Mairie du 12e : Christine Lagarde devrait démissionner

dimanche 13 décembre 2009.
 

Concernant le comportement des élus, je n’aime pas les donneurs de leçons qui passent leur temps à les critiquer et à les montrer du doigt. Je goûte peu de ces campagnes de presse régulières (jamais totalement innocentes) qui visent à les moquer. J’y retrouve généralement une tonalité réactionnaire qui m’agace. Sans élu, la démocratie et la République n’existent pas. Sans élus, le pouvoir ne résiderait plus que dans la finance. Que chacun y réfléchisse.

Il faut donc des élus, qui aient du temps et de réels moyens pour travailler, pour comprendre les dossiers et qui ne sont pas là seulement pour entériner les propositions des différentes administrations. Dans leur très grande majorité (à droite comme à gauche), les élus sont des honnêtes gens et des citoyens modèles qui donnent de leur temps pour la chose publique. L’indemnité qu’ils perçoivent en retour (pas tous d’ailleurs) me semble légitime, sinon, seuls les citoyens les plus riches pourraient s’y consacrer.

Moi, je ne suis pas un élu irréprochable. Souvent débordé entre de multiples tâches et rendez-vous, auxquelles il faut ajouter un engagement politique national, une vie professionnelle et une vie familiale (avec des enfants en bas âge), j’essaye de faire au mieux. Cela n’est pas toujours satisfaisant, j’en conviens. Quotidiennement, la lourde délégation qui m’a été confiée à la Mairie du 12e n’est pas simple à assumer dans sa plénitude. Ceux qui travaillent et militent à mes côtés le savent, il m’arrive d’être absent ou en retard à de nombreuses réunions où je me devrais d’être. Souvent j’encaisse et essuie des critiques, souvent fondées, de nombre d’habitants qui auraient souhaité que je réponde plus vite à leur sollicitation où que je me rende à l’évènement auquel ils m’avaient invité. Certains ont franchement raison, d’autres exagèrent, mais ainsi va la vie d’un élu municipal. La semaine prochaine par exemple, je me rends au Chili pour assister au premier tour de l’élection présidentielle et ne pourrait donc exceptionnellement participer à la séance de décembre du Conseil de Paris.

Les propos qui vont suivre ne sont donc pas ceux de quelqu’un qui se présente comme un modèle. Loin de là vous l’avez compris. Alors, de quoi s’agit-il ? J’irai à l’essentiel. Je suis scandalisé par le comportement de Mme Christine Lagarde, actuelle Ministre des finances, et élue d’opposition dans le 12e arrondissement. Depuis son élection en mars 2008, elle n’est jamais venue assister à une seule séance du Conseil d’arrondissement. Jamais. Ou pour être précis, une seule fois, lors de la séance inaugurale où Michèle Blumenthal et toute l’équipe municipale ont été élus au sein du Conseil d’arrondissement. Cette séance a eu lieu un samedi après-midi durant une heure et aucune délibération concernant le 12e n’y fut abordée.

Depuis, alors que cela va faire deux ans que Mme Lagarde est élue du 12e, elle n’est jamais venue donner son avis sur le moindre sujet. Lundi dernier encore, pour un Conseil d’arrondissement où nous avons voté et débattu sur plusieurs sujets importants (l’urbanisme, le tramway, les travailleurs sans-papiers en grève, etc…), elle n’était pas là. Seuls, une fois de plus, deux élus de l’opposition, qui contrairement à elle ne sont pas indemnisés, étaient là pour défendre les positions de la droite dans le Conseil d’arrondissement. Cette situation devient malsaine.

Il faut rappeler les conditions dans laquelle elle fut élue sur la liste UMP, juste derrière M. Jean-Marie Cavada qui, lui aussi, depuis qu’il a été élu en juin Député européen ne vient plus à nos séances. Il y a deux ans, j’avais lu que le choix de ces deux candidats était une idée de Nicolas Sarkozy en personne. Ils étaient censés permettre à la droite de « reconquérir Paris ». Dans leur programme, il était question de s’occuper « enfin » du 12e arrondissement. Jusque là, paraît-il, rien n’avait été fait pour ses habitants. Et, Mme Lagarde était venue deux ou trois fois, durant la campagne électorale, honorer les rues du 12e en daignant poser ses pieds dessus. Quelques apparitions sur les marchés du cours de Vincennes, une réunion publique, un discours de quelques minutes lors de l’inauguration de son local de campagne où elle avait expliqué son souhait d’être élue du 12e car « c’est là que je travaille » (et oui, Bercy est dans l’arrondissement, on ne rit pas), et puis quasiment plus rien, ou presque.

En mars 2008, les électeurs ne s’y sont pas trompés. La liste Cavada-Lagarde encaissa un score qu’aucune liste de droite n’avait subit jusque là. A peine 35,2 % au second tour ! Une raclée mémorable, qui ne peut pas être mise seulement sur le compte de la qualité de la liste de gauche, mais aussi sur la médiocrité de ce tandem mondain.

Depuis donc, plus de signe de Mme Lagarde. Sa chaise reste vide lors de chaque séance. Elue également au Conseil de Paris, elle n’y vient quasiment jamais non plus. A ma connaissance, en plus de la première séance inaugurale, elle n’est venue qu’en décembre 2008 et juillet 2009, lors des deux séances concernant le budget. Sa présence se réduit généralement à une demi-heure maximum (pour une séance de deux jours) où elle prend la parole, puis répond dans les couloirs aux journalistes et disparaît.

Entre le Conseil d’arrondissement du 12e et le Conseil de Paris, sa contribution à la vie municipale parisienne ne dépasse pas une heure en séance ! Scandaleux. Si mes calculs sont bons, depuis avril 2008, cela représente 16 séances, qu’il faut doubler avec le Conseil de Paris qui suit le Conseil d’arrondissement et qui dure généralement deux jours. En tout donc, Mme Lagarde est venue une heure sur 48 séances !

Habituée des milieux d’affaires, Mme Lagarde sait très bien qu’un tel comportement n’y serait pas accepté. Encore que, j’ai cru comprendre que les « jetons de présence » de quelques Conseils d’administrations offrent de confortables indemnités à quelques rentiers. Mais là, il s’agit d’argent public. C’est pourquoi j’estime son comportement scandaleux. Je peux comprendre que Mme Lagarde, Ministre des Finances, ait autre chose à faire, qu’elle ne puisse pas consacrer de temps à son mandat local. Oui, bien sûr, c’est compréhensible. Mais alors deux remarques. Premièrement, pourquoi s’est-elle présentée lors des élections municipales ? Déjà Ministre, elle savait qu’elle ne pourrait accomplir son mandat. Pourquoi ne l’avoir pas dit aux électeurs et même prétendre l’inverse ? Deuxièmement, et maintenant, pourquoi ne démissionne-t-elle pas ? Elle laisserait alors immédiatement la place à d’autres élus UMP, sans doute plus disponibles, qui viendrait défendre leurs idées.

Mme Lagarde ne s’est pour l’instant jamais expliquée sur ses absences et son refus de démissionner. Pourquoi ? Brillante avocate d’affaires, elle ne me semble pas dans le besoin. J’ignore dans le détail sa rémunération de Ministre des Finances, mais je la devine confortable. Alors pourquoi « s’accrocher » ?

Malgré tout, les seuls éléments de réponse que je trouve, me semblent d’une grande trivialité. D’abord, Mme. Lagarde ne désespère toujours pas de jouer un rôle dans la vie politique parisienne. Et les militants UMP parisien doivent encore aujourd’hui se taire et s’estimer heureux qu’elle ait bien voulu faire don de sa personne pour demain reprendre Paris « à la gauche usurpatrice ». C’est sans doute une première explication. Mais, selon moi, elle n’est pas la seule. Mon opinion est que pour notre Ministre, si dure avec les chômeurs et les smicards, il n’est pas de petit profit quand il s’agit de son porte monnaie. Car chaque mois, pour son mandat de Conseillère de Paris, Mme Lagarde perçoit 4100 euros bruts. Soit près de 50 000 euros par an. C’est la somme que chaque année, Paris reverse à cette dame... pour ne rien faire (ou presque).

Loin des campagnes de "com" de son ministère, ainsi est Mme Lagarde dans la réalité. Elle, si ultralibérale, si dure avec les plus modestes, elle qui veut s’en prendre aux accidentés du travail, qui déclare qu’il est temps « que les français se mettent au travail », qui « triomphalement » pour le 1er janvier 2010 augmente le SMIC d’à peine 0,18 euros par jour soit 5,39 euros par mois, et en même temps exonère les plus riches de 73 millions d’euros, ne voit rien à redire devant ce gaspillage de deniers publics… quand cela la concerne. Il y a deux ans, devant la hausse du prix du carburant elle avait déclaré que les français n’avaient qu’à prendre le vélo !

A ceux qui penseraient que je m’en prends bien trop haineusement et sans objectivité à celle que plusieurs revues économiques internationales (pour sa gestion de la crise d’un système capitaliste qu’elle apprécie tant) viennent ces dernières semaines de désigner « Meilleure Ministre des Finances de l’année », ou que je refuse à tort de prendre en compte l’agenda très chargé de « Madâme la Ministre », je raconterai une dernière anecdote. Elle me semble éclairante.

En septembre 2008, un violent incendie a frappé un immeuble du 12e. Elu de garde ce soir là, et habitant très proche du bâtiment touché, j’avais passé toute la nuit avec les secours pour organiser l’hébergement des centaines de gens qu’il avait fallu évacuer. Michèle Blumenthal m’avait vite rejoint et tous deux nous avions passé la nuit avec les pompiers et la Protection civile aux côtés des sinistrés. Je me souviens encore de Michèle allant acheter du lait en poudre à l’épicerie du coin, pour une mère seule totalement affolée, ses enfants dans les bras. Un homme perdit la vie ce soir là et 28 appartements furent détruits. Le lendemain matin, toute la presse parla de ce violent incendie. Vers 9h du matin, couvertures de survies sur les épaules, tasses de cafés à la main, les habitants évacués commençaient à décompresser après des heures d’angoisses. L’incendie était terminé. Il avait duré 6 heures ! Soudain, devant le Centre d’animation que j’avais réquisitionné pour héberger tout le monde, une grosse voiture aux vitres fumées s’arrête. Mme Lagarde en sort, accompagnée d’une équipe caméra de France 3. Elle entre, me tourne le dos et ne m’adresse pas la parole, salue quelques personnes qui ne la reconnaisse pas tout de suite, bavarde avec une dame âgée puis repart. Elle sera restée 10 mn en tout. Le soir, lors du journal de France 3 qui consacrera quelques minutes à ce sinistre, les principales images montrées seront celles de Christine Lagarde, présentée comme "une élue du 12e aux côtés des victimes" !

La leçon de cette petite histoire devrait rassurer tout le monde. Madame Lagarde a du temps pour le 12e et ses habitants. Il suffit qu’il y ait des caméras pour qu’elle vienne. A l’avenir, la vidéosurveillance la fera peut-être sortir davantage dans nos rues. Qui sait ?


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message