L’unité de toute l’autre gauche : pourquoi un nouvel échec ? (par Clémentine Autain)

mardi 5 janvier 2010.
 

Depuis quelques jours, l’affaire est entendue. Le NPA partira en solo aux régionales de mars prochain et le Front de Gauche, avec d’autres partenaires alternatifs, du sien. Depuis l’été, des négociations avaient été engagées en vue d’une grande unité. Les journalistes n’y croyaient pas, comme si ces réunions n’étaient que le théâtre d’un jeu tactique pour savoir qui, du PCF ou du NPA, repartira avec le mistigri de la division. Depuis l’échec de la candidature unitaire à la présidentielle de 2007, les commentateurs ne misent plus un kopeck sur les chances d’aboutir d’un large processus unitaire. Pourtant, et c’est un paradoxe, les raisons de l’union n’ont jamais été aussi fortes et les discussions n’ont sans doute jamais été aussi avancées et sur le point d’aboutir. Malgré les échecs répétés depuis grosso modo les « Comités Juquin » des tentatives de rassemblement, le désir d’unité est croissant chez les militants, à tel point que chacune des organisations doit répondre à cette aspiration.

Et pour cause… quel sens ont aujourd’hui les clivages d’hier, ceux qui ont structuré les partis du XXe siècle, entre trotskystes et léninistes par exemple ? Par ailleurs, les déçus du PS adeptes d’une gauche digne de ce nom se tournent maintenant vers l’espace traditionnellement occupé par les communistes. Dans le même temps, l’articulation entre écologie et anticapitalisme, qui se croisent et se mêlent dans les mouvances altermondialistes depuis pas mal d’années, se cherche politiquement. Bref ! Une refondation s’impose. Ne serait-ce que pour une bonne et simple raison : ce qui rassemble cette gauche de transformation, dont les forces sont encore éclatées, est infiniment supérieur à ce qui la divise. Dans les collectifs antilibéraux en 2007, tout l’arc des forces avait adopté un programme de 125 propositions. Et pourtant, ce travail collectif a débouché sur… trois candidatures - Bové, Buffet, Besancenot. Un concours de nains politiques, pour lequel il ne restait plus qu’à attendre l’ordre du tiercé perdant.

Alors qu’est-ce qui achoppe ? Est-ce, comme on l’entend souvent, une simple affaire de boutiques ou d’égos ? Cela joue mais je ne crois pas que ce soit l’essentiel.

D’abord, il y a la différence des cultures politiques, le poids des traditions et des histoires, parfois fratricides. Ce qui ne se surmonte pas d’un coup de cuillère à pot. Mais au fur et à mesure, les expériences de discussion et d’action en commun donnent le goût à travailler ensemble. La preuve : le Front de Gauche, initié aux européennes, se poursuit avec d’autres composantes aux régionales, alors que beaucoup s’attendaient à l’alliance du PCF avec le PS dès le premier tour.

La deuxième pierre d’achoppement porte sur la question stratégique. Le NPA, qui vient donc de refuser la proposition unitaire du Front de Gauche pour les régionales, au prix de fortes divisions internes, réclame une indépendance totale vis-à-vis du PS et un refus de toute gestion avec lui. Olivier Besancenot rappelait hier dans Le Parisien que la première tâche du NPA est d’être – je cite - « un outil politique au service de la résistance sociale ». Pour les régionales, l’objectif serait de construire une « opposition de gauche ». Mais les luttes sociales de la dernière période n’ont-elles pas pâti d’un manque cruel de perspective politique ? Autrement dit, l’espérance dans une alternative tangible à échelle humaine n’est-elle pas un moteur indispensable pour les mobilisations sociales ? Et l’existence d’une force politique, sortie des marges de la vie politique, n’est-elle pas la condition quasi sine qua non d’une opposition efficace à la droite au pouvoir ?

D’où l’hypothèse suivante : toutes les composantes de l’autre gauche ne prennent pas au sérieux leur capacité à être majoritaire et à peser sur le cours des choses. Comme si elles avaient peur de gagner, peur des victoires qui les mettraient devant des responsabilités nouvelles, peur des écarts avec la perfection révolutionnaire. Or seule la tension entre quête de majorités – sociales, politiques, d’idées – et quête de radicalité peut permettre d’être utile, d’entraîner et de recréer une espérance. Sinon, comment ne pas désespérer Billancourt ?

Posté le 19 décembre 2009

(Chronique France Culture)


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