Laurent Fabius : "La démocratie jusqu’au bout"

dimanche 5 novembre 2006.
 

Chère camarade, cher camarade,

A l’évidence, notre pays connaît une crise politique profonde. Ces dernières années, les secousses se sont intensifiées, plus fréquentes et plus violentes : choc massif du 21 avril 2002, abstention en hausse, montée des extrêmes, crise du CPE. La démocratie devient précaire.

Pour répondre à cette crise, je propose, avec le projet socialiste, une approche globale. Impossible de se contenter de rustines ou de propositions gadgets dont le résultat est de creuser le sentiment antipolitique ambiant, non de le résorber. Notre but doit être différent, à la fois plus clair et plus volontaire : je veux donner de nouveaux droits aux citoyens et mieux équilibrer les pouvoirs. Ces changements de grande ampleur devront être soumis à référendum dès septembre 2007.

1) Fonder une République parlementaire nouvelle.

Au sein de notre Parti, nous avons beaucoup débattu des réformes démocratiques à mener. Certains ont prétendu que ce n’était pas une question majeure. D’autres ont plaidé pour un régime plus présidentiel. Ma position n’a pas varié : il n’y aura de vrai changement institutionnel que si nous fondons une République parlementaire nouvelle. C’est le choix de notre projet. Je regrette que les divers candidats, s’ils le revendiquent devant les militants, continuent souvent de proposer d’autres orientations à l’extérieur.

Cette République parlementaire introduira un nouvel équilibre des pouvoirs entre le Président de la République, le Premier ministre et le Parlement.

* Le chef de l’Etat ne nommera plus les membres du Conseil constitutionnel, ni ceux du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (démocratie médiatique). Il ne présidera plus le Conseil Supérieur de la Magistrature (indépendance de la magistrature). Il sera pénalement et politiquement responsable. Il rendra des comptes à la Nation - pas seulement une fois l’an à l’occasion du 14 juillet ! Il sera garant du long terme et du pacte républicain. Il demandera au gouvernement d’agir pour faire face à l’urgence sociale et pour préparer l’avenir.

* Le Premier ministre sera le capitaine de l’équipe en charge de l’action au quotidien et il engagera chaque année sa responsabilité devant le Parlement.

* Le gouvernement sera paritaire et comportera un n° 2, ministre d’État en charge de l’environnement.

* Les droits du Parlement seront renforcés : suppression du « domaine réservé » et du 49-3, reconnaissance d’un statut à l’opposition, rôle accru des commissions d’enquêtes, etc. Une dose de proportionnelle sera introduite et le cumul des mandats sera interdit.

* Ces avancées devront être prolongées par une politique européenne plus démocratique. Lors de la renégociation du nouveau Traité constitutionnel, j’agirai notamment pour obtenir de nos partenaires que le Parlement européen soit associé à la définition des objectifs de l’Union en matière de politique économique, commerciale et monétaire.

2) Mettre au premier plan la démocratie sociale

Afin que des coups de force tels que le CPE ne se reproduisent plus, je propose de rendre obligatoire, dans la Constitution, la consultation des partenaires sociaux avant la présentation au Parlement de toute réforme portant sur les principes fondamentaux du code du travail ou de la Sécurité sociale. Le syndicalisme et la négociation s’en trouveront renforcés. La représentativité des syndicats sera fondée sur leurs résultats électoraux. Le principe majoritaire s’appliquera désormais pour les accords sociaux.

3) Bâtir une vraie démocratie territoriale, alors qu’elle a été fragilisée par la pseudodécentralisation Raffarin-Villepin-Sarkozy

Les responsabilités ont besoin d’être simplifiées pour que les citoyens sachent quelle collectivité fait quoi (la commune, c’est la proximité ; l’intercommunalité, les services publics locaux ; le département, les solidarités ; la région, le développement économique). La péréquation sera renforcée par l’État qui, à mes yeux, doit rester le garant de l’égalité entre les territoires. Les élus bénéficieront - enfin ! - d’un vrai statut et il ne sera pas question pour moi de laisser se mettre en place des « jurys de surveillance des élus » à côté du suffrage universel ou contre lui. Je refuse la précarisation des territoires et des élus locaux.

4) Agir pour une démocratie citoyenne

Par des avancées concrètes et non des slogans ambigus. Le droit de vote aux élections locales pour les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de 5 ans sera reconnu. J’ouvrirai la possibilité de lois d’initiative citoyenne et permettrai la saisine directe du Conseil constitutionnel. Nous développerons la participation citoyenne partout où elle est possible et utile (budgets participatifs, conseils d’usagers des services publics, droit de pétition, assemblées de circonscription, comptes rendus de mandats...). La comptabilisation du vote blanc sera retenue. Le rôle et le financement des associations seront consacrés, car elles restent le moyen privilégié pour les citoyens d’exprimer leur engagement civique.

Pour moi, il ne peut y avoir de vraie démocratie sans laïcité, c’est-à-dire sans respect de la neutralité de l’espace public. Laïcité, République, démocratie : pour un président socialiste de la République, cela constiue un tout, essentiel.


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