Lame de fond gréviste dans les musées nationaux

lundi 7 décembre 2009.
 

Le Centre d’art moderne Pompidou en est à son dixième jour de grève. Hier, des assemblées générales se sont déroulées dans de nombreux établissements publics culturels. Le début d’un mouvement profond contre la RGPP.

Ils étaient près de 200 agents hier matin à voter la reconduction de la grève qui, depuis le 23 novembre, paralyse le Centre Pompidou. Depuis hier matin, les agents de Beaubourg ne sont plus seuls. L’assemblée générale qui s’est déroulée sous la Pyramide du Louvre a voté la grève. Orsay. Puis Versailles. Ou encore le musée Rodin, le musée Gustave-Moreau à Paris, le musée du château de Pau et le musée Picasso de Vallauris. Et enfin la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Côté monuments nationaux, la Conciergerie  ? Fermée. Les tours de Notre-Dame  ? Fermées. Les remparts de Carcassonne, ceux d’Aigues-Mortes  ? Sous clés. Et l’Arc de Triomphe  ? Fermé lui aussi.

Partout, on dénonce les effets néfastes de la RGPP dont les conséquences concrètes vont se ressentir au 1er janvier 2010. Mais aussi les gels et les coupes budgétaires qui entravent le bon fonctionnement de ces établissements publics. Selon la CGT culture, le nombre total des suppressions d’emplois s’élèverait, d’ici à 2011, à 670  : 415 sur le budget de l’État, 255 sur les budgets des établissements publics. Démonstration à l’appui, ces chiffres inquiètent vivement les personnels qui se sentent trahis par les promesses de Gascon du ministère, qui assurait, il y a peu encore, que jamais, au grand jamais, ils ne toucheraient les établissements publics. Alexandra Kardianou, ingénieur d’études au département des antiquités grecques et étrusques du Louvre, par ailleurs responsable CGT, dénonce « la course aux agents pour ouvrir les salles, les salles fermées par rotation », alors que, dans un même mouvement, « le musée s’apprête à ouvrir le département de l’islam et accueillir entre 14 et 18 expositions temporaires ». Elle constate amèrement que « le Louvre n’est pas intouchable. Mais le Louvre en grève, ça se voit ».

Les directions des établissements grévistes le savent bien, qui se sont empressées de recourir à des agents non grévistes et du personnel extérieur pour rouvrir après les AG le Louvre et Versailles. Tout faire pour que ce mouvement reste invisible. Quant au ministre de la Culture, confronté à son premier mouvement social d’envergure, il a reçu hier une délégation de l’intersyndicale. Et lui a tenu des propos « consternants, contradictoires » selon l’un des membres de cette délégation. Entre « le devoir de solidarité gouvernementale » et « l’écoute » qu’il consent au mouvement, Frédéric Mitterrand doit louvoyer entre la brutalité d’une politique qu’il cautionne et une fronde sévère jusque dans l’enceinte même de son ministère. Les personnels ne sont plus dupes. Dégradation des conditions de travail, pressions permanentes, politique contrainte par une marge de manœuvre chaque jour plus réduite, politiques du mécénat totalement aléatoire, surtout par temps de crise, perte du sens de leur travail, tous les clignotants sont au rouge.

L’application rigide de la RGPP fera des dégâts considérables dans la fonction publique. La culture, jusqu’ici épargnée, va souffrir de cette règle arbitraire. Cela est d’autant plus incompréhensible que les économies réelles ne représentent que 0,4 %. Ce que d’aucuns dénoncent comme une posture « dogmatique, idéologique », même s’ils réfutent d’être opposés à leurs collègues de l’Éducation ou de la Santé. Derrière cette logique de bradage de l’emploi et de détricotage des établissements publics culturels se profile une privatisation qui ne dit pas son nom. Le recours systématique à l’externalisation est un signe inquiétant. Elle accroît la crainte d’un démantèlement progressif et accéléré du ministère de la Culture. Crainte d’autant plus justifiée qu’un article prévoirait le transfert des monuments nationaux aux collectivités locales. « On sait que les coûts d’entretien de ces bâtiments sont énormes. Le jour où les collectivités locales n’y arriveront plus, que feront-elles  ? Les vendront-elles au privé, à un promoteur quelconque  ? »

Marie-José Sirach


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