MAILLON GREC : Des banques utilisent l’argent reçu des Etats pour spéculer contre d’autres Etats et contre l’euro

jeudi 18 février 2010.
 

Repassons les faits qui viennent de mettre sens dessus dessous la zone euro. Au mois de décembre, les grandes agences de notations financières – les anglo-saxonnes Standard & Poor’s et Moody’s ainsi que la française Fitch – rétrogradent la note de la Grèce pour sanctionner l’ampleur de son déficit budgétaire (12,7 % du PIB en 2009, et une dette publique atteignant 113% du produit intérieur). Ces mêmes agences n’avaient pas vu venir la crise des « subprimes », n’avaient rien trouvé à redire à l’engagement spéculatif de presque toutes les banques de par le monde, mais les voilà maintenant qui jouent les parangons de vertu dès lors qu’il s’agit de la dette des États !

Bible des milieux financiers internationaux, le Financial Times a lui aussi joué sa partition en affirmant, à tort, que la Chine avait refusé d’acheter pour 25 milliards d’euros d’emprunts hellènes. Suite à cela, la spéculation s’est déchaînée contre la Grèce, mais aussi contre le Portugal et l’Espagne, au point de faire chuter l’euro de 10% par rapport au dollar. La spéculation ? Des « hedge funds », ces fonds vautours avides de gains pour éponger les pertes qu’ils ont subies depuis l’éclatement de la crise, mais aussi de très « dignes » établissements financiers comme Goldman Sachs, renfloués à coups de centaines de milliards de dollars par l’administration Obama et qui s’en prennent aujourd’hui aux Etats de la vielle Europe !

Ainsi, même la dette est source d’enrichissement pour les banques et les spéculateurs. D’abord par l’obligation faite à un Etat émetteur d’augmenter ses taux d’intérêt, donc la rétribution des créanciers. Ensuite par le jeu des « credit default swap » (CDS), les titres d’assurance censés prémunir contre l’éventuelle cessation de paiement d’un État. Les CDS ont un prix et s’échangent sur un marché non régulé. Sous la pression des spéculateurs, le CDS grec a vu son prix s’envoler au point de valoir quatre fois celui du Maroc, ce qui est totalement irréaliste au regard des performances économiques de ces deux pays. Il est vrai que la tempête spéculative ne s’embarrasse pas des réalités : alors que le déficit budgétaire des 16 pays de la zone euro est prévu à 6% du PIB en 2010, celui du Japon et des Etats-Unis est attendu à plus de 10%...

Maastricht, le retour

Se précipitant au chevet du malade, les gouvernements des pays de l’Union Européenne se sont empressés…d’attendre. D’ailleurs, sauf à violer les règles qu’ils ont eux-mêmes arrêtées, ils ne disposent guère de moyens directs d’intervenir, puisque le Traité de Lisbonne, reprenant des articles du traité de Maastricht, interdit le renflouement des caisses d’un Etat par la Banque centrale européenne ou par les banques centrales nationales. Et pour que nul n’en ignore, l’éditorialiste du Frankfurter Allgemeine Zeitung, Holger Steltzner lance cet avertissement : « Avant de dire adieu au mark allemand, le traité de Maastricht fut solennellement signé, excluant explicitement qu’un pays membre de la zone euro soit responsable pour la dette d’un autre pays. Si ce mandat central de la stabilité financière n’est plus de mise, aussi bien le traité de Maastricht que le pacte de stabilité, ainsi que l’amendement de la constitution allemande fixant un plafond à l’endettement de l’Allemagne, ne valent pas le prix du papier sur lequel ils sont écrits. Alors les Allemands pourraient regretter le mark… »

Mais en dépit des réticences allemandes, un plan d’aides bilatérales a été mis au point, applicable en cas de reprise de l’incendie. A une condition toutefois, imposée par Berlin : que les Etats de l’UE se rapprochent au plus vite des fameux critères de convergence stipulés à Maastricht en matière de dette : pas plus de 3% annuel de déficit budgétaire par rapport au PIB, pour un endettement inférieur à 60% du produit. La crise a fait voler en éclat ce carcan monétariste, mais sous le diktat des marchés financiers, c’est d’ores et déjà le chemin que s’est engagé à prendre la Grèce, sous la vigilance du FMI, appelé en renfort « technique » par l’UE malgré l’opposition d’Athènes. On connaît le début du programme : baisse des salaires des fonctionnaires, coupes claires dans les budgets sociaux… Ce qui attend le pays hellénique n’est pas une cure d’amaigrissement mais une thérapie de choc, au risque de tuer le malade.

Et après la Grèce, à qui le tour ? Nous laisserons le mot de la fin à Eric le Boucher, directeur de la rédaction des Echos, lequel ne passe pas pour un pourfendeur du grand capital : « Après la crise financière, puis la crise économique, s’ouvre la vraie crise : la crise politique (…) Elle met les gouvernements entre deux feux, celui des marchés financiers, créditeurs des Etats, et celui des opinions publiques, à qui on demande maintenant de payer pour les pots cassés par ces mêmes marchés. L’issue de cette crise politique est aujourd’hui totalement incertaine ». On vous le disait : nous sommes en guerre.


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