Marie-George Buffet « La victoire doit reposer sur une gauche de combat »

lundi 1er mars 2010.
 

À dix-neuf jours du premier tour des élections, la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, livre son sentiment sur la campagne et l’utilité concrète que peut avoir le vote pour le Front de gauche pour faire reculer la droite dans le pays.

Tous les instituts 
de sondage prévoient une victoire de 
la gauche aux élections régionales. 
À moins de trois semaines 
du premier tour, pensez-vous que les choses soient jouées  ?

Marie-George Buffet. La profonde colère et l’exaspération que nous ressentons contre la politique de Nicolas Sarkozy peuvent effectivement s’exprimer par une poussée de la gauche et le basculement de nouvelles régions. Mais aujourd’hui, la question qui demeure est  : cette victoire de la gauche, on la veut, mais pour quelle efficacité dans les régions, pour quelles solutions pour notre pays  ? Il faut défaire la droite, mais pour réduire vraiment sa capacité de nuire, cette victoire doit reposer sur une gauche de combat, qui se dote d’élus porteurs des grandes réformes fondamentales dont le pays a besoin pour sortir des logiques libérales. Le bon sujet des trois semaines de débat qu’il nous reste est donc  : quel contenu donner à une victoire de la gauche  ? C’est tout le sens de l’existence des listes du Front de gauche.

Est-il encore possible de bousculer le débat électoral, qui ne semble guère passionner les Français  ?

Marie-George Buffet. Le débat se focalise sur des petites phrases qui occupent les médias. Nous, nous mettons en débat les questions qui touchent à la vie quotidienne. Par exemple, sur les retraites, la droite tend un piège aux Français en leur demandant, de façon biaisée, s’ils seraient d’accord pour travailler plus afin d’avoir une meilleure retraite. Or, la plupart n’atteindront pas le nombre requis d’annuités pour une retraite complète. Des propositions alternatives existent, elles reposent sur trois piliers  : la fin des exonérations de cotisations pour les employeurs, la mise à contribution des revenus financiers et la création d’emplois qualifiés. Sur ce volet de l’emploi, la gauche peut agir dans les régions  : va-t-elle mettre partout en œuvre des fonds régionaux pour l’emploi et la formation, conditionnés à des critères sociaux, environnementaux et d’égalité professionnelle  ? Va-t-elle faire monter l’exigence d’un pôle public bancaire, pour réorienter l’argent du crédit vers l’emploi  ? Au travers de cette exigence, la gauche serait utile tout de suite et elle donnerait à voir ce qu’elle pourrait faire si elle était en responsabilité nationale.

On peut décliner d’autres exemples. Les régions de gauche seront-elles debout pour défendre le service public des transports en appelant à la mobilisation contre l’introduction de la concurrence et du privé  ? Ou bien se plieront-elles aux diktats de l’État pour réduire le nombre de fonctionnaires, en laissant disparaître des missions utiles aux populations  ? La victoire de la gauche ne peut se réduire à l’alternance  ; le sens du vote pour le Front de gauche, c’est de donner à voir une exigence d’ambition pour les régions, une exigence de courage dans le combat contre la politique nationale de la droite.

Ces élections régionales peuvent-elles vraiment servir à infléchir la politique de la droite, alors que tout le monde redoute un nouveau « tour de vis » social après le scrutin  ?

Marie-George Buffet. Oui, ces élections peuvent être un point d’appui pour les luttes. Je pense aux salariés de Sanofi, que nous soutenons avec Pierre Laurent en Île-de-France contre les restructurations du groupe. Je pense aussi aux agents de la Jeunesse et des Sports, en lutte contre la révision générale des politiques publiques. Et j’étais, samedi, avec Dominique Bucchini, notre tête de liste en Corse, qui me disait la souffrance des salariés de Pôle emploi à Ajaccio après la tentative de suicide pour harcèlement d’un de leurs collègues. Dans toute l’Europe, les gouvernements s’apprêtent à faire les fonds de poche des peuples pour laisser le champ libre à ceux qui s’enrichissent. En 2009, en France, les actionnaires ont touché 35 milliards malgré la crise, mais la bande du Fouquet’s s’apprête à serrer encore la ceinture à ceux qui vivent de leur travail. Si c’est la simple continuité dans les politiques régionales qui l’emporte, le gouvernement ne sera pas trop dérangé. La droite peut voir sa politique contrariée si les élus des listes, porteuses d’une vraie politique de gauche, peuvent s’appuyer sur de bons résultats électoraux pour tenir une position de résistance et d’innovation. Sinon, Nicolas Sarkozy évitera l’orage et tentera d’imposer ces réformes régressives tout au long du mandat.

Si le Front de gauche fait un bon score, quelle en sera la signification  ?

Marie-George Buffet. Cela voudra dire que notre peuple relève la tête et qu’il rejette le fatalisme auquel on voudrait le cantonner  ; qu’une perspective et un espoir se lèvent en politique pour changer les choses. Si le Front de gauche crée la surprise au premier tour, cela signifiera que les digues du libéralisme peuvent céder.

Quel contenu porterez-vous dans le rassemblement 
entre les deux tours pour 
que l’acquis du 14 mars 
ne se dilue pas au soir du 21  ?

Marie-George Buffet. Il faudra veiller à ce que le rassemblement pour battre la droite se fasse sur les contenus les plus élevés possible. Et, au-delà, ce qui importe est que les élus du Front de gauche continuent à porter leurs propositions et à se battre pour les mettre en œuvre durant tout le mandat. Et ils les porteront avec d’autant plus de détermination qu’ils pourront s’appuyer sur le maximum de voix au premier tour.

Entretien réalisé par Sébastien Crépel


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