Isaac Roubine et la théorie marxienne de la valeur

mercredi 16 décembre 2009.
 

Le texte ci-dessous constitue la préface d’un ouvrage récent très intéressant réédité par les Editions Syllepse : Essais sur la théorie de la valeur de Marx (d’Isaac Roubine).

Introduction

Durant les années 1920, écrit Jean-Marie Vincent dans Un autre Marx (2001), Isaak Roubine est le premier depuis la mort de Marx à donner « une formulation rigoureuse à la théorie (marxienne) de la valeur par opposition à la théorie de la valeur-travail communément accepté par les marxistes1 » ; notamment par son articulation avec la thématique du fétichisme de la marchandise. Alors qu’elle est pourtant exposée dans le chapitre 1 du livre 1 du Capital traitant de la valeur, elle est généralement présentée comme une simple « digression littéraire et culturelle qui accompagne ce texte fondamental », écrit l’économiste russe dans Essais sur la théorie de la valeur de Marx.

Il s’étonne également que la théorie marxienne du travail abstrait « ait si peu attiré l’attention de toute la littérature marxiste » alors qu’elle est pourtant décisive : pour Marx c’est le travail abstrait qui crée la valeur.

L’un des apports décisifs de Roubine est, justement d’avoir montré comment une conception naturaliste du travail abstrait est incompatible avec la théorie marxienne de la valeur, comme le souligne Tran Hai Hac dans Relire « Le Capital » (2003), un ouvrage remarquable qui fait le point sur les débats autour du Capital dans les années 1970-1980, tout en les mettant en perspective2.

Une conception naturaliste et/ou physiologiste du travail abstrait consiste à faire de ce dernier la simple expression d’une quantité d’énergie nerveuse et musculaire, permettant alors de la considérer comme du travail humain en général ; Marx a d’ailleurs des formules allant dans ce sens. Isaak Roubine traite des critiques faites au début du 20e siècle par Pierre Strouve dans une introduction à l’édition russe du Livre 1 du Capital. Mais dans les années 1970, la discussion était toujours d’actualité.

Ainsi, Claude Lefort reproche à Marx de céder à « une interprétation naturaliste du travail qui vicie sa description du travail social », tandis que Cornelius Castoriadis, dans un article argumenté et souvent cité, reproche à Marx, concernant l’analyse du travail, une alchimie qui transforme le social-historique en physiologie et vice versa3.

Or, expliquent Pierre Salama et Tran Hai Hac dans Introduction à l’économie de Marx (1992), toute la spécificité de l’analyse marxiste de la valeur réside dans un concept de travail abstrait qui désigne une qualité (une substance) non pas naturelle mais sociale dont l’homogénéité « ne provient pas de la nature mais de la société », selon une formule de Marx. Et c’est à travers cette approche que se joue la rupture opérée par Marx avec les présupposés de l’économie politique et le statut du Capital comme « critique de l’économie politique », selon son sous-titre4.

Ces quelques renvois bibliographiques veulent simplement souligner que la réédition des Essais sur la théorie de la valeur de Marx ne vise pas seulement à rendre à nouveau accessible en français un texte difficilement trouvable. Elle vise également – en tout cas c’est ainsi que je conçois cette préface – à réinscrire son histoire dans celle d’un courant critique du marxisme français qui s’est cristallisé dans les années 1970-1980, mais toujours contemporain, comme le montrent les dates des publications que j’ai citées. Et le renvoi aux reproches fait à Marx par Claude Lefort et Cornelius Castoriadis dans les années 1970 vise simplement à faire remarquer l’actualité de la première publication en français du livre d’Isaak Roubine5.

Les marxismes critiques des années 1920

On lira les éléments biographiques donnés par le traducteur sur cet économiste soviétique, proche collaborateur du célèbre marxologue David Riazanov, dont on perd la trace en 1937 dans les prisons staliniennes.

Le devenir du livre de Isaak Roubine illustre lui aussi ce que furent les effets du stalinisme. Non seulement, il ne fut plus réédité en URSS après 1928 (troisième édition), mais lui aussi disparaît, physiquement en quelque sorte. La première traduction américaine date seulement de 1972 et c’est elle qui sert de base à la traduction allemande et française.

Le livre de Roubine témoigne du développement très important des études marxistes en URSS dans les années 1920 et des efforts alors faits pour remettre en cause, en particulier par une relance du travail sur la théorie de la valeur et du fétichisme de la marchandise, le marxisme mécaniste et économiste dominant de la 2e Internationale et qui a tendance à se recristalliser dès cette époque dans la 3e Internationale. Ces recherches se traduisent notamment par La théorie générale du droit et le marxisme (1924) du juriste soviétique Eugen Pasukanis, qui entend compléter la théorie du fétichisme de la marchandise par celle du fétichisme juridique.

Cet auteur disparaîtra, lui aussi, dans les prisons staliniennes et son livre ne sera traduit en français qu’en 19706. Par ailleurs, dans Histoire et conscience de classe (1923), traduit en France seulement en 1960, Lukács7 réactive, à sa façon, la théorie du fétichisme. Avec Marxisme et philosophie (1923), Karl Korsch, publié en France en 1967, participe également de ce mouvement critique par rapport au marxisme légué par le 2e Internationale, même si c’est seulement un ouvrage plus tardif, Karl Marx (1938), publié en France en 1971, qui traitera systématiquement du fétichisme de la marchandise dans son lien à la théorie de la valeur8.

Les dates de publication en France ont leur importance car elles sont concomitantes d’une réactualisation du travail théorique sur Marx qui marquent les années 1960, 1970 et encore la première moitié des années 1980. Toutefois ces livres sont relativement marginalisés dans un climat où dominent des auteurs se situant, sous une forme ou une autre dans la lignée de Louis Althusser, dont la double caractéristique – il n’est pas d’ailleurs le seul – est d’évacuer non seulement la théorie du fétichisme, mais la théorie de la valeur ; une question sur laquelle je vais revenir.

Cela dit, ces livres développant un marxisme critique dans les années 1920 ont des problématiques différentes. Histoire et conscience de classe de Lukács, qui va nourrir toute une tradition critique, est le livre le plus flamboyant et fascinant, mais sa théorie de la réification est éloignée de la thématique du fétichisme de la marchandise. En fait Lukács s’intéresse peu aux problèmes de conceptualisation posés par la théorie marxienne de la valeur, dans ses différences avec la théorie de la valeur-travail de l’économie politique classique, notamment celle de Ricardo9.

Une théorie de la forme valeur

L’intérêt du livre de Roubine est de traiter frontalement ces problèmes. Naturellement, il ne s’agit pas de retrouver la véritable théorie marxienne qui aurait été masquée par de simples mauvaises lectures du Capital. D’ailleurs Marx, jusqu’à la fin, n’a cessé d’ajuster ou de corriger des formulations à ce propos. Il s’agit de proposer une certaine lecture de cette théorie. Je ne vais pas y revenir ici en détail et ne peux que renvoyer aux auteurs déjà cités ; notamment au « petit » livre de Pierre Salama et Tran Hai Hac, Introduction à l’économie de Marx, dont le premier chapitre expose avec pédagogie l’articulation des catégories marxiennes que suppose cette lecture. Au demeurant, les auteurs qui s’en réclament ont parfois des approches différentes sur certains sujets. Je voudrais simplement souligner quatre thèmes qui sont autant de ruptures avec la problématique de l’économie politique classique et, en quelque sorte, servent de point de départ à cette lecture.

La théorie de la valeur-travail de Ricardo se contente de poser que la valeur est produite par le travail. Le seul problème qu’elle cherche à résoudre est celui de la mesure, de la commensuralité des marchandises.

Pour Marx, cette théorie est mystificatrice car la valeur n’a rien à voir avec le travail humain en général, mais avec les rapports sociaux de production capitaliste. La marchandise n’est pas un produit du travail mais la forme des produits du travail. Et la question que pose Marx est : pourquoi la valeur comme forme sociale existe-t-elle ?

D’où la seconde problématique : la catégorie de forme sociale sur laquelle insiste particulièrement Roubine (et que Marx appelle souvent la « détermination formelle » d’un objet), de l’objet comme forme sociale.

Ce qui est visé est la fonction sociale de cet objet en tant qu’il cristallise certains rapports sociaux. Le point de départ de l’analyse n’est pas le produit du travail dans sa matérialité physique, mais dans son objectivité sociale. En fait, au sens strict, la théorie marxienne n’est pas une théorie de la valeur-travail, mais de la forme valeur des produits du travail et, plus généralement, de la forme valeur des relations sociales qui font que ces produits se transforment en marchandises.

La troisième question concerne les concepts marxiens mis en oeuvre pour analyser la marchandise. Marx ne distingue pas simplement, comme Ricardo, la valeur d’échange et la valeur d’usage. Pour lui – et il le dit luimême10 –, la marchandise a une double détermination : valeur d’usage et valeur. Comme valeur d’usage la marchandise à la propriété de satisfaire un besoin, comme valeur, elle a la propriété de s’échanger, dans des proportions déterminées (valeur d’échange), avec les autres marchandises.

À cette double détermination correspond une double distinction : travail concret, travail abstrait. Le premier concerne le travail qui produit la marchandise comme valeur d’usage (le travail comme activité technique de production), le second produit la marchandise en tant que valeur11. Le travail abstrait ne correspond donc pas, je l’ai déjà souligné, à une simple dépense d’énergie nerveuse, musculaire ou, comme le présenterons certains marxistes, une simple catégorie intellectuelle12. C’est une forme sociale objective, mais elle est propre au capitalisme. Une fois ce constat fait, des discussions vont se développer sur l’analyse du travail comme forme sociale.

Enfin – et c’est la quatrième question – l’exposé du fétichisme de la marchandise est considéré comme partie prenante de la formulation de la théorie de la valeur parce que, justement, il concerne la forme sociale des produits du travail. Le fétichisme de la marchandise tient au fait que l’on prenne pour une propriété naturelle (la marchandise a une valeur) ce qui n’est que l’expression de rapports sociaux ; on confond donc un objet avec sa fonction (forme) sociale. La forme prise par les produits du travail ne masque pas seulement les rapports sociaux, explique Roubine mais le mouvement de ces « choses sociales » structure les rapports entre les individus. Et, à juste titre, il souligne que « le fétichisme n’est pas seulement un phénomène de la conscience, c’est aussi un phénomène de l’être social » ; c’est-à-dire qui tient à une forme spécifique d’objectivité sociale.

Une double discussion

Revenons aux conditions de discussions sur la théorie de la valeur en France dans les années 1960-1970. Au risque d’être schématique, on peut distinguer deux aspects. Le premier est directement marqué par la place prise par Louis Althusser et les auteurs qu’il influence, de manière directe ou indirecte. Dans la première édition (1965) du premier tome de Lire le Capital, on trouve un texte de Jacques Rancière13 qui ne manque pas d’intérêt dans la façon dont il montre comment la théorie du fétichisme de la marchandise et la thématique du Capital comme « critique de l’économie politique » n’est pas une simple reprise de la théorie de l’aliénation des textes de jeunesse, notamment des Manuscrits de 1844.

Outre que ce texte ne sera pas reproduit dans la seconde édition (1968), les « althussériens » ne poursuivrons pas dans ce sens et, par exemple, Étienne Balibar – du moins dans cette période – réduit le fétichisme à une simple réapparition de la thématique de l’aliénation que, par ailleurs, il récuse. Plus généralement, il n’existe pas de réflexion spécifique sur la théorie marxienne de la valeur qui, de fait, est évacuée. Cette approche se retrouve également chez des auteurs qui ont pris une certaine distance avec Louis Althusser, tel Nikos Poulantzas.

Quant à Louis Althusser, il écrit en 1969, un long « avertissement » à une édition en livre de poche du livre 1 du Capital qui va donner lieu à d’importants débats14. En effet, dans ce texte, il considère le point de départ de l’analyse de Marx (la marchandise comme forme sociale) comme une concession à l’hégélianisme et explique que la théorie de la valeur travail de Marx n’est intelligible que comme un cas particulier d’une théorie que Marx et Engels auraient appelée « la loi de la valeur », ou loi de répartition de la quantité de force de travail disponible selon les diverses branches.

Ernest Mandel porte une double critique15. Tout d’abord, prendre comme point de départ l’analyse de la marchandise n’est pas arbitraire, c’est, au contraire, prendre comme point de départ la forme sociale élémentaire du système de production capitaliste et, d’autre part, Marx n’a jamais parlé d’une loi de la valeur comme loi transhistorique. Il s’agit d’une loi liée au système capitaliste qui est caractérisé par la production généralisée de marchandises. Cette double critique porte juste et, d’ailleurs, les auteurs influencés par Althusser vont avoir tendance à « oublier » que la généralisation des rapports marchands est une des caractéristiques fondamentale du capitalisme.

Économiste de renommée mondiale et dirigeant de la 4e Internationale, Ernest Mandel publie dès 1962 un Traité d’économie marxiste qui non seulement frappe par son ouverture et sa rupture avec la logomachie des manuels d’économie de tradition stalinienne, mais qui présente l’économie politique comme une science historiquement située16. Elle est née avec le développement des rapports marchands, dont elle vise à analyser l’opacité spécifique, et elle disparaîtra comme science particulière dans une société débarrassée de la loi de la valeur. Dans les années 1920, c’est une position développée, entre autres, par Rosa Luxembourg (ou Nicolas Boukharine), mais qu’on ne trouve pas chez Lénine ni chez Trotsky. Ernest Mandel préfacera une réédition de l’ouvrage de Rosa Luxemburg, Introduction à l’économie politique17. Par ailleurs, en 1964, il publie une Initiation à la théorie économique marxiste (plusieurs fois rééditée) et, en 1967, La formation de la pensée économique de Karl Marx18.

Si l’on met à part le cas un peu particulier de Lucien Goldmann19, Ernest Mandel est en France la seule figure marxiste à défendre alors une telle approche de l’économie politique. C’est Staline qui, le premier, avait affirmé que la loi de la valeur fonctionnait dans l’économie soviétique et, par ailleurs, des économistes réformateurs des pays de l’Est, dont Oskar Lange, se situaient alors dans une problématique similaire.

Outre ces enjeux plus directement politiques, la référence à cette approche était un moyen de récuser l’érection du marxisme en science générale de l’histoire des sociétés et du devenir historique que l’on retrouvait chez Althusser (et de façon différente chez Mandel).

Cela dit, Ernest Mandel ne traite aucun des problèmes que j’ai souligné plus haut20. Dans son analyse de la marchandise, il s’en tient à une simple distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange, la question du travail abstrait n’est pas traitée, ni non plus la question du fétichisme de la marchandise. D’une part, Ernest Mandel expose de façon classique la théorie de la valeur-travail, en expliquant que Marx s’est simplement contenté d’améliorer sa scientificité ; la seule rupture qu’opérerait Marx serait, en quelque sorte, de simplement historiciser les catégories. D’autre part, et sans lien aucun avec son exposé de la théorie de la valeur-travail, il présente ce qui serait une théorie marxiste de l’aliénation dont on trouve l’origine dans les Manuscrits de 1844 et qui, par la suite, aurait pris un aspect sociologique.

La question du travail abstrait

Cette approche consistant à exposer de façon classique une théorie marxienne de la valeur travail, très marquée par celle de Ricardo, puis, pour éviter tout « économisme », à injecter, une dimension critique en faisant appel à une sociologie de l’aliénation issue des Manuscrits de 1844, est présente chez d’autres marxistes « non orthodoxes » de l’époque, tel Henri Lefebvre. En fait, la théorie du fétichisme de la marchandise, dans son lien avec la théorie de la valeur, est évacuée des discussions car l’on en fait une simple poursuite de celle de l’aliénation, soit pour approuver cette dernière, soit pour la refuser (Althusser). Plus généralement, la référence à la catégorie marxienne de travail abstrait est tout simplement absente chez les grandes figures du marxisme non orthodoxe, du moins en France : Henri Lefebvre, François Chatelet, Pierre Naville, Lucien Goldmann…

La question n’est pas celle du mot travail abstrait, mais ce que cette absence révèle. D’une part, cette absence de traitement débouche, quasi inévitablement sur la non prise en compte du fétichisme comme élément de la théorie de la valeur. D’autre part, elle traduit un problème méthodologique plus vaste : la difficulté de traiter de l’objectivité du social à la façon dont le fait Marx. On reste en fait enfermé dans l’horizon d’un matérialisme « classique » qui se contente de distinguer matérialité physique d’un objet et catégorie idéelle. On peut à la limite accepter que le travail abstrait renvoie à la dépense d’une certaine quantité de muscle, de nerf, ou qu’il soit une simple catégorie idéelle, mais on a du mal à comprendre qu’il ait une objectivité sociale, mais historiquement déterminée.

En Italie, il en va un peu différemment, avec le philosophe Lucio Colleti, une des figures centrales du marxisme et, par ailleurs, militant critique du Parti communiste italien. Comme l’écrit Jean-Pierre Potier, la théorie marxienne de la valeur n’avait pas été traitée sous cet angle depuis Essais sur la théorie de la valeur de Marx de Roubine et Karl Marx de Karl Korsch21. Dans un livre datant de 1969 et publié en français en 1974, Lucio Colletti s’efforce de montrer que la théorie du fétichisme est partie prenante de la théorie marxienne de la valeur et souligne que Marx met l’accent sur la valeur, plus que sur la valeur d’échange comme Ricardo. Puis il traite du travail abstrait, en annonçant « avec une certaine emphase » – comme il le dit lui-même, que ni Kautsky, ni Hilferding, ni Rosa Luxemburg, ni Lénine, « ni tous les autres n’ont jamais affronté réellement ce qui est le “noeud” de toute la théorie de la valeur22 ».

N’ayant manifestement pas connaissance (et pour cause…) du livre de Roubine, il explique que le marxiste américain Paul Sweezy, qui pourtant est allé le plus loin dans la réflexion sur cette notion, s’est contenté de faire du travail abstrait une simple catégorie idéelle, une simple « généralisation mentale ». Mais alors, on voit mal comment ce travail pourrait produire la valeur qui, elle, a une objectivité sociale ; ou alors il faut expliquer que la valeur est elle aussi simplement « une idée ». Lucio Colletti va chercher cette objectivité dans le processus d’objectivation/aliénation que connaît la force de travail sous le capitalisme. Il souligne le lien entre Le Capital et la thématique des oeuvres de jeunesse, mais c’est seulement dans des textes plus tardifs, Le marxisme et Hegel 23 (1971), qu’il fera référence aux Manuscrits de 1844.

Lucio Colletti cherche à établir de façon beaucoup plus rigoureuse que la plupart de ceux qui font référence à l’aliénation des textes de jeunesse le lien entre ces derniers et Le Capital en expliquant que le concept de rapports de production trouve ses premières formulations dans les Manuscrits de 1844, sous la forme du concept d’homme comme être naturel générique. Ce faisant, d’ailleurs, il ne renvoie pas tant à une sociologie de l’aliénation, qu’à une ontologie du social. Cette approche ne me semble pas adéquate24. Sans la discuter en détail, je fais simplement remarquer au passage que dans son livre, Roubine distingue très nettement la théorie de l’aliénation du jeune Marx (il renvoie à La Sainte famille car les Manuscrits de 1844 ne sont pas encore publiés) et celle du fétichisme.

L’important ici est la façon dont un marxiste de l’envergure de Lucio Colletti se confronte au problème et remet à jour une problématique « oubliée ». En Allemagne, cette problématique va réapparaître chez des étudiants qui lisent Marx à travers l’enseignement de l’Institut de Francfort, animé par Max Horkheimer et Theodor Adorno, malgré leur prise de distance (et l’hostilité en ce qui concerne Adorno) par rapport au mouvement étudiant des années 1967-1968. Cette « redécouverte » du marxisme comme critique de l’économie politique passe notamment par la revue du SDS (étudiant socialiste du SPD), Neue Kritik 25.

Critiques de l’économie politique

En France, compte tenu de la configuration du paysage, décrite plus haut, la thématique de la critique de l’économie politique (et le travail sur l’articulation entre théorie de la valeur, théorie du fétichisme et travail abstrait) n’apparaîtra que plus tard à travers un double mouvement.

D’une part, une élaboration s’organise dans le cadre de la revue trimestrielle Critiques de l’économie politique dont le premier numéro sort à la fin des années 1970. Publiée chez François Maspero, animée notamment par Pierre Salama et Jaques Vallier, deux « jeunes » économistes issus de Mai 68, elle est dans un premier temps directement liée à la Ligue communiste révolutionnaire. Puis en 1977, elle s’élargit (Bruno Théret, Raymond Tortajada…). Le livre de Roubine, comme d’ailleurs en 1976 le premier volume de celui de Roman Rosdolsky La genèse du « Capital » chez Karl Marx, est publié dans la collection qu’anime cette revue aux éditions Maspero.

D’autre part, Jean-Marie Vincent, dès son premier livre, Fétichisme et société (1973) s’efforce de briser le jeu de miroir entre les « althussériens  » et les partisans de la thématique de l’aliénation du jeune Marx, par une réflexion sur la théorie marxienne du fétichisme dans son lien à la théorie de la valeur. Il fait d’ailleurs référence à l’élaboration de Lucio Colletti. En 1976, dans La théorie critique de l’école de Francfort, il poursuit son travail de lecture du marxisme comme « critique de l’économie politique26 » et participe à Critiques de l’économie politique depuis 1974. La revue va, entre autres, faire référence aux débats allemands signalés plus haut. Ainsi, elle publie notamment dans son numéro 18 (fin 1974), « Dialectique de la forme valeur » de Hans Georg Backhaus qui date de 1969. Jean-Marie Vincent faisait référence à sa version allemande dans Fétichisme et société. Je ne vais pas entrer dans le détail des débats et évolution, mais prendre un exemple significatif.

En 1973, Pierre Salama et Jacques Valier publient Une introduction à l’économie politique27 qui a d’ailleurs une diffusion importante (plus de 60 000 exemplaires). La question de la réduction des travaux concrets au travail abstrait, comme source de la valeur, est clairement posée. Mais les auteurs prennent alors comme exemple l’organisation du procès de production capitaliste dans l’entreprise où des standards de temps permettent de déterminer un temps moyen qui, toutefois, est abstrait par rapport au travail concret de chaque producteur.

Reste qu’il est problématique de raisonner ainsi. Marx est explicite : c’est à travers l’échange marchand que les différents produits du travail s’égalisent et donc égalisent (rendent homogènes) les différents travaux.

En effet, le mode de production capitaliste considère que la production est réalisée par des producteurs autonomes qui entrent seulement en contact part le biais du marché. Ainsi les différents travaux privés deviennent ce que Marx appelle du travail social, c’est-à-dire du travail socialement reconnu, au sens où il est nécessaire à la reproduction de la société

Et, justement, dans le capitalisme, le travail social se détermine sous une forme spécifique : la valeur.

En 1975, Pierre Salama publie Sur la valeur, élément pour une critique et, en 1982, Jacques Valier fait paraître Une critique de l’économie politique (et non plus Une introduction à l’économie politique…) qui vont dans ce sens28. Dès Fétichisme et société, Jean-Marie Vincent fait référence au travail abstrait comme forme sociale objective, mais c’est en 1977 qu’il systématise sa position dans « La domination du travail abstrait », publié par Critiques de l’économie politique (nouvelle série29).

Des discussions vont d’ailleurs apparaître sur la détermination de la catégorie du travail abstrait. Je vais y revenir, mais avant, je voudrais faire un a parte sur la réception de cette problématique de la forme valeur dans le paysage marxiste français.

Les « oublis » du Dictionnaire critique du marxisme

J’ai déjà signalé comment cette problématique était absente de l’horizon des principaux courants se référant au marxisme. Force est de constater qu’un certain verrouillage continue à fonctionner ; ainsi dans le Dictionnaire critique du marxisme (1982) dirigée par Georges Labica et dont les auteurs sont plutôt liés – mais de façon critique – au PCF et qui, par ailleurs, contient des articles intéressants30. Toutefois, aucun des auteurs cités plus haut ne se retrouve parmi les contributeurs. Surtout, la façon dont la thématique du travail abstrait et du fétichisme est occultée témoigne bien de l’horizon dominant du marxisme « universitaire » qui s’est cristallisé dans l’après Mai 68.

L’article « Fétichisme », très court, de Georges Labica, conclut qu’il n’est pas possible de réduire le fétichisme à une problématique de l’aliénation/ réification, comme l’a fait une certaine tradition marxiste, sans plus d’explications. Par contre l’article « Réification », plus long, du même auteur discute de façon critique les thèmes de Lukács (effectivement discutables) repris par Lucien Goldmann. Par ailleurs, Jacques Bidet dans les articles « Valeur » et « Travail » fait simplement allusion au fétichisme et ne traite pas du statut du travail abstrait et des débats qui ont eu lieu à son propos ; la catégorie est simplement signalée.

Double résultat : non seulement un élément clé du Capital (articulation forme valeur/fétichisme/travail abstrait) n’est pas traité dans ce dic tionnaire, mais en pratique l’identification est faite, au moins en ce qui concerne la tradition marxiste, entre la thématique du fétichisme et celle de la réification.

La question du travail abstrait va être toutefois partiellement traitée dans les années qui suivent. Ainsi, en 1985, avec Que faire du Capital ?, Jacques Bidet amorce un travail de relecture de Marx qui se poursuit dans Théorie générale (1999) où l’auteur s’engage, selon ses propres termes, dans une problématique de « reconstruction » du Capital 31. Il développe une théorie de la valeur travail à forte tonalité anthropologique et reprend la catégorie de travail abstrait pour en faire une catégorie transhistorique et non propre au capitalisme. En 1986, Ernest Mandel parle du travail abstrait, mais c’est pour également en faire une catégorie transhistorique, il existerait dans toutes les sociétés un « stock de travail abstrait » dont on ne voit pas très bien la nature32. Les discussions continuent dans la nouvelle formule de Critiques de l’économie politique 33.

Ici, je vais poursuivre avec les auteurs cités qui, dans la lignée de Roubine, font du travail abstrait une catégorie dotée d’une objectivité sociale, historiquement déterminée (donc non réductible à une catégorie idéelle). Ces auteurs vont lui donner un contenu différent34.

Débats autour du travail abstrait

Dans son article de 1977, Jean-Marie Vincent déconstruit – de façon très pertinente – la catégorie du travail comme modèle d’activité téléologiquement orientée (dialectique du sujet qui s’objective dans son travail et le produit de son travail…) très présente chez Hegel et que l’on retrouve chez le jeune Marx. Dans ce cadre – et en opposition à une vision « artisanale » de l’exploitation capitaliste du travail – Jean-Marie Vincent développe une notion extensive du travail abstrait comme « abstraction réelle », en ne renvoyant pas seulement à l’égalisation des divers travaux, via l’échange généralisé des marchandises, mais à l’ensemble des procédures sociales de domination du capital sur le travail, dans et hors l’entreprise.

Il va poursuivre dans ce sens en se servant systématiquement de la catégorie de subsomption réelle du travail par le capital. Chez Marx – pour le dire vite –, elle désigne les mécanismes de domination du capital sur la production/reproduction de la force de travail dans le cadre d’un système capitaliste où le capital s’est emparé de la production pour la remodeler.

En 1982, dans Une critique de l’économie politique, Jacques Valier centre, lui, son analyse sur l’échange par le marché qui permet d’égaliser les divers travaux. Dans Introduction à l’économie de Marx, Pierre Salama et Tran Hai Hac (comme Tran Hai Hac dans Relire « Le Capital ») systématisent ce type d’approche. Ils distinguent la valeur comme forme spécifique sous laquelle se détermine le travail social dans la société marchande et le travail abstrait dont le mode d’existence est la monnaie puisque c’est par l’équivalent général que s’égalisent les travaux.

Pour plus de détail, je ne peux que renvoyer aux textes des différents auteurs. Je dirai simplement que mon approche du travail abstrait, d’abord marqué par l’approche de Jean-Marie Vincent, a évolué35.

Deux dimensions me semblent nécessaires à l’analyse. Les mécanismes de domination dans le cadre de la subsomption réelle du travail par le capital se traduisent bien par des processus de domination de formes sociales abstraites qui captent l’agir humain et le modèle aux besoins du procès de valorisation. C’est une approche qui me semble toujours pertinente pour rendre compte de la spécificité des formes de domination capitaliste et qui, plus concrètement, est fonctionnelle dans la problématisation d’une sociologie du travail36. Toutefois, ici, du point de vue des catégories marxienne, on est toujours dans le domaine du travail concret.

Par contre, la catégorie de travail abstrait – du moins si on se réclame de la théorie marxienne de la forme valeur – devrait être conservée comme catégorie spécifique permettant de traiter de l’égalisation des différents travaux à travers le procès d’échange.

Quoi qu’il en soit, au début des années 1990, lorsque se réactive un intérêt pour le « marxisme », les auteurs qui se réclament de théorie marxienne de la forme valeur occupent sans nul doute un espace plus important que dans les années 197037. Jacques Bidet, d’ailleurs, souligne la place d’auteurs comme Jean-Marie Vincent, Pierre Salama et Tran Hai Hac en essayant d’engager une discussion avec ce courant qu’il qualifie de « francfortois38 ». Pour lui, ces auteurs ne mettent pas l’accent sur les mécanismes d’exploitation proprement capitalistes, mais sur les formes de domination des rapports marchands qui sont en quelque sorte périphériques à cette exploitation et sont portées par les mouvements sociaux hors de l’entreprise.

L’argumentation ne me semble pas recevable. Il est vrai que la théorie de la valeur-travail de Jacques Bidet passe par un discours anthropologique sur le travail ; même si l’auteur, par ailleurs, affirme que cela n’est pas synonyme d’une valorisation du travail comme activité humaine.

Par contre systématiser la théorie marxienne de la valeur comme théorie de la forme valeur (et non comme un simplement prolongement de la théorie valeur de Ricardo) suppose de rompre avec tous les discours anthropologiques sur le travail qui ont fortement marqué la théorie marxiste. Cela me semble décisif. Reste que ce qui est en question est bien une analyse de l’exploitation capitaliste et en premier lieu au sein du procès de travail (despotisme d’usine), même si elle s’élargit aux conditions de production/ reproduction de la force de travail hors entreprise.

Par ailleurs, s’il est vrai que Jean-Marie Vincent s’est sans cesse confronté à l’École de Francfort, ce n’est pas le cas de Pierre Salama et Tran Hai Hac ou d’autres. En fait, un des points communs à ces auteurs (et à d’autres) est la référence à Roubine. Encore faut-il ne pas « oublier » ce livre rarement recensé. Jacques Bidet ne le cite pas dans ses copieuses bibliographies. Et s’il renvoie à Pasukanis, Étienne Balibar ne recense pas Roubine lorsque, dans La philosophie de Marx (1993), il traite du fétichisme de la marchandise.

Ce que sont les « choses sociales »

Toutefois – et c’est l’important – dans ce livre, Étienne Balibar rend pour la première fois compte de la problématique du fétichisme de la marchandise, souligne la rupture qu’elle introduit dans la tradition de la philosophie classique, tout en faisant apparaître sa différence avec la théorie de la réification du Lukács d’Histoire et conscience de classe.

Le mécanisme du fétichisme, explique l’auteur, entend rendre compte de la constitution d’un monde social spécifique, celui structuré par la généralisation des rapports d’échange. Mais cette constitution « ne procède de l’activité d’aucun sujet, en tout cas d’aucun sujet qui soit pensable sur le modèle de la conscience ». Le seul sujet dont parle Marx est un « non-sujet », la société comme « complexe d’activités qui produit des représentations sociales d’objets, en même temps qu’il produit des objets représentables ». C’est bien là effectivement le statut de la marchandise, de l’argent, du capital comme « choses sociales ». Plus, ajoute l’auteur, non seulement, cette objectivité sociale n’est pas le produit d’un sujet, mais elle produit « une forme de subjectivité historique déterminée comme partie (et contrepartie) du monde social de l’objectivité39 ».

Comme l’indique Étienne Balibar, cette dernière dimension a été traitée par Pasukanis lorsqu’il a fait du sujet du droit moderne « une forme de subjectivité historique déterminée » portée par les rapports marchands.

Mais il suffit de lire les deux premiers chapitres du livre de Roubine pour s’apercevoir qu’il entend, lui, rendre compte de cette forme spécifique de l’objectivité sociale que Marx analyse dans Le Capital. Par exemple : « C’est quand il traite des catégories “valeur”, “monnaie” et “capital” que Marx explique avec le plus de détails sa conception des catégories économiques comme expression des rapports de production entre les hommes.  » (p. 71) Il ne faut pas trop s’arrêter à la formule « expression » que Marx lui aussi emploie. En effet si – comme Marx le répète souvent et, à sa suite, Roubine –, la marchandise comme chose sociale est une chose « sensible suprasensible », alors les catégories idéelles qui l’accompagnent ne sont pas une simple « expression », mais une dimension constitutive de son objectivité.

Cette exposition des enjeux de la thématique marxienne du fétichisme de la marchandise par Étienne Balibar a naturellement une dimension symbolique par rapport à toute l’histoire des courants marxistes qui se sont cristallisés dans l’après 68. Mais également dans la façon dont elle permet de mettre en perspective une certaine lecture de Marx qui se cristallise autour de la question du fétichisme40.

Je terminerais cet avant-propos en ajoutant que, durant la décennie passée la question du fétichisme de la marchandise, de son lien avec la théorie de la valeur et le statut du Capital comme « critique de l’économie politique » a été effectivement largement présente dans les lectures de Marx. Ces lectures ne sont pas de simples poursuites de celles des années 1970-1980. On peut toutefois estimer que, parfois, une référence plus systématique à Roubine aurait permis des formes plus nettes de conceptualisation.

D’où l’intérêt de rendre à nouveau disponible ce livre majeur qu’est Essais sur la théorie de la valeur de Marx.

Antoine Artous

NOTES

1. Jean-Marie Vincent, Un autre Marx Après les marxismes, Lausanne, Page 2, 2001 p. 20.

2. Tran Hai Hac, Relire « Le Capital ». Marx, critique de l’économie politique et objet de la critique de l’économie politique, Lausanne, Page 2, 2003, t. 1, p. 27 et suiv.

3. Claude Lefort, Les formes de l’histoire, Paris, Gallimard, 1978, p. 62. Cornelius Castoriadis, « Valeur, égalité, justice, politique : de Marx à Aristote et d’Aristote à nous », Textures, n° 12-13, 1975. Repris dans Les carrefours du labyrinthe, Paris, Le Seuil, 1978 et 1999.

4. Pierre Salama et Tran Hai Hac, Introduction à l’économie de Marx, Paris, La Découverte, 1992, p. 9 et 5.

5. Il faudrait également montrer en détail comment la lecture de Marx réalisée par des « non marxistes  » est souvent très marquée par une certaine vulgate marxiste sans, en fait, de réel travail sur les textes de Marx. Par exemples, dans Les mots et les choses (Paris, Gallimard, 1966), Michel Foucault situe Marx dans le strict prolongement de la problématique ricardienne du travail. Il n’examine d’ailleurs pas les textes du premier et se contente de dire que les débats entre Marx et l’économie classique « ne sont tempêtes qu’au bassin des enfants » (p. 275). La formule de Foucault est sans doute volontairement provocatrice, mais elle témoigne également d’une profonde méconnaissance de toute une tradition critique marxiste et, tout simplement des textes de la période du Capital.

6. Evgueny Pasukanis, La théorie générale du droit et le marxisme, présentation par Jean-Marie Vincent, Paris, EDI, 1970.

7. Georg Lukács, Histoire et conscience de classe, Paris, Minuit, 1960.

8. Karl Korsch, Marxisme et philosophie, Paris, Minuit, 1964, et Karl Marx, Paris, Champ libre, 1971.

9. Pour une discussion de la théorie de la réification de Lukács et, plus généralement, sur la question du fétichisme, je renvoie à mon livre, Le fétichisme chez Marx Le marxisme comme théorie critique, Paris, Syllepse, 2006.

10. Karl Marx, « Notes critiques sur le Traité d’économie politique d’Adolph Wagner », 1880, OEuvres, Paris, La Pléiade, t. 2, p. 1531.

11. Le travail concret n’est donc pas, comme on le lit parfois sur la base de commentaires de textes de jeunesse de Marx, un travail humain, créatif, etc. s’opposant au travail capitaliste (abstrait). Le travail concret, comme travail particulier d’un producteur, s’organise sous la férule du despotisme d’usine.

12. Cela dit, il existe une discussion spécifique sur les rapports entre l’avènement de la catégorie de travail, comme catégorie générale, et le développement historique. Voir mes échanges à ce propos avec Tran Hai Hac dans Variations, printemps 2005 : Antoine Artous, « Travail abstrait et “travail en général” » ; Tran Hai Hac, « L’introduction de 1857, travail abstrait et “travail en général” » ; Antoine Artous, « Quelques remarques sur le texte de Tran Hai Hac ». Textes repris dans http://semimarx.free.fr.

13. Jacques Rancière, « Le concept de critique et la critique de l’économie politique des Manuscrits de 1844 au Capital », in Louis Althusser, Jacques Rancière, Pierre Macherey, Lire Le Capital, t. 1, Paris, François Maspero, 1965.

14. Louis Althusser, « Avertissement », Le Capital, livre 1, Paris, Garnier-Flammarion, 1969.

15. Ernest Mandel, « Althusser corrige Marx », Quatrième Internationale, n° 41, janvier 1970, reproduit dans Contre Althusser (collectif), Paris, La Passion, 1999 [1975].

16. Ernest Mandel, Traité d’économie marxiste, 2 tomes, Paris, Julliard, 1962, rééd. 10-18, 1969, 4 tomes.

17. Ernest Mandel, « Préface » à Rosa Luxemburg, Introduction à l’économie politique, Paris, Anthropos, 1970.

18. Ernest Mandel, Initiation à la théorie économique marxiste, Les Cahiers du Centre d’études socialistes, Paris, EDI, 1964 ; La formation de la pensée économique de Karl Marx, Paris, François Maspero, 1967.

19. Lucien Goldmann, « Économie et sociologie : à propos du Traité d’économie politique d’Oscar Lange », Marxisme et sciences humaines, Paris, Gallimard, 1970.

20. Un autre aspect, que je ne vais pas traiter ici, est l’historicisme qu’Ernest Mandel développe, comme Rosa Luxemburg, dans l’analyse de la valeur. Cette dernière apparaît alors comme une forme embryonnaire présente dans les sociétés précapitalistes et qui se développe pleinement avec la société capitaliste. Dans ses critiques de Ricardo, Marx s’oppose explicitement à cette approche. Plus généralement, « l’ordre logique prime sur l’ordre historique », pour reprendre une formule de Daniel Bensaïd dans Marx L’intempestif, Paris, Fayard, 1995, p. 40 ; le point de départ est l’analyse de la valeur dans le cadre du mode de production capitaliste.

21. Jean-Pierre Potier, Lectures italiennes de Marx 1883-1983, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1986, p. 326.

22. Lucio Colletti, De Rousseau à Lénine, Paris, Gordon & Breach, 1974, p. 138 et suiv.

23. Lucio Colletti, Le marxisme et Hegel, Paris, Champ libre, 1976.

24. Dans Relire « Le Capital » (op. cit., t. 1, p. 38-44), Tran Hai Hac discute en détail l’analyse de Lucio Colletti.

25. Jean-Marie Vincent, Un autre Marx, op. cit., p. 25-26.

26. Jean-Marie Vincent, Fétichisme et société, Paris, Anthropos, 1973 ; La théorie critique de l’Ecole de Francfort, Paris, Galilée, 1976.

27. Pierre Salama & Jacques Valier, Une introduction à l’économie politique, Paris, François Maspero, 1973.

28. Pierre Salama, Sur la valeur, élément pour une critique, Paris, François Maspero, 1975 ; Jacques Valier, Une critique de l’économie politique, 2 tomes, Paris, François Maspero 1982.

29. Jean-Marie Vincent, « La domination du travail abstrait », Critiques de l’économie politique, n° 1, nouvelle série, octobre-décembre 1977.

30. Gérard Bensussan et Georges Labica (dir.), Dictionnaire critique du marxisme, Paris, PUF, 1982.

31. Jacques Bidet, Que faire du capital ?, Paris, PUF, 2000 [1985] ; Théorie générale, Paris, PUF, 1999.

32. Ernest Mandel, La place de la théorie marxiste dans l’histoire, Institut international de recherche et de formation, juillet 1986.

33. Ruy Fausto, « Abstraction réelle et contradiction : sur le travail abstrait et la valeur », Critiques de l’économie politique, nouvelle série, n° 2, janvier-mars 1978 et n° 3, avril-juin 1978.

34. Je ne traite pas d’une thématique du travail abstrait qui passe par Lukács puis la problématique de la « rationalité instrumentale » de l’École de Francfort et un renvoi aux Manuscrits de 1844 du jeune Marx pour faire du travail abstrait l’effet de l’application de la science au procès de production. On la retrouve en France chez André Gorz ; voir, par exemple, Françoise Gollain, qui se réclame de ce dernier, Une critique du travail. Entre écologie et socialisme, La Découverte, 2000. Sur ces questions je renvoie à mon livre, Travail et émancipation sociale, Marx et le travail, Paris, Syllepse, 2003.

35. Pour une discussion de la thématique des « abstractions réelles » chez Jean-Marie Vincent, voir mon livre, Le fétichisme chez Marx, op. cit., p. 75-77.

36. Voir, par exemple, Stephen Bouquin, « Avant propos », in Stephen Bouquin (coord.), Résistances au travail, Paris, Syllepse, 2008.

37. Ce qui n’empêche pas certaines réserves ou critiques sur l’insistance mise sur la forme de la valeur au détriment de la mesure. Voir, par exemple, l’intervention de Michel Husson, « Forme et mesure de la valeur » (http://hussonet.free.fr/mhvincen.pdf) lors du colloque sur Jean-Marie Vincent en 2005.

38. Jacques Bidet, « Le travail fait époque », in Jacques Bidet et Jacques Texier (dir.), La crise du travail, Paris, PUF, 1995 ; Explication et reconstruction du Capital, Paris, PUF, 2004.

39. Étienne Balibar, La philosophie de Marx, Paris, La Découverte, 1993, p. 65-66.

40. Voir à ce propos la longue discussion que j’ai organisée dans Critique communiste (n° 140, hiver 1994) entre Étienne Balibar et Jean-Marie Vincent dans laquelle le premier indique son évolution sur la question du fétichisme et que, d’une certaine façon, il a rejoint l’approche de Jean-Marie Vincent.


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