Clémentine Autain en Palestine : Un peuple se meurt à petit feu avec la lâcheté ou la complicité des grands Etats du monde devant Israël (article et témoignage poignant sur France Culture)

vendredi 27 novembre 2009.
 

Je participe à une délégation d’une quarantaine de femmes en Palestine. C’est l’AJPF, une association de jumelages entre des villes françaises et palestiniennes, qui a organisé ce voyage regroupant des élues – parlementaire, maires, etc. -, des syndicalistes, des militantes associatives, des journalistes et des artistes. Nous sommes là depuis quatre jours, passés à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Nous avons fait de très nombreuses rencontres avec des habitants des camps, des familles expulsées, des responsables des mouvements féminins mais aussi des dirigeants politiques. La situation est extrêmement tendue. Sur un plan politique, elle est dangereuse et explosive.

D’abord, ce que nous avons vu, c’est l’impact du Mur sur la population palestinienne. Erigé depuis 2005, il est aujourd’hui construit à près de 80%. Au total, il y aura 750 km de mur pour 350 km de frontière potentiellement. Cela signifie que le Mur n’est pas construit de manière linéaire mais de façon arbitraire, tortueuse, coupant des villages et cassant les liens sociaux comme les dynamiques économiques. C’est une violence symbolique immense, que chacun comprendra à l’heure où nous célébrons le 20e anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Le mur enferme, ne donne plus droit à l’horizon, insécurise les enfants et les adultes qui, lors des tensions, sont sous le jouc des tirs de l’armée israélienne. Mais il faut aussi mesurer l’impact socio-économique de ce Mur. En deux ans, la pauvreté a augmenté de 15% en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Et je ne vous parle pas de Gaza ou, avec le blocus, le nombre de personnes passées sous le seuil de pauvreté est de 30%… Les fameux « check point » et les barrages militaires, au nombre de 650 selon l’ONU, désorganisent la vie quotidienne et le travail. Le chômage a explosé, le commerce est freiné. C’est le règne de l’humiliation pour les Palestiniens.

Il est difficile de rendre compte du caractère kafkaïen de la structuration des routes et des barrages à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. C’est une sorte de millefeuille qui vise à encercler les Palestiniens, à les asphyxier doucement mais sûrement. Le paysage urbain est marqué du sceau de la colonisation. Ce sont ces citernes d’eau qui surplombent les maisons car les Palestiniens n’ont accès à l’eau que deux heures par semaines environ. Ce sont ces maisons aux toits rouges, à l’architecture bien carrée, qui arrivent en masse en haut des collines pour installer les colons. La stratégie israélienne est bien celle de l’encerclement et du fait accompli. S’installer est une façon de s’approprier la terre, de pouvoir plus tard la revendiquer. En deux ans, la colonisation a cru de 61%. Le nombre de colons est passé de 300.000 à 600.000 à Jérusalem-Est et en Cisjordanie ! Le nombre de logements palestiniens détruits est de l’ordre de 3.000, avec des expulsions qui se font dans des conditions extrêmement violentes.

Face à cela, quelle stratégie pour les Palestiniens ? Alors qu’Israël bafoue le droit international, des accords d’Oslo de 1993 à l’application de nombreuses conventions relevant des Droits de l’Homme, en passant par une récente recommandation du tribunal de La Haye en faveur du démantèlement du Mur, quelle solution pour le peuple palestinien ? Mahmoud Abbas alias Abou Mazen avait joué la carte du dialogue, de la résolution du conflit par la négociation politique. S’il jette l’éponge aujourd’hui, c’est qu’il estime que cette stratégie a échoué. Un espoir était né avec l’arrivée d’Obama et son discours du Caire qui mettait le doigt sur un point essentiel : le gel de la colonisation comme préalable à la reprise du processus de paix. L’espoir est aujourd’hui déçu dans les faits, aucun résultat n’a été obtenu. C’est l’impasse. Le ministre des prisonniers de l’Autorité palestinienne nous l’a dit clairement : « Nous nous attendons à une troisième Intifada ».

Un peuple se meurt à petit feu avec la lâcheté ou la complicité des grands Etats de monde devant Israël. Je veux ce matin réveiller les forces de la société civile et les forces politiques conscientes du danger et de l’injustice. Nous devons interpeller nos gouvernants, l’Union Européenne. Car la pression et la sanction internationale sont aujourd’hui sans doute la seule voie d’avenir pur la paix dans cette région.

Clémentine Autain

Pour écouter le témoignage sur France Cultue, cliquez sur l’adresse ci-dessous.

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