Face à la mauvaise blague de la dette, un test : le cas grec

mardi 16 mars 2010.
 

LA DETTE, CETTE MAUVAISE BLAGUE

Cette semaine au fil des hasards de mes lectures je pêche ici et là les bonnes blagues à propos de la dette publique des Etats dans la presse. Palme d’or du mariole à monsieur Balladur, fraichement extrait de la naphtaline pour faire connaitre sa profonde pensée sur le sujet. Selon « le Figaro », grâce auquel nous sommes régalés de ce beau morceau, l’important appelle à avoir le courage d’affronter l’explosion de la dette publique. Je comprends bien qu’il s’agit d’un coup de pied de l’âne à Nicolas Sarkozy. Mais je m’ébahis que le journaliste n’ait pas pensé à faire le travail d’aller vérifier les titres de gloires de sa splendeur, Edouard le courageux, du temps qu’il était le premier ministre. Il aurait alors mesuré le culot de fer du monsieur ! Car c’est sous son autorité de premier ministre, entre 1993 et 1997 que la dette publique de la France a progressé de vingt points de PIB. Ses successeurs de droite ont vidé les caisses avec une même efficacité. Messieurs Raffarin et Villepin entre 2002 et 2007 ont fait grimper la dette de dix points. Seuls les actuels Fillon Sarkozy ont fait mieux en moins de temps puisqu’entre 2007 et 2010, trois petites années, ils ont augmenté la dette de 17 points de PIB.

Je ne mentionne ces chiffres que pour attirer une nouvelle fois l’attention sur le fait que les libéraux appliquent une stratégie méthodique d’appauvrissement de l’Etat. L’explosion de la dette publique ne figure pas comme une calamité subie dans la stratégie libérale mais comme un outil délibéré. La racine de cette explosion est un programme délibéré de diminution des ressources. L’addition en France, dans ce domaine, est prodigieuse ! Trente milliards d’allégement de cotisations sociales à la charge de l’Etat, trente autre milliards de baisses d’impôts cumulés pour les hauts revenus, soixante treize milliards de niches fiscales dont quatre vingt cinq pour cent bénéficient aux dix pour cent des foyers les plus riches. La liste est loin d’être close. Mais il y en a déjà pour plus de deux fois le déficit annuel de l’Etat.

LE CAS GREC

C’est en partant de ce genre de constat là que l’on comprend mieux quelle honte est à l’œuvre dans le cas de ce qui se passe en Grèce où les mêmes mécanismes ont fonctionné à plein régime. L’écœurement s’accroit quand on constate que le montant en cause est un besoin d’emprunt de vingt milliards d’euros de l’Etat grec ! C’est pour cette somme que les soit disant « marchés » ont déclenché un assaut pour prendre à la gorge des millions de retraités et fonctionnaires grecs ! Rien ou presque. Pour prendre un repère dans l’ordre des sommes concernées notons que c’est moins que la somme consacrée par le groupe Total au rachat de ses propres actions pour augmenter leur rendement boursier.

Mais le comble est que dans le même temps, les Etats unis d’Amérique lèvent sans histoire deux mille milliards de dollars d’emprunts alors que leurs comptes publics sont dans un état cent fois pire que celui des grecs. Et s’il fallait encore ajouter au tableau de ces turpitudes, on constatera que « les marchés » qui ont parait-il sanctionné le mauvais état de santé des compte publics grecs sont composés des même personnes qui ont aidé cette Etat à présenter ses comptes et qu’ils ont de surcroit spéculé eux-mêmes sur la chute de crédit de ces comptes ! Tel est le libéralisme et sa soi-disant main invisible bienfaisante ! Une main de voleur, rien de plus.

UN BON TEST

Ici ou là je lis que cette affaire grecque serait un test. Je le crois. Pour « l’ordre globalitaire » mondial c’en est un. Les grecs ainsi pris à la gorge peuvent-ils parer le coup qui leur est porté ? Si c’est non l’opération sera reproduite en Espagne, puis en Italie et inéluctablement en France. Il faut donc lire les évènements grecs comme un moment majeur de politique à l’intérieur de la séquence ouverte par la crise du système financier mondial. De notre côté la question posée par ces évènements ne met pas seulement au défi notre capacité à penser correctement ce qui se passe mais à nous projeter en nous demandant ce que nous ferions en situation de responsabilité.

Pour moi c’est une composante incontournable du moment. Car une première analyse permet de constater que comme prévu ce système est capable de s’enrichir à partir des conséquences de ses propres turpitudes. La finance ne trébuchera pas sur ses propres dégâts. Elle ne peut recevoir de coups que par la politique. Soit les Etats se défendent et frappent soit ils baissent la tête et se soumettent. Dans ce dernier cas ce sera une punition sans fin pour les peuples concernés.

DENT POUR DENT

Sous un gouvernement du Front de Gauche, si le pays faisait l’objet d’une attaque de cette sorte, il ne faudrait pas considérer qu’il s’agit d’un problème économique mais d’un problème politique de rapports de force. Cela veut dire qu’il faudrait frapper à la tête, c’est-à-dire le système bancaire et les super profits. Dent pour dent œil pour œil ! La loi du talion ! En le disant à l’avance on prévient et on s’épargne bien des souffrances. Cela s’appelle la dissuasion. C’est une affaire de souveraineté nationale.

Les Grecs ont consacré trop d’argent à s’armer contre les Turcs et pas assez à s’organiser pour frapper la cyber finance. Leur souveraineté nationale est davantage menacée par les banques et spéculateurs que par les Turcs ! Si les Turcs avaient violé l’espace grec comme les banques l’ont fait les Grecs auraient répliqué. Là ils ont été frappés et c’est le gouvernement lui-même qui transmet le coup sur chaque tête de citoyen ! Dans cette situation il aurait dû au contraire rendre les coups pour dissuader l’adversaire d’avancer davantage. Deuxième conséquence de ce que nous voyons. J’ai dit et répété que l’Europe du traité de Lisbonne n’était pas la solution mais le problème. A présent on voit que cette Europe là est non seulement le problème du fait de son ouverture sans entrave et par principe mais l’aggravation garantie du problème que rencontrerait un de ses Etats membres.

La Grèce a eu la tête enfoncée dans l’eau par les commentaires et exigences sans fin de la Commission, et elle est empêchée de recevoir de l’aide des autres Etats à cause du traité de Lisbonne qui l’interdit. Par conséquent dans un nouvel épisode de crise qui arriverait à notre pays, nous disposerions d’une situation où l’évidence nous permettrait de remettre en cause le traité et de proposer aux Français d’en sortir, ce qui serait beaucoup plus difficile à réaliser à froid. Troisième leçon de choses. Selon moi, compte tenu de l’état de délabrement de l’Etat grec du fait des politiques libérales de ces dernières décennies, constat qui vaut pour l’Espagne, le Portugal et l’Italie, la nouvelle saignée fragilise ces pays d’une manière qui les conduit à une situation de type latino américaine. Un bug mineur peut conduire à un blocage total.


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