Bruxelles veut imposer le droit de délocaliser

samedi 23 janvier 2010.
Source : L’Humanité
 

La Commission européenne demande à la France de respecter ses engagements consistant à ne pas entraver la « liberté des constructeurs » qui ont bénéficié des aides de l’État.

La Commission européenne avait prévenu qu’elle allait « continuer de surveiller la situation ». Elle a tenu parole. La commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes, vient de demander à la France de mettre ses actes en conformité avec son engagement de « ne pas affecter la liberté des constructeurs bénéficiant des aides de l’État ».

Plan « protectionniste »

Il y a un an, Bruxelles avait condamné le plan d’aide à l’industrie automobile de l’Hexagone, le jugeant « protectionniste ». Lors d’une intervention télévisée, le président de la République avait promis d’interdire toute fermeture d’usine aux constructeurs aidés par l’État. La gardienne de la concurrence européenne avait immédiatement réagi, exigeant du gouvernement que « les conventions de prêts avec les constructeurs automobiles ne contiennent aucune condition relevant de la localisation de leurs activités ». La France avait discrètement abdiqué, Luc Chatel, à l’époque secrétaire d’État à l’Industrie, déclarant que « le soutien financier du gouvernement français à l’industrie automobile n’était pas lié au choix de la production des voitures ». Que penser alors du grand déballage gouvernemental qui, depuis une semaine, laisse entendre l’État ne laissera pas 
Renault déménager la production de sa Clio, dont une partie est fabriquée dans l’usine de Flins, dans les Yvelines, vers le site de Bursa en Turquie  ? Le constructeur, lui, n’a toujours pas confirmé l’information. Mais Patrick Pélata, directeur général de Renault, a été convoqué mercredi par le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, et Carlos Ghosn, le PDG, doit se rendre à l’Élysée demain pour s’entretenir avec le président de la République. On assure que des décisions « concernant les choix stratégiques » du constructeur seront alors prises. La question semble notamment posée d’une montée de l’État dans le capital du groupe automobile. « C’est un débat qui peut se poser », concède Christian Estrosi, tout en reconnaissant lui-même qu’avec 15,01 % des parts, l’État est déjà « le principal actionnaire ».

Délocalisation en attente

Face à une opinion publique de moins en moins convaincue par les choix économiques du gouvernement et à des salariés qui doivent se serrer la ceinture (chômage partiel, suppressions de postes, modération salariale, etc.), le chef de l’État sait qu’il pourrait payer cher la confirmation d’une délocalisation. Mercredi il déclarait encore devant les parlementaires  : « Nous ne mettons pas tant d’argent pour soutenir nos constructeurs pour que la totalité des usines s’en aillent à l’extérieur. » Le problème, c’est que la menace ne semble pas effrayer le moins du monde la direction de Renault. Le groupe, qui a présenté ses résultats jeudi, s’est enorgueilli d’être parvenu à « contenir » le recul de ses ventes en 2009 grâce à la « prime à la casse ». Jérôme Stoll, le directeur commercial, a fait valoir que « les systèmes de production doivent tenir compte de la concurrence (…). Le coût de revient d’un modèle doit aussi être un coût qui permette d’être au plus près des attentes de nos clients ». Interrogé par l’AFP, le spécialiste du secteur automobile Yann Lacroix confie que la fabrication en Turquie d’une voiture de 14 000 euros, permet « une économie de 1 400 euros par rapport au coût de production en France ». Cette « logique de coût » ne laisse aucune chance à la Clio IV d’être en partie fabriquée en France, sauf à imposer une cure drastique d’austérité salariale et de flexibilisation du travail aux salariés de Flins.

Paule Masson


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