce que les pouvoirs restent effectivement séparés les uns des autres. Ce sans nuire à la bonne marche du gouvernement.

Pour cela, les détails des arrangements institutionnels importent beaucoup plus que les grands principes. Ainsi, d’un point de vue formel, la Constitution européenne respecte le principe de la représentation, essentiellement par l’élection du Parlement européen, et celui de la séparation des pouvoirs. Mais il reste à évaluer la manière dont ces dispositifs pourront fonctionner concrètement, lorsqu’ils seront mis en oeuvre, afin de voir s’ils seront susceptibles de remplir leur office. Pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse à cette question, nous examinerons successivement l’exécutif (I) mis en place par la Constitution, puis le législatif (II) et le judiciaire (III), avant de revenir pour terminer à la question de la nature de la « Constitution européenne » (IV).

I - Un exécutif divisé

L’une des caractéristiques les plus remarquable de la Constitution européenne réside sans doute dans le fait que le pouvoir exécutif y est divisé entre trois organes3, voire quatre si l’on inclut dans cette comptabilité le Ministre des affaires étrangères de l’Union, ce qui ne semblerait pas illégitime dans la mesure où la direction des affaires étrangères fait traditionnellement partie des attributions les plus importantes du pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif européen est ainsi plus divisé que dans n’importe quelle Constitution de l’un des Etats membres de l’Union. Cette division semble peu compatible avec les qualités essentielles à un bon exécutif, à savoir sa capacité à agir avec constance et fermeté dans les circonstances ordinaires et avec rapidité et décision dans les circonstances extraordinaires. Pourtant cette division à elle seule ne constituerait pas nécessairement un grave problème, si ne s’y ajoutaient d’autres caractéristiques. Il est fréquent en effet, tout du moins au sein des pays membres, que le pouvoir exécutif soit réparti entre plusieurs mains, le plus souvent entre un chef de l’Etat (Roi, Président etc...) et un chef du gouvernement (Premier Ministre, Chancelier etc...). Cette répartition n’entraîne pas habituellement de difficultés particulières et elle ne s’oppose notamment pas au caractère énergique de l’exécutif. Pourquoi alors en irait-il différemment au niveau européen ?

Dans les pays membres, la division de l’exécutif ne pose pas habituellement de problèmes, elle peut même être source d’efficacité par la division du travail, car il existe une hiérarchie claire entre les différents organes composant ce pouvoir. Cette hiérarchie, si elle n’est pas nécessairement expressément indiquée par le texte constitutionnel, découle néanmoins toujours du mode de désignation des membres de l’exécutif. Ainsi en France, la hiérarchie et la répartition des compétences entre le Président de la République et le Premier Ministre n’est pas toujours absolument limpide si l’on regarde leurs seules attributions, en revanche elle ne souffre guère de discussion dès lors que le Président est élu au suffrage universel direct. Cette élection lui donne une autorité incontestée sur le Premier Ministre, au point par exemple de pouvoir obtenir à volonté la démission de ce dernier, alors même que le texte de la Constitution ne lui donne pas ce pouvoir. Dès lors la division de l’exécutif entre plusieurs organes ne se traduit pas par une compétition entre ceux-ci, ou alors par le type de compétition qui ne peut être évitée dès lors que le gouvernement ne repose pas entièrement entre les mains d’un seul, et qui ne nuit pas à l’efficacité générale de l’action. Encore la France représente-t-elle l’un des cas les plus compliqués parmi les pays de l’Union, puisque le Président et le Premier Ministre interviennent tous deux activement dans la direction des affaires du pays, alors qu’habituellement le chef de l’Etat est cantonné à un rôle de représentation et, dans le meilleur des cas, d’autorité morale, comme par exemple au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, etc...

Cette complication relative du cas français explique qu’aient pu se produire par le passé des épisodes dit de « cohabitation », épisodes pendant lesquels précisément sont apparus nettement quelques-uns des inconvénients qui peuvent découler d’une hiérarchie mal établie entre les différents organes de l’exécutif. Or au niveau européen, la situation ressemble fort à celle de la cohabitation. La hiérarchie entre les différents organes détenteurs du pouvoir exécutif ne découle pas clairement de leur mode de désignation et leurs compétences tendent à se recouvrir sur des points importants.

L’expérience passée a suffisamment montré que le Conseil Européen et la Commission étaient de facto en concurrence pour s’assurer la direction de l’exécutif européen. La Constitution, loin de changer cette situation ne fera très probablement que l’aggraver dans la mesure ou, pour ne mécontenter personne, ses rédacteurs ont pris soin de renforcer les deux organes à la fois.

Ainsi, le Conseil sera désormais doté d’un président élu par ses pairs pour deux ans et demi, mais, pour que ce nouveau venu n’affaiblisse pas le président de la Commission, ce dernier a été doté d’une légitimité renforcée en étant élu par le Parlement à la majorité de ses membres. Jusqu’alors, le fait que les membres de la Commission étaient simplement désignés par les Etats membres pouvait permettre au Conseil, la plupart du temps, de se prévaloir de sa plus grande légitimité démocratique pour finalement l’emporter, non sans mal parfois, sur la Commission. Désormais celle-ci pourra opposer sa propre légitimité démocratique aux prétentions du Conseil.

Sur le plan des compétences, le Conseil Européen est chargé de définir les « orientations » et les « priorités politiques générales » de l’Union (art I-21). Parallèlement la Commission Européenne « promeut l’intérêt général européen et prend les initiatives appropriées à cette fin » (art I-26). Bien que les formulations différentes visent sans doute à indiquer que ces deux organes rempliront des fonctions différentes, il est difficile de voir en quoi la Commission pourrait « promouvoir l’intérêt général européen » sans définir un tant soit peu les « priorités politiques générales de l’Union ».

De la même manière la politique extérieure de l’Union devrait être partagée entre trois institutions : La Commission européenne, le président du Conseil européen et le Ministre des affaires étrangères. Or la Constitution n’établit pas de hiérarchie nette entre ces trois organes, ni de démarcation claire de leurs compétences. Concernant la hiérarchie, le ministre des affaires étrangères semblerait devoir être subordonné au président du Conseil européen, dans la mesure ou il nommé par ce Conseil et ou il peut être révoqué par celui-ci.

Cependant, le Ministre est aussi vice-président de la Commission et le Conseil ne peut mettre fin à son mandat qu’avec l’accord du Président de la Commission. De plus, en tant que membre de la Commission, le Ministre des affaires étrangères est responsable devant le Parlement européen qui peut adopter une motion de censure contre celle-ci. Le Ministre des affaires étrangères a donc de facto une double responsabilité, devant le Conseil et devant le Parlement, et une double allégeance, au Conseil qui le nomme et à la Commission dont il est membre. Son action devra ainsi contenter trois acteurs ayant des intérêts institutionnels divergents voire opposés et qui auront inévitablement des conceptions différentes sur ce que doit être la politique étrangère de l’Union. Pour compliquer encore les choses, l’heureux titulaire du portefeuille ne pourra guère manquer d’entrer en concurrence avec le président du Conseil, qui assure la représentation extérieure de l’Union « pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune » (art I-22), voire avec les membres de la Commission dans la mesure ou celle-ci assure également « la représentation extérieure de l’Union » (art I-26)4.

Le texte constitutionnel précise, il est vrai, que le président du Conseil assure sa fonction de représentation extérieure « sans préjudice des compétences du ministre des affaires étrangères de l’Union » et que la représentation extérieure dévolue à la Commission ne concerne pas cette politique étrangère et de sécurité commune. Mais il est difficile de ne pas voir dans ces dispositions de simples barrières de papier qui ne résisteront pas à l’épreuve de la réalité. Concernant la première de ces dispositions ceci est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister. Concernant la seconde, apparemment plus solide, on peut se demander quelle pourrait bien être une « représentation extérieure » qui ne concernerait pas la « politique étrangère et de sécurité commune » dans la mesure où cette dernière couvrira « tous les domaines de la politique étrangère » (art III-294).

En définitive, il n’est pas douteux que la Constitution divise entre plusieurs mains un domaine de compétence qui, peut-être plus que tout autre, requiert de l’énergie, de la discrétion et de la rapidité d’exécution pour être bien administré. Et cette division n’est pas identique à celle qui existe dans les gouvernements des Etats membres entre le chef du gouvernement ou de l’Etat et le ministre des affaires étrangères, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

La question pourrait cependant être posée : ne serait-ce pas faire preuve d’un excès de pessimisme que de penser que surgiront nécessairement des conflits de territoire entre les différentes branches de l’exécutif ? Pourquoi la pluralité devrait-elle déboucher sur la concurrence plutôt que sur la coopération ?

Outre l’expérience passée, qui nous apprend que la concurrence et la lutte pour la prééminence sont la règle entre les organes européens, il semble nécessaire d’ajouter des considérations d’ordre plus psychologiques ; considérations inévitables dans la mesure où une Constitution devra toujours être appliquée par des hommes et où il importe donc de se demander comment ils seront susceptibles de se comporter dans telle ou telle situation institutionnelle5.

Lorsque deux ou plusieurs personnes sont engagées dans une entreprise commune, les conflits peuvent surgir à la fois pour des questions de divergences d’opinion et pour des questions d’amour-propre. Lorsque ces personnes sont revêtues de l’autorité publique et chargées de la direction d’un pays ou d’un ensemble comme l’Union, ces causes de conflit sont exacerbées. Il est inévitable que naissent des opinions différentes en matière politique, du fait de la complexité des problèmes à résoudre et du caractère toujours incertain des solutions à y apporter.

Il est encore plus inévitable que se mêlent à ces divergences des considérations d’amour-propre et des luttes de pouvoir, de la part de personnes qui, dans ces fonctions et à ce niveau, sont nécessairement douées d’une grande ambition. « Les hommes s’opposent souvent à une chose simplement parce qu’ils n’ont pas participé à son élaboration ou bien parce qu’elle a été élaborée par des gens qu’ils n’aiment pas.

Mais s’ils ont été consultés et qu’ils ont exprimé leur désapprobation, l’opposition devient alors à leur avis un indispensable devoir d’amour-propre. Ils semblent se croire tenus, pour des raisons d’honneur et d’infaillibilité personnelle, d’empêcher le succès de ce qui a été décidé contre leur sentiment »6. Ces dispositions si répandues ne sont que trop faciles à observer au sein de n’importe quelle structure. Dans un gouvernement constitutionnel démocratique, de tels inconvénients doivent nécessairement être supportés dans les assemblées législatives, mais il ne parait ni nécessaire ni sage de les introduire au sein de l’exécutif. Dans une assemblée délibérante, la rapidité d’action est souvent plus un défaut qu’une qualité et l’opposition des intérêts peut avoir pour conséquence de favoriser la délibération et la circonspection.

Mais aucun avantage semblable ne vient compenser les dissensions au sein de l’exécutif. Au contraire, la pluralité des acteurs et des centres de décision tend à dissimuler les éventuelles fautes aux yeux du public et à faire disparaître la responsabilité de chacun. La division de l’exécutif, telle celle prévue dans la Constitution européenne, prive ainsi les citoyens des deux grands moyens de contrôle de tout pouvoir délégué : la crainte de l’opinion publique, qui ne saura sur qui faire porter son blâme au cas où de mauvaises mesures viendraient à être prises ; et la facilité à découvrir les fautes lorsque celles-ci sont commises, soit pour les sanctionner électoralement soit éventuellement pour mettre la justice en action.

II - Un Parlement renforcé

Si nous nous tournons maintenant vers le pouvoir législatif institué par la Constitution européenne, nous découvrons une situation inverse. Ce pouvoir est moins divisé que le pouvoir exécutif puisqu’il repose entre les mains du Conseil des ministres et du Parlement européen, qui votent conjointement les lois dans de nombreux domaines. Par ailleurs le Parlement ne comporte qu’une seule chambre, à la différence de la plupart des démocraties modernes qui comportent presque toutes au moins deux assemblées législatives. A quoi s’ajoute le fait que le texte de la Constitution accorde de nouveaux pouvoirs importants au Parlement, sans accorder en parallèle des moyens de défense équivalents aux autres institutions.

Selon le président de la Convention pour l’avenir de l’Europe, Valéry Giscard d’Estaing, le Parlement est « le grand gagnant » de la Constitution. Ce jugement semble parfaitement fondé et, d’une manière plus générale, le Parlement est sûrement l’institution européenne qui depuis vingt ans a le plus accru ses pouvoirs dans les traités7. Bien que cet accroissement se soit fait au nom de la « démocratisation » de l’Europe, il n’est pas certain qu’il faille s’en réjouir.

Dans une démocratie représentative, les citoyens tournent en général leur attention vers les possibles abus de pouvoir de l’exécutif. La tyrannie d’un seul ou de quelques-uns est la crainte démocratique par excellence. Pourtant, les risques d’une usurpation de pouvoir de la part des assemblées législatives ne sont pas moins grands que de la part de l’exécutif, et peut-être même plus grands à certains égards.

Le pouvoir législatif est en effet celui des trois pouvoirs dont les prérogatives sont les plus étendues et les plus difficiles à borner, puisque les conceptions démocratiques imposent, en théorie, qu’aucune mesure d’importance ne soit prise sans le consentement des gouvernés, c’est-à-dire sans une loi. Il est donc celui qui peut le plus aisément étendre indûment ses pouvoirs sous des prétextes plausibles, comme le remarquait déjà Montesquieu8. Par ailleurs, les membres d’une assemblée représentative jouissent de la légitimité qui leur a été conférée par leur élection populaire et cette seule considération peut suffire pour leur permettre, à terme, de prendre le dessus sur le pouvoir exécutif si celui-ci n’est pas également issu du suffrage universel. A quoi s’ajoute le fait que l’exécutif et le judiciaire dépendent nécessairement du législatif pour leur financement puisque, en théorie du moins, seul ce dernier peut avoir accès à la bourse des citoyens.

Les risques qu’une assemblée excède les bornes de son pouvoir sont donc tout à fait réels et doivent être pris d’autant plus au sérieux que toute assemblée présente des tendances naturelles à l’immodération. Ses membres sont en effet très largement libérés des contraintes de la responsabilité individuelle, du simple fait de leur nombre, et les passions qui les animent trouvent à se renforcer et à se communiquer par l’exemple mutuel. Il est en fait constant que la plupart des assemblées sont inférieures en sagesse et en modération aux individus qui les composent. L’expérience de tous les temps et de tous les lieux montre ainsi que les assemblées populaires supportent en général impatiemment que les autres pouvoirs s’opposent à leur action et qu’elles ont tendance à identifier leur volonté à celle du peuple lui-même. Leur résister revient à résister au peuple et est donc assimilé à un acte de despotisme. En France, plus particulièrement, le souvenir des excès des assemblées des troisième et quatrième Républiques est trop proche pour que nous puissions les oublier. Pour contenir les parlementaires dans les bornes que leur fixe la Constitution, la réflexion et l’expérience ont ainsi amené les constituants à prendre, la plupart du temps, les précautions suivantes. D’une part le parlement est divisé en deux ou plusieurs chambres qui se distinguent à la fois par leurs attributions particulières et par leur base électorale. Ces différences dans la composition et les compétences rendent plus difficiles les combinaisons en vue de prendre le contrôle des autres pouvoirs et elles améliorent la délibération législative. D’autre part l’exécutif est doté des moyens nécessaires pour défendre ses compétences contre les éventuels empiètement du parlement, sous la forme par exemple d’un droit de dissolution ou d’un droit de veto. Enfin, le pouvoir exécutif est doté d’une légitimité populaire propre, soit par l’élection directe, comme en France ou aux Etats-Unis, soit en organisant les élections législatives de telle sorte que celles-ci servent en fait à désigner le chef du gouvernement, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. Dans ce dernier cas, les éléments essentiels pour y parvenir sont le très petit nombre de partis politiques et des règles électorales favorisant la constitution de majorités stables. Mais dans le cas du Parlement européen rien de tel n’existe. Celui-ci est composé d’une seule chambre, il ne peut être dissous et d’une manière générale l’exécutif ne dispose pas de moyens de pression sur lui. A l’inverse, le Parlement élit le président de la Commission à la majorité des membres qui le composent (art I-27) et il peut obliger celle-ci à démissionner en votant contre elle une motion de censure (art I-26-8 et III-340). Les défenseurs de la Constitution européenne soutiennent que ces deux pouvoirs accordés au parlement ne doivent pas être une source d’inquiétude. D’une part car l’investiture, loin d’affaiblir le président de la Commission, va renforcer celui-ci en lui donnant une légitimité démocratique. D’autre part car une motion de censure ne pourrait être adoptée qu’à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité des membres composant le Parlement, ce qui est suffisamment limitatif pour écarter le risque d’instabilité. 7 La CJCE a elle aussi accru ses pouvoirs de manière considérable, mais essentiellement hors des traités. 8 Voir De l’esprit des lois, livre XI, chapitre VI. S


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 6 Cependant, pour que l’investiture par le Parlement donne au Président de la Commission une légitimité démocratique propre qui lui permettrait de résister au Parlement il faudrait que, à travers l’élection des députés européens, les électeurs choisissent en réalité le Président de la Commission, tout comme, par exemple, les électeurs britanniques choisissent leur Premier Ministre en élisant les membres des Communes. En l’état actuel des choses ceci ne saurait être le cas, du fait du trop grand nombre de partis représentés au Parlement européen et du fait surtout de l’absence d’un véritable démos européen. Il n’existe pas aujourd’hui, et il n’existera pas avant longtemps dans le meilleur des cas, d’espace politique homogène au niveau européen, mais 25 espaces politiques nationaux, et demain peut-être davantage. Tant que cet état de fait perdurera, les élections ne permettront pas aux électeurs européens de se prononcer clairement en faveur d’un homme et d’un programme9. En conséquence, le Président de la Commission sera nécessairement élu à la suite de tractations intra-parlementaires. Il n’aura donc de légitimité que celle que le Parlement voudra bien lui accorder et pour aussi longtemps qu’il voudra bien lui accorder. Par ailleurs, la double majorité exigée pour adopter une motion de censure n’est peut-être pas une protection aussi efficace qu’elle le paraît. Outre que les coalitions de mécontents sont toujours plus aisées à former que les majorités pour gouverner, l’expérience a suffisamment montré qu’un parlement n’a nullement besoin de voter la censure dans les formes constitutionnelles pour renverser un gouvernement. Il lui suffit pour cela de faire la grève du zèle et de refuser les mesures que ce dernier juge indispensables. L’histoire constitutionnelle française en porte amplement témoignage. La situation instaurée par la Constitution est donc la suivante : d’un côté l’exécutif, que cela soit la Commission ou les deux Conseils, ne dispose pas de moyens de pression sur le Parlement, il ne peut ni le dissoudre ni l’amener à voter les textes qu’il juge indispensable, par exemple au moyen d’une procédure comme celle du 49-310. Surtout aucune de ses branches ne possède une légitimité démocratique européenne qui lui soit propre. De l’autre côté, le Parlement peut se présenter comme le seul véritable représentant des citoyens européens, alors même qu’il n’existe pas de démos européen susceptible de le contrôler. Ses membres ne doivent pas leur élection au chef du pouvoir exécutif, comme par exemple en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, et n’ont donc aucune obligation de fidélité envers lui11. Le Parlement tient en revanche entre ses mains l’existence de la Commission, dont il élit le Président. La Commission étant, dans la plupart des cas, la seule à disposer de l’initiative des lois européennes, cela revient à dire que le Parlement sera dans une très bonne position pour « susciter » l’initiative de lois qui lui conviennent et pour bloquer celles qui lui déplaisent. De manière générale, le Parlement pourra arguer de la nécessité de « démocratiser » l’Europe pour étendre ses prérogatives aux dépends des autres pouvoirs et il bénéficiera, selon toute vraisemblance, de la concurrence entre les différents organes exécutifs. En revanche, aussi opposés politiquement que puissent être les membres d’une assemblée représentative, l’esprit de corps les uni presque toujours dès lors qu’il s’agit de s’opposer à l’exécutif ou d’accroître leurs prérogatives au-delà des limites fixées par la Constitution. L’histoire de toutes les républiques fournit suffisamment d’exemples de cette tendance pour qu’il ne paraisse pas nécessaire de s’y attarder. A cela doit être ajouté le nombre très élevé des députés européens. Ceux-ci seront en effet au nombre de 75012, formant ainsi l’une des assemblées représentatives les plus nombreuse du monde et, comme le souligne justement un partisan de la Constitution : « il est illusoire de croire que cela pourra évoluer puisqu’il faudrait une décision à l’unanimité du Conseil européen, et jamais un Etat n’acceptera de voir sa représentation diminuée »13. Or ce très grand nombre de parlementaires amplifie les inconvénients inhérents aux assemblées, évoqués plus haut, à savoir la dilution de la responsabilité individuelle et l’entraînement mutuel. Au total, il semble donc possible de dire que la Constitution porte en germe la prédominance à terme du Parlement sur les autres institutions, à l’exception peut-être de la Cour de Justice. 9 Sur cette question voir également infra. 10 L’article 49-3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 permet au gouvernement de faire adopter une loi sans que le parlement vote celleci. Lorsque le Premier Ministre recours à cet article, le texte est considéré comme adopté sauf si l’Assemblée Nationale vote une motion de censure contre le gouvernement. Cette procédure exceptionnelle, inspirée par l’expérience des 3ème et 4ème Républiques, permet au gouvernement d’éviter une « grève » du Parlement qui le forcerait à démissionner en dehors des cas et des procédures prévues par la Constitution. 11 En France, hors période de cohabitation, les députés de la majorité sont, de fait, élus sur le nom du Président de la République et pour soutenir celui-ci. Tel est le contrat implicite avec les électeurs. Ceci contribue bien sûr grandement à la stabilité des majorités parlementaires car un député qui, en cours de mandat, romprait ce contrat, par exemple en votant une motion de censure avec l’opposition, serait pratiquement certain de perdre son siège lors de l’élection suivante, voire de disparaître purement et simplement de la vie politique. Le mécanisme est à peu près identique en Grande-Bretagne, en Allemagne, etc...et dans la plupart des pays européens. Voir également supra. 12 A la suite de l’élection de 2004 les députés sont au nombre de 732, mais la Constitution prévoit que ce nombre pourra augmenter jusqu’à 750, sans pouvoir le dépasser. 13 Christian Philip, La Constitution européenne, PUF, 2004, p. 84.


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 7 III - Une Cour de Justice hors contrôle a Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) devient avec la Constitution la Cour de Justice Européenne (CJE), mais en dehors de ce changement d’appellation ses attributions restent pratiquement inchangées. Selon les analyses traditionnelles de la séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire est le plus faible des trois pouvoirs, celui qui risque le moins d’empiéter sur les deux autres et celui dont les prérogatives ont le plus besoin d’être défendues14. Cette analyse semble en elle-même parfaitement juste, mais il est possible de se demander si elle est réellement applicable au contexte très particulier de l’Union européenne. La faiblesse du judiciaire tient essentiellement à son incapacité à agir par luimême, à sa dépendance presque totale vis-à-vis des autres pouvoirs. Il ne peut qu’appliquer et au besoin interpréter les lois faites par le législatif et il dépend des moyens de l’exécutif pour faire respecter ses décisions. Par ailleurs le législatif et l’exécutif disposent, par l’élection, d’une légitimité démocratique bien supérieure à celle du judiciaire, dont les membres sont simplement nommés. Les deux autres pouvoirs peuvent donc, en théorie, aisément se défendre contre les éventuels empiètements des juges sur leurs prérogatives. Ils peuvent, en cas de besoin, modifier la loi que le juge aura interprété de manière tendancieuse, ils peuvent modifier la composition des organes judiciaires, le nombre des juges, leurs prérogatives, ils peuvent en appeler à l’opinion publique en mettant en avant leur légitimité de représentants du peuple souverain etc... Mais si nous replaçons ces divers éléments dans le cadre de la future Constitution Européenne, nous pouvons constater que la plupart des moyens d’action dont disposent traditionnellement les deux autres pouvoirs vis-à-vis du pouvoir judiciaire sont largement absents. Ceci pourrait sembler, à première vue, une qualité du texte constitutionnel et non un défaut. N’est-il pas absolument indispensable que les juges soient indépendants afin d’échapper aux pressions du pouvoir politique ? Par ailleurs, dira-t-on, les interprétations données par les cours constitutionnelles dans les Etats de l’Union ne sont pas susceptibles de recours et ceci passe ordinairement pour une bonne chose. Cependant une telle analyse, bien qu’exacte, serait incomplète. L’indépendance des organes judiciaires est en effet indispensable, mais être indépendant ne peut signifier, en matière constitutionnelle, n’avoir de compte à rendre à personne de son activité ni surtout être placé à l’abri de l’action des autres pouvoirs. Il est nécessaire que tous les pouvoirs puissent se défendre les uns contre les autres pour que la séparation des pouvoirs soit effective. Il est également nécessaire que ceux à qui sont confiés les plus hautes fonctions publiques aient, d’une manière ou d’une autre, à rendre compte de leur activité. La « disposition des choses », selon les termes de Montesquieu, doit permettre de soutenir la vertu des individus ou de pallier son absence. Dans le cas du pouvoir judiciaire, cela signifie concrètement que la norme interprétée et appliquée par le juge doit pouvoir être modifiée, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une norme constitutionnelle, sans quoi les autres pouvoirs seraient à la merci du judiciaire qui pourrait à son gré restreindre leurs prérogatives et augmenter les siennes. Cette modification de la norme ne doit pas être aisée à accomplir, et d’autant moins aisée qu’elle est plus élevée, elle doit se faire selon des procédures qui favorisent la délibération et le consensus, mais elle doit être possible. Cela signifie également que les normes régissant le fonctionnement de telle ou telle juridiction doivent pouvoir être modifiées, sous les réserves émises précédemment, si ce fonctionnement se révèle par trop défectueux. Les juges doivent aussi être soumis individuellement à un contrôle de leur action, par l’intermédiaire d’organes disciplinaires comme par exemple le Conseil Supérieur de la Magistrature en France, ou de la part de l’opinion publique. Ce point est très important s’agissant des juridictions suprêmes et notamment des juridictions constitutionnelles. Les membres de ces juridictions sont en effet, et fort légitimement, dotés de garanties statutaires très fortes destinées à assurer leur indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs. Ils échappent aux procédures de contrôle internes qui existent pour les juges ordinaires et le fait qu’ils soient nommés, et non élus, les dispense de rendre périodiquement compte de l’usage de leur mandat devant le corps électoral. Il est alors essentiel que les détenteurs des pouvoirs exécutifs et législatifs puissent prendre l’opinion publique à témoin en cas de conflit avec la juridiction constitutionnelle. Les exemples ne manquent pas, dans l’histoire constitutionnelle française, de telles controverses entre la majorité politique du moment et le Conseil Constitutionnel ; de Lionel Jospin, déclarant après la censure des lois de nationalisation : « on ne peut pas substituer le gouvernement des juges au gouvernement du peuple... le Conseil Constitutionnel ne paraît pas appartenir à la tradition française... », à Edouard Balladur affirmant en 1993 que le Conseil exerce son contrôle « au regard de principes généraux parfois plus philosophiques et politiques que juridiques ». La question n’est pas en l’occurrence de savoir si les reproches adressés au Conseil étaient effectivement fondés, et l’on peut même affirmer sans grand risque de se tromper que ceux-ci n’étaient pas motivés par un pur respect de la Constitution. Le point important est que de telles controverses, bien ou mal fondées, qui mobilisent les différents camps politiques, qui alertent l’opinion publique, qui portent à sa connaissance les arguments des spécialistes en la matière, ne peuvent pas ne pas exercer un rôle modérateur sur l’activité de la juridiction constitutionnelle. Sachant leurs décisions exposées à un possible examen public, connaissant la relative faiblesse de leur légitimité face aux élus du peuple, sachant enfin que la Constitution pourrait éventuellement être modifiée pour contourner leur jurisprudence, voire pour modifier leur statut, les juges constitutionnels ne peuvent guère manquer d’être plus prudents dans leurs interprétations qu’ils ne le seraient sans cela. Non que cela les amène à déférer aux souhaits de la majorité politique du moment, ce qui ne serait absolument pas souhaitable, mais cela ne peut que les encourager à rester aussi près que possible du texte 14 Voir notamment Montesquieu, De l’esprit des lois, livre XI, chapitre VI. L


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 8 constitutionnel dont ils tirent leur légitimité. Le contrôle indirect par le biais de l’opinion publique aide les juges à ne pas succomber à la tentation des interprétations par trop « constructives ». Si nous transposons cette analyse dans le cadre de la Constitution européenne, nous ne pouvons que constater l’absence de ces éléments stabilisateurs. Le point le plus important est que les interprétations que donnera la CJE de la Constitution ne seront susceptibles, en pratique, d’aucun recours. L’interprétation de la CJE s’imposera aux autres organes de l’Union ainsi qu’aux pays membres sans que ceux-ci puissent la remettre en cause, quand bien même le sens donné par la Cour à telle ou telle disposition constitutionnelle semblerait extrêmement contestable. Il en est ainsi car il sera pratiquement impossible de réviser la Constitution pour surmonter, le cas échéant, les interprétations de la CJE. Le traité établissant la Constitution ne peut en effet être révisé qu’au terme d’une procédure requérant une double unanimité. Le projet de révision, après avoir été adopté par le Conseil européen, puis examiné par une Convention spécialement formé à cet effet, doit être adopté à l’unanimité par une Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, puis encore ratifié par tous les Etats membres selon leurs procédures constitutionnelles propres. Il est certes bon qu’une Constitution soit difficile à réviser, mais en l’occurrence la difficulté tourne à l’impossibilité pure et simple. Par ailleurs il n’existe pas, comme il a été dit précédemment, d’espace politique homogène au niveau européen, et donc, pour les autres pouvoirs, pas d’opinion publique européenne sur laquelle s’appuyer face à la Cour de Justice. Celle-ci est de fait libre de toute « censure » populaire, alors même que ses décisions ont une importance décisive sur l’orientation de la construction européenne et donc sur la vie quotidienne des citoyens des pays membres. La Cour de Justice a ainsi déjà joué un rôle déterminant pour orienter, de manière autonome, cette construction vers une intégration toujours plus étroite. La plupart des spécialistes, et même certains anciens membres de la CJCE, s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que la Cour a, depuis les années 1960, outrepassé les pouvoirs qui lui étaient accordés par les traités fondateurs en posant les bases d’un droit quasi-fédéral, notamment par les arrêts Van Gend en Loos et Costa contre E.N.E.L15. Les juges de la CJCE ont ainsi interprété leur mission comme étant celle de promouvoir activement une union toujours plus étroite, y compris au besoin contre l’avis des gouvernements des Etats membres, et non pas de garder et faire appliquer strictement les textes européens. Sans doute peut-on faire crédit aux membres de la Cour d’avoir estimé qu’ils agissaient ainsi pour le « bien commun européen », mais, que cela soit vrai ou pas, il n’est guère contestable que cette construction jurisprudentielle des normes européennes est peu compatible avec le grand principe démocratique du consentement à la loi qui vous gouverne. Or rien dans la future Constitution n’apporte de garanties sérieuses contre ce genre de dérives. Au contraire, certains éléments pourraient bien venir conforter cette tendance de la Cour à juger en fonction des objectifs supposés de l’Union plutôt qu’en fonction des pouvoirs qui lui sont réellement accordés. IV - Une Constitution qui n’en est pas une ces questions liées à l’équilibre des différents pouvoirs, doivent en effet être ajoutées quelques observations concernant le caractère flexible de la Constitution européenne. Celle-ci présente en effet la particularité d’être à la fois pratiquement impossible à réviser, pour les raisons évoquées plus haut, et très flexible par certains aspects. Il faut noter en premier lieu que la Constitution ne donne pas de définition, et encore moins une liste exhaustive, des compétences des Etats, seules les compétences de l’Union sont énumérées. Les Etats, en d’autres termes, ont la compétence de droit commun et l’Union une compétence d’attribution. Ceci pourrait sembler protecteur pour les Etats membres, l’Union ne pouvant intervenir que lorsque la Constitution l’y a explicitement habilité. Mais en fait, ceci pourrait bien s’avérer un facteur d’extension progressive des domaines d’intervention de l’Union, dans la mesure où ces domaines sont définis de manière largement téléologique. L’article I-11-2 de la Constitution dispose en effet que « l’Union agit dans les limites des compétences que les Etats membres lui ont attribuées dans la Constitution, en vue d’atteindre les objectifs qu’elle établit ». Cette référence aux objectifs fixés par la Constitution se retrouve dans la définition du principe de proportionnalité, selon lequel l’Union doit intervenir seulement autant qu’il est nécessaire pour atteindre ses objectifs. Cela signifie logiquement que les dispositions fixant les compétences de l’Union doivent être interprétées à la lumière des objectifs assignés à celle-ci par le texte constitutionnel. Il serait d’ailleurs peu conforme à la logique que la Constitution assigne des objectifs à l’Union sans donner à celle-ci les moyens de les réaliser. Or les objectifs de l’Union sont définis de manière extrêmement large. On nous permettra de citer ici en longueur l’article I-3 fixant ces objectifs : « L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples. L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché unique où la concurrence est libre et non faussée. L’Union oeuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi, au progrès social, et à 15 L’arrêt Van Gend en Loos (5.2.1963) pose le principe selon lequel le droit communautaire peut être invoqué directement par les particuliers devant les tribunaux nationaux, y compris à l’encontre des Etats membres. L’arrêt Costa contre E.N.E.L (15.7.1964) pose le principe de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. A


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 9 un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les Etats membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen [...]. » Et le catalogue se poursuit. Pour rendre justice à cette prose européenne si caractéristique, les talents d’un Swift ou d’un Flaubert seraient sans doute nécessaires, mais ce qui nous importe ici, d’un point de vue juridique, est que la définition téléologique des compétences de l’Union donne en pratique à celle-ci la possibilité d’étendre très loin son action, en fonction de son jugement sur ce qui serait nécessaire pour atteindre ses objectifs, des objectifs, on le voit, définis de manière très vague et très englobante. Mais, pourrait-on objecter, il ne sera pas possible à l’Union d’étendre progressivement ses pouvoirs puisque celle-ci devra agir en fonction du principe de subsidiarité qui est également inscrit dans la Constitution. Selon ce principe, l’Union ne doit, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, intervenir que « si les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres ». Il est cependant facile de voir que le principe de subsidiarité ne peut pas être une réponse au problème soulevé précédemment, puisqu’il suppose pour être appliqué de savoir quand l’Union peut légitimement intervenir, donc quels sont ses objectifs, et quand son action est nécessaire pour les réaliser. Cela ne pourra être déterminé qu’a posteriori, au cas par cas, et toujours par les organes de l’Union, en l’occurrence essentiellement la Commission puisque celle-ci est la seule à disposer de l’initiative des lois européennes. La Constitution prévoit il est vrai un mécanisme de contrôle de l’application du principe de subsidiarité (ainsi que de proportionnalité). La Commission est ainsi tenue de motiver en détail ses propositions au regard de ces deux principes et doit transmettre celles-ci aux parlements nationaux. Si un tiers de ceux-ci estiment que l’action envisagée ne respecte pas l’un ou l’autre principe, la Commission devra réexaminer sa décision. Si cette décision réexaminée ne leur convient pas, les parlements pourront saisir individuellement la CJE qui tranchera le différend. Cela signifie donc que la CJE décidera en dernier ressort de l’étendue des pouvoirs accordés à l’Union et du contenu de la subsidiarité et de la proportionnalité, et ce sans possibilité pour les Etats membres de réformer éventuellement ses décisions comme nous l’avons vu précédemment16. En forçant à peine le trait, il paraît donc possible de dire qu’en adoptant la Constitution, les citoyens européens donneront à une trentaine de personnes17 non élues et, à strictement parler, irresponsables de leurs actes, la capacité de décider du partage de compétence entre les Etats membres et l’Union. Situation d’autant plus problématique que, comme nous l’avons vu, la Cour par le passé ne s’est jamais montrée une gardienne très sourcilleuse des prérogatives des Etats, mais a au contraire interprété la mission qui lui est confié de manière très « constructive », moins comme celle d’un gardien des traités que comme celle d’un agent actif de l’intégration européenne. Cela revient à peu près à dire que les citoyens de l’Union, lorsqu’il leur sera demandé d’approuver la Constitution, ne pourront pas savoir précisément à quoi ils consentent. L’étendue des pouvoirs qu’ils accorderont aux organes de l’Union sera largement déterminée a posteriori, par les appréciations de ces organes et notamment de la CJE. Mais cela n’est pas tout, puisque la Constitution prévoit également une clause dite de flexibilité (art I-18). Selon cette clause « si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies à la partie III, pour atteindre l’un des objectifs fixés par la Constitution sans que celle-ci n’ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil des ministres, statuant à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées. ». Comme le reconnaît l’un des rédacteurs de la Constitution, cette disposition a pour objet de permettre une action européenne sans base juridique explicite18. En d’autres termes, les représentants19 des citoyens de l’Union se voient accorder la possibilité d’accroître leurs pouvoirs de leur propre initiative, toujours pour atteindre ces objectifs si vastes et si généraux de l’Union20. Dans le même ordre d’idée, l’article IV-444 relatif à la procédure dite de « révision simplifiée » dispose que, lorsque la Constitution prévoit que le Conseil des ministres statue à l’unanimité dans un domaine déterminé, le Conseil européen peut, à l’unanimité, adopter une décision autorisant le Conseil des ministres à statuer à la majorité qualifiée. L’un des organes de l’Union est donc autorisé à modifier de sa propre initiative l’un des éléments clefs de la Constitution, qui conditionne le degré de souveraineté conservé par les Etats membres dans tel ou tel domaine. 16 Des remarques semblables pourraient être faites à propos de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. 17 La Cour est composée d’un juge par Etat membre. 18 Pour l’Europe, le texte intégral de la Constitution expliqué et commenté, op.cit, p176. 19 Peut-être est-il excessif de parler ici de représentants puisque le Conseil des ministres est l’organe habilité à faire jouer cette clause de flexibilité, sur proposition de la Commission. 20 Cette disposition semblerait également indiquer que la Constitution assigne des objectifs à l’Union sans lui donner les moyens d’atteindre ces objectifs, ce qui, comme nous l’avions noté précédemment, est peu conforme à la logique. La cause n’en est pas, sans doute, le manque de logique des rédacteurs de la Constitution mais le caractère délibérément « flexible » et « ouvert » de cette dernière. Pour le dire autrement, cette incongruité est dûe au fait que la Constitution européenne n’est pas une véritable Constitution.


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 10 Tout comme la clause de flexibilité, cette clause « passerelle » a peu de chances d’être un jour utilisée étant donné la nécessité de parvenir à l’unanimité pour la faire jouer, mais l’essentiel n’est pas là. Ces deux clauses, quelle que soit la probabilité de leur utilisation, ont un même but, permettre de modifier l’équilibre de la Constitution sans la réviser formellement. Rien ne montre mieux que ces dispositions que la Constitution européenne est bien plus un traité qu’une Constitution, non seulement d’un point de vue formel, comme nous l’avons vu en introduction, mais surtout d’un point de vue substantiel : les institutions qu’elle met en place fonctionnent bien davantage sur le mode de la négociation diplomatique que sur le mode du gouvernement constitutionnel. Une Constitution, selon la conception moderne, a pour but de rendre compatibles la liberté et le gouvernement ou, en d’autres termes, de préserver les droits fondamentaux des individus composant la communauté politique qui se donne une Constitution. Atteindre cet objectif nécessite que les pouvoirs délégués au gouvernement par les citoyens soient clairement délimités, que chacun sache précisément à quoi il s’engage en acceptant la Constitution. De la même manière, le fonctionnement du gouvernement doit être suffisamment simple et transparent pour que les citoyens puissent savoir à qui attribuer les décisions prises, qui sanctionner et qui récompenser en fonction de leur appréciation sur ces décisions. Enfin les pouvoirs doivent être séparés et cette séparation doit être stable, afin que les gouvernants ne puissent accroître indûment leurs pouvoirs et modifier la délégation initiale. Par contraste, des négociations diplomatiques requièrent plutôt le flou et l’imprécision dans les formulations21, afin de ne pas froisser les susceptibilités et de contenter tout le monde, mais aussi afin de se garder une possibilité d’évader ses obligations ou au contraire d’augmenter celles des autres parties. Des négociations diplomatiques se déroulent toujours au moins partiellement dans l’ombre pour le grand public, le rôle exact et les motifs de chacun sont difficiles à déterminer avec précision, les raisons des compromis restent plus ou moins obscures, et au surplus ceux qui décident dans ces circonstances sont rarement directement responsables de leurs actes devant les citoyens. La Constitution européenne, dans l’ensemble, fonctionne selon ce schéma. Les mécanismes de gouvernement qu’elle met en place mélangent des institutions élues et des institutions non élues, avec un partage, ou plutôt une fragmentation des pouvoirs, telle qu’il n’est guère possible en pratique de savoir à qui attribuer la responsabilité des décisions prises. L’équilibre des pouvoirs qu’elle instaure n’offre pas de garantie de pérennité et semble destiné à dériver vers une prédominance de plus en plus grande du Parlement et, surtout, de la Cour de Justice. Elle est par ailleurs à la fois presque impossible à réviser formellement, car une révision formelle requerrait l’unanimité pour aboutir et obligerait les gouvernements à revenir devant leurs opinions publiques, avec tous les risques d’échec et de sanction que cela comporte, et elle est en même temps susceptible d’être modifiée profondément par le biais de négociations diplomatiques entre les représentants des Etats, sans que ces décisions aient à être ratifiées par les citoyens de l’Union. Enfin ses dispositions sont parfois très détaillées et parfois très vagues, donnant d’un côté des gages aux anti-fédéralistes sur des points précis et permettant de l’autre côté aux fédéralistes d’espérer une extension progressive des pouvoirs de l’Union grâce à l’inclusion de formules très générales sur les objectifs de l’intégration. Les conséquences de ces caractéristiques sont de deux ordres : d’une part, du fait de la flexibilité de la Constitution et du caractère mal assuré de la séparation des pouvoirs qu’elle met en place, les citoyens de l’Union ne pourront pas savoir précisément à quoi ils s’engagent lorsqu’il leur sera demander de l’adopter. On peut ainsi prédire sans grand risque de se tromper que, si le texte entre finalement en vigueur, le mode de fonctionnement des institutions mises en place par la Constitution dérivera progressivement et, comme les trois frères du Conte du tonneau22, les citoyens de l’Union auront bien des occasions de s’émerveiller que ce texte puisse contenir tant de choses qu’ils n’auraient jamais cru pouvoir y trouver. Cette modification progressive des équilibres initiaux est d’ailleurs l’espoir plus ou moins avoué de bon nombre de conventionnels, qu’ils soient de tendance « fédéraliste » ou « intergouvernementaliste ». Le texte adopté ne contentant pleinement personne, chacun se satisfait de l’idée que la pratique permettra à son camp d’amener la Constitution vers la forme qui a sa préférence. Les espérances des « fédéralistes » sont sur ce point sans doute plus raisonnables que celles de leurs adversaires. D’autre part, la « démocratisation » de l’Union, c’est à dire la capacité pour les citoyens d’orienter effectivement la politique de leur gouvernement et de contrôler ses décisions n’aura pas progressée. Le texte de la Constitution n’est pas ici le seul en cause. Accroître les pouvoirs du Parlement ou de toute autre institution élue au niveau européen ne peut en effet être d’aucun secours tant qu’il n’existera pas un électorat européen et non 25 ou 30 électorats nationaux. Dans n’importe quel pays de l’Union, les électeurs peuvent raisonnablement espérer changer la politique de leur gouvernement s’ils portent au pouvoir un nouveau parti. Mais aujourd’hui aucun de ces mêmes électeurs ne sait comment modifier la politique suivie au niveau européen. Non seulement parce que personne ne sait comment modifier les orientations d’un organe non élu comme la Commission ou la CJCE, mais aussi parce les élections au Parlement ne sont que l’addition de 25 élections nationales. Chaque citoyen d’un pays 21 On pourrait faire remarquer que dans une négociation diplomatique le choix des mots est primordial lorsqu’il s’agit de rédiger le document final. Mais précisément, lorsque les négociateurs défendent des positions antagonistes, l’attention portée au choix des termes vise essentiellement à exclure les formules trop précises de manière à contenter tout le monde et à paraître rapprocher des positions parfois inconciliables. La diplomatie est ainsi la plupart du temps une bonne illustration de cette remarque de Tocqueville : « C’est une des faiblesses les plus familières à l’intelligence humaine de vouloir concilier des principes contraires et d’acheter la paix aux dépends de la logique. » De la démocratie en Amérique, tome II, chapitre VI. 22 Jonathan Swift. Titre original : A Tale of a Tub.


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 11 membre sait, ou au moins sent intuitivement, que le résultat final dépend non seulement de la conversation civique23 qui a lieu dans son pays, et qu’il a déjà bien du mal à suivre ordinairement, mais surtout des conversations civiques qui se déroulent dans 24 autres pays et dont il ignore nécessairement à peu près tout. Le résultat d’une élection au Parlement européen est donc, inévitablement, imprévisible et étranger à tous les citoyens de l’Union. Ainsi, en accroissant le pouvoir du Parlement la Constitution aura même sans doute, paradoxalement, fait régresser le contrôle des citoyens sur les institutions de l’Union Au total, si l’ambition de ce texte était de faire passer l’Union européenne du statut d’organisation internationale à celui de gouvernement constitutionnel, il semble bien que cet objectif n’ait pas été atteint. L’Union restera une organisation internationale après l’adoption de la « Constitution », une organisation internationale originale il est vrai, mais une organisation internationale néanmoins, fonctionnant sur un mode diplomatique et non sur un mode constitutionnel. Sans doute le texte qui sera proposé à la ratification des pays membres est-il, à quelques détails près, le meilleur qu’il était possible d’adopter étant donné les conditions de sa rédaction. Il est d’ailleurs significatif que la Constitution reprenne à peu près 80% des traités existants. Il est simplement illusoire d’espérer que l’Union puisse être un jour rebâtie de fond en comble, sans tenir compte des équilibres et des institutions déjà établis. Le résultat sera donc toujours une cote plus ou moins mal taillée. Mais ceci ne doit pas être entendu comme un appel à l’indulgence envers ce projet de Constitution. Les conventionnels sont sans doute excusables pour les défauts de ce texte, mais en matière constitutionnelle les bonnes intentions sont sans importance, seul le résultat final compte. Or ce résultat apparaît bien peu satisfaisant. 23 J’emprunte ce terme de « conversation civique » à Pierre Manent, Cours familier de philosophie politique, Fayard, 2001.


N° 3/Fr - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Page 12 J u i l l e t 2 0 0 6 P r o g r a m m e d ’ é t u d e I D E N T I T É S E U R O P É E N N E S S é r i e P O L I T I Q U E S Retrouvez toute l’actualité de l’Institut Thomas More sur www.institut-thomas-more.org Le Parlement européen : déficit d’image, déficit démocratique. Le PE a-t-il la communication qu’il mérite ? Par Nicolas LE FLOCH de CAMBOURG et Benjamin MÉRABTI (Working Paper 3, juin 2006, Fr/Eng). Italie : la réforme de la Constitution et le Fédéralisme Rencontre du Comité Italie, 15 juin 2006, Rome. Intervenant : Angelo Maria PETRONI. Intégration de la Roumanie à l’UE : « Rien n’est encore joué pour la Roumanie » Par Miruna LEAHU (Working Paper 2, mai 2006, Fr/Eng). L’Europe, c’est aussi la justice... 4 pistes pour la réforme Par Claude GIRARD (Note 8, avril 2006, Fr). Politiques énergétiques européennes : 10 questions, 10 réponses pour l’avenir Par Hiledegard von LIECHTENSTEIN (Note 7, mars 2006, Fr/Eng). Vous avez dit conservateur ? Entretien de Jean-Thomas LESUEUR (« Politique Magazine », mars 2006). La lente marche du “lobbying d’idées” en France Article de Jean-Thomas LESUEUR (« La Revue parlementaire », décembre 2005). One steps forwards... Article de Jean-Thomas LESUEUR (« PublicAffairs News », octobre 2005). Quelle politique environnementale pour demain ? Les leçons de l’histoire, les pistes de l’avenir Rencontre du Comité France, 28 juin 2005, Paris. Intervenants : Emmanuel LE ROY LADURIE et Guillaume SAINTENY. L’Europe en ballottage - Quelle réponse au Traité constitutionnel européen ? Rencontre du Comité France, 10 mai 2005, Paris. Intervenants : Marie-France GARAUD et Hervé MARITON. Chronique des engagements buissonniers : les hommes, la France, la politique Rencontre du Comité France, 7 décembre 2004, Paris. Intervenant : Denis TILLINAC. Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ? Par Laurent LEMASSON (Tribune 3, décembre 2004, Fr). Ce qui ce joue à Kiev Article collectif (« Le Figaro », 29 novembre 2004). Signataires : Galina ACKERMAN, Mihnea BERINDEI, Alain BESANÇON, Béla BORSI KALMAN, Pascal BRUCKNER, Stéphane COURTOIS, Brice COUTURIER, Chantal DELSOL, Alain FINKIELKRAUT, André GLUCKSMANN, Romain GOUPIL, Anat KALMAN, Stephen LAUNAY, Janos MARTONYI, Jean-François MATTEI, Corentin de SALLE, Françoise THOM, Sabine RENAULT-SABLONIÈRE, Pierre RIGOULOT, Pedro SCHWARTZ, Ilios YANNAKAKIS. Les propos et opinions exprimés dans ce document n’engagent que la responsabilité des auteurs. Ce document est la propriété de l’Institut Thomas More. Sa reproduction, partielle ou totale, est autorisée à deux conditions : obtenir l’accord FORMEL (par mail ou courrier) de l’Institut Thomas More, et faire apparaître LISIBLEMENT sa provenance. Pour toute information, suggestion ou tout envoi de textes, vous pouvez adresser un message à info@institut-thomas-more.org ou téléphoner au + 33 (0)1 49 49 03 30. Etabli à Bruxelles et Paris, présent à Budapest et Rome, réunissant des personnalités de nombreux pays européens, l’Institut Thomas More est un think tank d’opinion, européen et indépendant. Il diffuse auprès des décideurs politiques et économiques et des médias internationaux des notes, des rapports, des recommandations et des études réalisés par les meilleurs spécialistes. L’Institut Thomas More est à la fois un laboratoire d’idées et de propositions neuves et opératoires, un centre de recherches et d’expertise, un relais d’influence. Bruxelles Avenue Eugène Demolder, 112 B-1030 Bruxelles Tel : +32 (0)2 647 29 74 Fax : +32 (0)2 242 73 44 Paris 9, rue d’Enghien F-75010 Paris Tel : +33 (0)1 49 49 03 30 Fax : +33 (0)1 49 49 03 33 info@institut-thomas-more.org www.institut-thomas-more.org Institut Thomas More ASBL © décembre 2004 - Juillet 2006, pour la présente version

1 Olivier Duhamel, Pour l’Europe, le texte intégral de la Constitution expliqué et commenté, Editions du Seuil, 2003, p.11.

2 Voir par exemple The Federalist, n° 9 et n° 37. The Federalist est une collection d’articles que A. Hamilton, J. Madison et J. Jay, publièrent en 1787-1788 sous le nom collectif de Publius et qui contribua de manière décisive à l’adoption de la Constitution par le peuple américain. Aujourd’hui encore, The Federalist est à peu près unanimement considéré comme l’exposition la plus profonde et la plus complète des fondements de la Constitution des Etats-Unis. La science politique dont The Federalist fait usage trouve bien sûr ses racines chez Locke et chez Montesquieu.

3/ - Décembre 2004 (deuxième édition, juillet 2006) Constitution européenne : l’Europe y trouve-t-elle son compte ?

4 Le président de la Commission parait évidemment tout désigné pour assurer ce rôle.

5 L’article I-19 prévoit bien que « les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale », mais le caractère de barrière de papier de cette disposition paraît trop évident pour qu’il semble nécessaire de s’y attarder.

6 The Federalist, n°70.__________________________________________________________________________________________________________ N° Page 3


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