Nicolas Sarkozy accusé par les victimes de l’attentat de Karachi

vendredi 18 décembre 2009.
 

Me Olivier Morice, qui s’exprimait après le dépôt d’une plainte par six familles de victimes, et ses clients ont expliqué lors d’une conférence de presse qu’ils s’appuyaient sur les éléments et les dépositions recueillis dans l’enquête judiciaire à laquelle ils ont accès.

Ces documents ont selon eux montré que des opérations de financement frauduleux de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, qui avait essuyé un échec face à Jacques Chirac, étaient indirectement à l’origine de l’attentat.

"La difficulté qu’il y a dans ce dossier, c’est que M. Sarkozy est au coeur de la corruption (...) parce qu’elle a été validée non seulement lorsqu’il était ministre du Budget, mais aussi lorsque c’est lui qui menait la campagne présidentielle de M. Edouard Balladur", a dit Olivier Morice.

L’actuel président de la République a été ministre du Budget dans le gouvernement d’Edouard Balladur (1993-1995) et porte-parole de ce dernier pendant la campagne présidentielle.

L’Elysée a apporté un démenti formel à ces accusations.

"Alors qu’une procédure judiciaire est en cours et qu’une mission d’information parlementaire est à l’oeuvre, Maître Olivier Morice a tenu des propos mettant en cause directement le chef de l’État qui relèvent de la diffamation et qui ne sauraient être excusés par l’expression de la légitime douleur des victimes ou de leurs ayant droits", dit un communiqué.

"Le Président de la République se réserve la possibilité d’y donner les suites de droit et s’inscrit catégoriquement en faux à l’encontre de ces allégations", ajoute ce texte.

PAS DE RETRAIT DE LA PLAINTE

Nicolas Sarkozy avait déjà qualifié le scénario envisagé par les familles des victimes de "fable" en juin dernier.

Des parents de victimes ont mis jeudi en cause le chef de l’Etat, qui leur aurait menti en leur promettant la vérité sur l’affaire, en les recevant en 2008.

"Le mépris, maintenant, ça suffit", a dit Magali Drouet. "La plainte ne sera retirée en aucun cas".

Le communiqué de l’Elysée rappelle que les ministères concernés ont déclassifié tous les documents dont la justice a souhaité communication pour que la vérité puisse être connue.

Un kamikaze avait fait 14 morts à Karachi, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN), en précipitant le 8 mai 2002 une voiture bourrée d’explosifs sur un bus. Les victimes travaillaient sur place à la construction de sous-marins français de type Agosta.

La piste islamiste a été privilégiée jusqu’à l’année dernière, quand deux islamistes condamnés à mort initialement ont été acquittés en appel au Pakistan et quand le juge français, Marc Trévidic, a mis au jour une nouvelle piste.

L’hypothèse désormais privilégiée est qu’une fraction de l’armée pakistanaise a commandité l’action pour punir la France de l’arrêt du paiement de commissions en marge de la vente des sous-marins, après l’élection de Jacques Chirac en 1995.

COMMISSIONS ?

L’arrêt du paiement des commissions a été confirmé publiquement par Charles Millon, ex-ministre de la Défense. Les plaignants s’appuient notamment sur deux rapports d’enquête privée commandés par la DCN et appelés "Nautilus", et divers documents et auditions du juge d’instruction.

Les commissions sur le marché des sous-marins versées à des intermédiaires et des sociétés-écrans et destinées à des décideurs pakistanais étaient d’environ 80 millions d’euros, selon les éléments de l’enquête auxquels Reuters a eu accès.

L’enquête envisage l’hypothèse qu’une partie de l’argent soit revenu en France pour financer la campagne Balladur.

Le juge d’instruction Trévidic a recueilli des dépositions prêtant notamment un rôle à ce titre à Renaud Donnedieu de Vabres, qui travaillait alors au ministère de la Défense lorsqu’il était dirigé par François Léotard.

"Des documents sont saisis où le nom de M. Sarkozy figure (...) C’est extrêmement grave, on ne peut pas étouffer dans un Etat démocratique comme le nôtre un tel scandale", a dit Me Morice à la presse.

Il fait notamment allusion à des documents mentionnant la société Heine, créée au Luxembourg en 1994 par la DCN avec l’aval du ministre du Budget, Nicolas Sarkozy. Ce document est mentionné dans un courrier du parquet de 2007 auquel Reuters a eu accès. Heine a servi à véhiculer une partie des commissions.


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