Stéphane Hessel « La France et l’UE ont laissé faire  » Israel pour écraser Gaza

mardi 5 janvier 2010.
 

Stéphane Hessel, ancien diplomate et ambassadeur, ancien résistant et déporté français, qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, auteur de Danse avec le siècle (autobiographie, Seuil, 1997) et de Dix Pas dans le nouveau siècle (Seuil, 2002) revient sur le défi de la reconnaissance d’un État palestinien dans le cadre des frontières de 1967.

Un an après l’attaque israélienne contre Gaza, quel est votre regard  ?

Stéphane Hessel. Je reste convaincu qu’en faisant cette opération scandaleuse, le gouvernement d’Israël de l’époque a donné une preuve de son incapacité à croire dans une paix que tout le monde souhaite, les Palestiniens et la communauté internationale, lesquels se sont prononcés en faveur d’une solution négociée fondée sur deux États dans le cadre de l’ONU. Un an après le crime contre Gaza, nous voyons que ce territoire est toujours enclavé, ce qui rend impossible sa reconstruction. Je m’y suis rendu en juin dernier avec ma femme, et j’ai pu constater que le rapport du juge Richard Goldstone est exact en ce qui concerne la destruction des habitations et des infrastructures et les méfaits commis à Gaza, et qu’il qualifie de crimes de guerre et contre l’humanité. Ce sont les mots qui s’appliquent à ce qu’Israël a commis à Gaza. Pour le juge Richard Goldstone, les Israéliens auraient dû faire une enquête eux-mêmes. Or ils ne l’ont pas faite. Il y a aussi une autre chose qui me scandalise.

Laquelle  ?

Stéphane Hessel. C’est le fait que la France et l’Union européenne aient laissé faire Israël, qui a, de plus, porté atteinte à nos activités dans les territoires occupés palestiniens. Il y a eu des fonctionnaires du consulat de France à Jérusalem menacés, arrêtés dans certains endroits par les forces israéliennes. On a voulu faire venir des artistes au Centre culturel français, les autorités israéliennes les en ont empêchés… C’est pour moi un non-respect des habitudes de courtoisie diplomatique, des choses contre lesquelles le gouvernement français aurait dû protester. J’ai d’ailleurs attiré l’attention du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui est un ami, dans une lettre que je lui ai adressée pour lui signaler que cela est inacceptable et que le gouvernement français aurait dû réagir. Mais il ne m’a jamais répondu.

L’élection de Barack Obama a suscité beaucoup d’espoir, notamment après son discours du Caire mais depuis, force est de constater qu’il n’arrive pas à convaincre Netanyahou à négocier…

Stéphane Hessel. C’est notre principale déception. Nous avions interprété 
le discours prononcé au Caire et l’envoi 
du négociateur George Mitchell 
dans la région comme une volonté 
de Barack Obama d’utiliser les moyens de pression nécessaires, car les États-Unis en ont les moyens, sur Israël pour le contraindre à négocier une paix juste sur la base des résolutions de l’ONU. Jusqu’ici, force est de constater que cela n’a pas beaucoup progressé. 
C’est ce qui nous inquiète. Il faut rappeler que c’est l’ONU qui a créé Israël, 
que des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité indiquent clairement une solution fondée sur deux États, avec Jérusalem pour capitale de deux États, en plus du règlement des réfugiés palestiniens. C’est ce que disent ces résolutions. Si maintenant Barack Obama se met sérieusement à travailler dans le cadre de l’ONU, en imposant un retour de la négociation dans ce cadre, alors Israël sera obligé d’accepter. Car la question est de savoir si Israël va continuer cette politique qui le marginalise au sein de la communauté internationale, avec tous les risques que cela comporte pour son existence. Ou s’il va enfin se décider à envisager une autre politique allant dans 
le sens d’une paix juste et durable.

À ce propos, que pensez-vous de la proposition d’un sommet avec Mahmoud Abbas faite par Benyamin Netanyahou au Caire  ?

Stéphane Hessel. J’ai bien peur que ce ne soit encore une fois une manœuvre. Si le premier ministre israélien veut réellement négocier, encore faut-il qu’il apporte dans la négociation un minimum de propositions, comme par exemple la libération du soldat Gilad Shalit contre celle de prisonniers palestiniens. J’ajoute que la proposition de M. Netanyahou ne sera crédible que si en plus il y a au minimum un arrêt de la colonisation et une ouverture des frontières de Gaza au monde extérieur.

Ne faudrait-il pas compter également sur la pression d’une partie des Israéliens pour contraindre Netanyahou à des gestes  ?

Stéphane Hessel. Je l’espère mais je n’en suis pas assez sûr. Elie Barnavi, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, a écrit un livre, Aujourd’hui, ou peut-être jamais. Pour une paix américaine au Proche-Orient, dont je recommande la lecture, un livre où il se dit convaincu qu’Israël doit aller vers la paix, qu’il n’a pas d’autre choix, et que seule une intervention extérieure, celle des États-Unis d’Obama, pourrait faire plier les dirigeants israéliens et les amener à négocier sérieusement.

Entretien réalisé par Hassane Zerrouky


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