Bonnes questions et air du temps : Pour le PS, ce sera le MODEM ou l’autre gauche (arguments)

jeudi 4 mars 2010.
 

LES BONNES QUESTIONS

Il y a maintenant plusieurs semaines de cela, nous préparions le lancement de notre campagne des élections régionales. L’exercice consistait à récapituler les objectifs que nous visons pour les mettre en mots sous la forme la plus synthétique et percutante possible. Cette sorte de séance de travail permet surtout de mettre les idées au clair. On fait une liste donc, avec un stylo et une feuille de papier. Et, à mesure on pose les « questions à la con » parce qu’il est absolument certain qu’elles nous seront posées. Devinez par qui. Ensuite il y a les questions qu’on aimerait qu’on nous pose mais que nous n’avons aucune chance d’entendre. Celles-là il faut créer les conditions pour qu’elles arrivent. Donc on choisit un angle pour les faire venir. Par exemple agresser par un trait d’humour où un bon mot quelqu’un de nos adversaires pour déclencher une polémique. Les « questions à la con » ne sont pas toutes nuisibles. Elles conduisent parfois à des réflexions mieux ajustées que ne l’étaient nos premières formules. Ce sont des enchainements qui sont précieux pour l’esprit. Et politiquement féconds. Ecoutez bien ceci : les bonnes réponses font les bonnes questions et non l’inverse. Ainsi à propos de cette question : « quel score espérez-vous faire ».

DANS l’AIR DU TEMPS

Il n’y a pas de réponse honnête à cette question. Supposons que je réponde « 51% ». Ce serait intellectuellement honnête. J’ai toujours fait campagne pour gagner. Mais ce ne sera pas apprécié comme une réponse crédible. Et je veux bien l’admettre. Où mettre la barre ? Tout chiffre en dessous de la majorité est disqualifiant. Ce n’est pas le seul inconvénient de ce type de réponse chiffré. Comme elle « n’est pas crédible », cela contraindra à revenir sur le sujet. Et cette fois-ci il ne s’agira plus seulement de dire quelque chose de crédible. Il faudra dire quelque chose de croyable. C’est-à-dire qui soit conforme à ce qui est dans l’air du temps. C’est-à-dire en dessous de dix pour cent pour être conforme avec les sondages. Un esprit superficiel dira que c’est évident et honnête. Un esprit taquin demandera à quoi sert une question dont la réponse est connue d’avance. Le taquin aura sa réponse : il s’agit de mettre en difficulté.

VOUS VOUS RALLIEZ ?

Car aussitôt la question qui tue sera là : « avec qui ferez-vous alliance au deuxième tour ». Là encore la réponse est connue d’avance car elle a été répétée cent fois. C’est la même depuis deux siècles d’élection : au deuxième tour la gauche se rassemble contre la droite. Alors pourquoi poser la question, si la réponse est connue ? Devinez ! Pour nous c’est alors le pire à partir de là. Car plus un mot ne sera dit du premier tour, de nos objectifs propres, de notre programme. Tout sera ramené à une question de tactique électorale très pauvre : « donc au deuxième tour vous vous rallierez » ? Tout est dans le verbe « rallier ». C’est lui qui brise toute singularité, disqualifie votre présence au premier tour et ainsi de suite. Ne rêvez pas : jamais vous n’aurez le temps d’expliquer pourquoi la « discipline républicaine » n’est pas un ralliement. D’ailleurs le plus souvent quand on indique que le NPA lui aussi fait des « fusions techniques » au deuxième tour avec les socialistes, beaucoup le découvrent. Et nombreux n’y croient pas. Peu importe. Il faut comprendre que le contenu général d’un tel ordre de questionnement est évidemment strictement moulé dans l’idéologie dominante. Un journaliste n’a pas à vous « servir la soupe ». Entendez : il n’a pas à vous aider à exprimer vos idées. Il doit au contraire vous obliger à « aller plus loin ». C’est à dire là où vous ne voulez pas aller parce que c’est sans intérêt pour vous.

LA BONNE REPONSE

Mieux vaut le comprendre à temps pour éviter de perdre des opportunités. Et par conséquence, mieux vaut donc s’adapter aux normes de ce type de production « informative » plutôt que de pleurnicher sur la « malhonnêteté intellectuelle des médias » et ainsi de suite. En ayant cela à l’esprit nous avons mis au point notre réponse. « Quel score visez-vous ? » Quelle est la bonne réponse ? Celle qui permet d’installer votre paysage, de poser vos problèmes d’exposer vos solutions et d’obtenir des rebonds. Tout en répondant à la question posée. Car le type ou la fille en face est payé pour ramener quelque chose à publier ou à montrer. Il faut faire au format. Bref, clair et si possible piquant, c’est-à-dire agressif contre quelqu’un d’autre ! Quel score espérons-nous ? Celui qui nous placera devant le Modem et le Front National. Le Front national c’est pour l’honneur de lui prendre ses électeurs en leur faisant comprendre que la cause de leurs problèmes ce n’est pas l’étranger mais l’inégalité et le capitalisme. Ca tient en une phrase vous avez vu ?

Et le Modem ? Pour empêcher la gauche de virer à droite en s’alliant avec le centre. Une phrase, pas davantage. Et maintenant, rajoutez un peu de sel pour relever le goût. « Le PS devra choisir au deuxième tour : c’est le Modem ou le Front de gauche ! » On voit que, tout compte, fait les « questions à la con » peuvent aider à formuler des réponses utiles.

LE DEVOIR D’EXPLIQUER

Pour autant tout n’est pas réglé. Je pense au MODEM. Le nombre de ceux qui ne comprennent pas ce que nous avons contre monsieur Bayrou est plus important que le croient les militants politiques chevronnés que nous sommes. Nous avons donc fait une brochure. Un vrai travail d’enquête. Il s’agit de fournir de façon aussi claire et complète que possible les arguments documentés qui conduisent le Parti de Gauche à refuser totalement l’alliance de la gauche avec le MODEM. Ce travail nous permet de montrer qu’il ne s’agit pas d’une opposition à la personne de monsieur Bayrou. Sur le plan humain et en ce qui concerne l’opiniâtreté il a droit à toute notre considération. Nous ne nous référons pas non plus à la longue carrière de monsieur Bayrou dans les rangs de la droite et dans ses gouvernements. Tout le monde a le droit de changer d’avis et c’est un signe de bonne santé mentale que d’être capable parfois de révision de ses certitudes. Surtout s’il s’agissait de passer de droite à gauche !

LA PREUVE PAR L’ECRIT

Notre raisonnement se réfère aux positions politiques actuelles sur lesquelles se fonde l’action de monsieur Bayrou et de son mouvement, le MODEM. Pour les connaitre notre enquête part d’abord du dernier document adopté par ce parti, le « projet humaniste », qu’il vient d’adopter en vue des élections régionales. Pour situer plus précisément les contours de sa politique dans les domaines qui ne sont pas évoqués dans ce manifeste, nous nous reportons aux déclarations et prises de position de monsieur Bayrou au cours des élections présidentielles de 2007. Ca fait loin déjà ? Oui et non. D’abord il est juste d’utiliser ces documents parce que l’intéressé ne s’en est jamais dédit. Ensuite parce que lui-même fonde encore aujourd’hui sa légitimité politique sur le résultat qu’il a obtenu à cette élection avec ce programme. Nous utilisons aussi les prises de positions de l’UDF, juste avant l’élection présidentielle de 2007. Nous le faisons parce que beaucoup semble avoir oublié que l’UDF était alors présidée par monsieur Bayrou lui-même. Cependant nous nous en sommes tenus aux seuls votes à l’Assemblée Nationale que monsieur Bayrou a personnellement fait à cette époque.

SANS DEGUISEMENT

Notre recollement montre qui est monsieur Bayrou en politique. Il est a droite. C’est bien son droit. Ce qui est condamnable à nos yeux c’est de vouloir faire croire autre chose à son sujet comme le font les dirigeants socialistes. Monsieur Bayrou n’est pas et n’a jamais été un compagnon de route de la gauche mais un adversaire politique. Son opposition actuelle à Nicolas Sarkozy n’en fait pas pour autant un allié naturel. Ce n’est pas la première fois qu’un centriste et la gauche s’opposent à un troisième personnage contre son pouvoir personnel. En 1965, Jean Lecanuet s’opposait au général De Gaulle dans l’élection présidentielle. Pour autant la gauche présenta son propre candidat, François Mitterrand, et cette candidature unitaire commença le chemin qui menait à la victoire de 1981 et à l’application du programme commun de la gauche. La comparaison est très parlante.

DES ENJEUX COMPARABLES

Déjà à l’époque il avait fallu choisir entre deux orientations à gauche : la rupture avec le système ou son accompagnement. La SFIO qui avait fait campagne avec l’UNR pour l’adoption de la Constitution de la cinquième république fut contrainte au soutien du candidat de la gauche. Elle le fut du fait de l’alliance des communistes et d’un secteur du socialisme ! Bien sur l’histoire ne se répète pas. Mais pour qui est des fondamentaux, les enjeux sont les mêmes. Le centrisme, qu’il prenne la forme d’une alliance politique ou d’un contenu programmatique est le cancer qui ronge la social démocratie européenne.

La maladie a tué la gauche en Italie. Il l’a largement détruite partout dans le reste de l’Europe. Il la paralyse face aux rebondissements de la crise du capitalisme en Europe et dans le monde. Le Parti Socialistes français, d’une façon étrange, propose une alliance qu’il a toujours repoussé depuis sa refondation en 1971, chaque fois qu’elle lui a été proposée ou suggérée, de l’intérieur ou de l’extérieur. Il propose cette alliance au moment où son échec destructeur est devenu patent dans toute l’Europe. Il le fait au prix d’un travestissement de l’identité politique et programmatique de son partenaire potentiel. Et cela alors même que celui-ci n’a jamais donné le moindre signe d’accord sur les fondamentaux de la gauche. Et alors même que toute l’autre gauche exprime son opposition absolue à cette alliance. Car alliance vaut choix.

Pour le PS, ce sera le MODEM ou l’autre gauche. Le PS le sait. Ce sera le programme alternatif de la gauche ou l’arrangement avec « le projet humaniste ». C’est le contenu de cet arrangement dont notre document permet de connaitre dans quelles eaux de droite il s’ancrerait ! Le PS le sait aussi. Son choix doit donc être contraint. Notre but être de tout faire pour éviter que le PS entraine la gauche dans le néant de cette alliance. Notre score aux élections vaudra mise au pied du mur. C’est pourquoi notre objectif est d’obtenir un résultat électoral supérieur à celui du MODEM. 

Notre travail d’enquête est donc destiné à nous aider à convaincre le plus grand nombre des électeurs de gauche que le vote pour le Front de gauche est le vote utile du premier tour. Ceux qui votent pour nous, votent pour empêcher l’alliance avec le Modem. En raison de notre programme et en raison de notre stratégie d’alliance. Et il est vrai que ce sont les deux faces d’une même orientation politique.


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