Vers une grève européenne dans les usines General Motors ?

dimanche 31 janvier 2010.
 

« Nous ne céderons pas », annonce l’ensemble des syndicats des usines du groupe en Europe. Ils organisent
 la riposte au plan de licenciement annoncé par Nick Reilly. Elle pourrait aller jusqu’à une grève européenne.

Le vent glacial qui balaie l’immense parking autour de l’usine Opel à Anvers, ce mardi 25 janvier, n’a pas découragé les militants syndicaux. Ni ceux qui bloquent jour et nuit depuis le 20, jour de l’annonce par Nick Reilly de la fermeture de l’usine en juin, la sortie des voitures prêtes à être livrées et se réchauffent tant bien que mal à un feu de bois. Ni ceux qui distribuent des tracts appelant à participer, le 29, à Bruxelles, à la grande manifestation en front commun dont la FGTB (Fédération générale des travailleurs de Belgique) a pris l’initiative. « Marche pour l’emploi et le respect », annonce le tract. Les ouvriers de la seconde équipe, qui viennent reprendre le travail après deux jours de chômage technique, le prennent l’air grave. Car l’avenir est, pour eux et leurs familles, un grand point d’interrogation. L’incertitude dure depuis que le géant américain General Motors, propriétaire d’Opel, a échappé à la faillite grâce à l’aide massive de l’État fédéral américain. « Un an qu’on fait la semaine de trois jours, du mardi au jeudi, pour un salaire de 1 600 euros », explique Bruno, dix-sept ans d’ancienneté, qui « ne croit pas beaucoup aux promesses du gouvernement flamand de maintenir à tout prix l’emploi dans l’usine ».

Aujourd’hui, pourtant, un certain espoir renaît. Les travailleurs d’Opel à Anvers ne sont plus seuls. Des délégations sont venues d’autres usines en Europe (1) pour participer aux assemblées générales et dire haut et fort aux « camarades d’Anvers »  : « On est avec vous, on ne vous laissera pas tomber. » À l’instar de Thomas Shumaker, un carrossier de l’usine de Rüsselsheim, qui ne passe pas inaperçu avec sa redingote et son haut-de-forme  : « Mon arrière-grand-père a commencé chez Opel en 1901, mon père y est resté quarante ans, et moi, depuis vingt-sept ans, je représente la cinquième génération dans la boîte. On ne va pas se laisser faire alors que le dernier président de GM est parti en se mettant 20 millions de dollars dans la poche  ! »

Peter Scherrer, secrétaire général de la Fédération européenne des métallos, n’a pas mâché ses mots  : « Notre message au patron est clair  : il n’y aura ni sacrifice ni concession par les travailleurs des autres usines, si la décision de fermeture n’est pas retirée. Elle est inacceptable. Nous n’accepterons pas non plus que la production soit transférée ailleurs et que des travailleurs soient déplacés. » Même ton chez Klaus Franz, d’IG Metall, qui préside le Conseil d’entreprise européen  : « GM a rompu le contrat signé avec nous et veut transférer la production de la SUV, qu’il avait promise à Anvers, en Corée du Sud, au mépris des accords et de la légalité. Notre réponse, c’est la solidarité. Car derrière chaque travailleur, il y a une famille. » Cette solidarité européenne, Rudy Kennes, délégué principal FGTB de l’usine d’Anvers et vice-président du comité d’entreprise, la juge « essentielle ». « La présence, aujourd’hui, de délégués venus de toute l’Europe en est la manifestation concrète, dit-il. Nick Reilly a cru après son annonce que nous ferions grève et que cela lui permettrait de transférer tout de suite la production ailleurs. Mais les travailleurs sont plus intelligents que les patrons le croient. Lundi, nous allons entrer en négociation avec eux, à Francfort, et nous serons tous ensemble. S’ils ne veulent pas nous entendre, alors nous partirons en grève, mais ce sera ensemble et en dernier recours. »

La présence en force des syndicalistes allemands est d’autant plus rassurante pour ceux d’Anvers que la presse accusait cette semaine les Allemands d’avoir fait pression pour que l’essentiel des 8 300 suppressions d’emplois annoncées par GM en Europe les épargne. Pour les commentateurs, le patron de GM craignait moins les syndicats de la petite Flandre que le puissant syndicat allemand. Au vu de ce qui se passe ici, c’est à leurs forces conjuguées qu’il risque d’avoir affaire.

Françoise Germain-Robin

(1) Des délégations étaient venues d’Allemagne (Rüsselsheim, Bochum, Francfort), de Grande-Bretagne (usines Vauxhall 
de Luton), d’Autriche, de Pologne, de Hongrie et d’Espagne.


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