L’Eglise catholique de France joue double jeu en cautionnant la présentation d’une « liste chrétienne » anti avortement (ma contribution au 8 mars)

dimanche 14 mars 2010.
 

L’EGLISE CONTRE LES FEMMES

Ennemie historique de ce que tous les progressistes nomment les « droits des femmes », l’Eglise catholique en France, comme dans le reste de l’Europe, reprend ses bannières de combat sous l’impulsion du pape et des réseaux intégristes. Comme on le sait en Amérique latine, sans trêve ni limite, et dans le sud de l’Europe, c’est par le biais de la lutte contre le droit à l’avortement que l’église reprend pied sur la scène politique d’où elle a été expulsée du fait de ses accointances criminelles dans un passé récent avec les régimes dictatoriaux. En France c’est nouveau. Mais le 17 janvier 2010, la « marche pour la vie » des anti-avortement à Paris était soutenue par 24 évêques, dont le « primat des Gaules », le cardinal Barbarin, évêque de Lyon.

Pour la première fois quinze mille personnes se retrouvées pour cette mauvaise action. Ce secteur de l’église est dorénavant présent dans les élections, ouvertement, après avoir longtemps marché à couvert du Front National. Et c’est ainsi qu’il y a donc une « Liste chrétienne » présentée pour les élections régionales en en Ile de France. Cet évènement est entouré d’un silence protecteur. Il passe inaperçu et sans commentaires d’aucun horizon. Imaginons ce que serait l’accueil réservé à l’existence d’une « liste musulmane » ! Pourtant cette liste ne peut manquer de soulever le débat. Si toutefois le débat a encore sa place dans une élection et si l’on prend au sérieux le fait que des gens y proposent de représenter leurs idées dans les assemblées de notre République. Les partisans de celle-ci se veulent les défenseurs de « l’identité française et de l’identité chrétienne de la France ». Leur profession de foi affirme qu’ « être chrétien peut être un positionnement politique en lui-même ». L’essentiel de leur propos est qu’ils proposent de voir la région financer des alternatives à l’IVG dans les hôpitaux et, bien sur, de renforcer les financements de l’enseignement privé. La composition de la liste est aussi agressive que le titre et la profession de foi.

UN DROLE DE DOCTEUR

Le docteur Xavier Dor est le numéro 5 de cette « liste chrétienne » à Paris. Ce n’est pas un inconnu. Loin de là. Médecin, né en 1929, il est le fondateur du mouvement anti-avortement « SOS-Tous petits ». Il est surtout l’inventeur et animateur des commandos anti-avortement dans les hôpitaux ! Nous parlons ici de plus de 200 infâmes opérations commandos menées entre 1987 et 1998. Xavier Dor condamne l’avortement, y compris en cas de viol de la mère ! Bien sûr il refuse toute contraception. Extrémiste halluciné en tout, il compare volontiers l’avortement à la Shoa en dénonçant « le génocide de 7 millions d’enfants à naître depuis la loi Veil ». Personne ne relève l’anti sémitisme que ce propos laisse affleurer. Sa tête est-elle « trop catholique » pour cela quand celle d’autre est réputée ne l’être pas assez ? Pour le coup voici un multirécidiviste endurci !

Il a été condamné 12 fois à des peines d’amende et de prison avec sursis, totalisant ainsi des condamnations pour 28 mois de prison avec sursis. Grace soit rendue de cela à la loi Neiertz de 1993 qui a créé le délit d’entrave au fonctionnement des services d’IVG. C’est d’ailleurs cette répression ferme qui a permis de faire cesser la malfaisance de Xavier Dor et de ses complices. Il a été aidé à réfléchir par une incarcération une première fois pendant 11 jours en novembre 1997, à la prison de Bois d’Arcy. La suite est presque drôle. Pour échapper à sa condamnation suivante en 1998, 1 mois en centre de semi-liberté, il a même demandé l’asile politique à la Nonciature apostolique à Paris. Le Vatican a refusé. Mais si stupide violent et cruel qu’il soit, Xavier Dor a marqué bien des points décisifs grâce à Sarkozy.

LA DROITE FAIT LE BOULOT DES ANTI-IVG

Le premier commando organisé en 1987 par Dor et sa bande visait le centre IVG de l’hôpital Tenon à Paris. Celui-là même que le gouvernement vient de fermer, donnant raison 22 ans après à Xavier Dor ! Le gouvernement a fermé en 2009, 4 importants centres IVG en Ile de France : Tenon, Jean Rostand, Broussais, Avicenne. Ces quatre centres pratiquaient le quart des avortements de la région. Avec la fermeture prévue de Saint Antoine, cela fera 5 centres fermés en 1 an. Résultat : les délais d’attente pour une IVG en Ile de France dépassent 3 semaines. Sachant que le délai légal est de 12 semaines, on peut dire qu’avec ces fermetures, très concrètement, le droit à l’avortement est directement menacé. La restructuration hospitalière conduit à fermer la plupart des centres IVG autonomes et à noyer cette activité dans des services d’obstétrique, sans moyens ni personnels propres.

Le gouvernement remet ainsi en cause le principe de la loi de 1979 qui affirmait l’obligation pour chaque hôpital d’offrir la possibilité d’IVG. On comprend mieux alors qu’une action menée de propos aussi délibérée soit accompagnée de petits signes de connivences qui en soulignent la signification pour ceux à qui ces signes sont destinés. Ainsi quand le gouvernement a nommé un éminent anti-IVG, Xavier Dousseau, à la tête d’un important hôpital psychiatrique, l’établissement public de santé mentale de la Marne. Dousseau détient le record de la plus lourde condamnation jamais prononcée contre un commando anti-avortement : 18 mois de prison ! Mais il est vrai qu’il s’était enchaîné en 1995 dans le bloc opératoire de l’hôpital de Valenciennes. Comble de tout, il était le directeur adjoint de l’hôpital !

LA LAÏCITE EST DEFENDUE

Je ne sais pas s’il y a eu un autre communiqué que celui de mes camarades des têtes de listes départementales du Parti de gauche. A part celui de Martine Billard, député de Paris. D’autres forces politiques se sont elles exprimées ? Lesquelles se sont tues ? « Les fous de Dieu n’ont pas leur place dans une campagne républicaine ! » ont déclaré mercredi 24 Février 2010, Pascale Le Néouannic, François Delapierre et Eric Coquerel, têtes de liste dans les Hauts-de-Seine, en Essonne et à Paris pour la liste « Ensemble pour des Régions à Gauche ». Ils ont dit leur indignation face à la présence, lors des prochaines élections régionales, de cette liste menée par Axel de Boer, président du tout nouveau parti Solidarité France, qui revendique haut et fort son engagement « pro-Vie » et chrétien. N’affirme-t-il pas vouloir « continuer à porter devant les électeurs un projet chrétien pour notre pays […] en s’appuyant sur la Doctrine Sociale de l’Eglise ».

Mes amis pointent également le danger que représente la revendication d’un discours anti-avortement à l’heure où ce droit est déjà menacé par la politique gouvernementale. Ils rappellent que nous sommes en pleine période de démantèlement des centres de planning familial et fermeture de nombreux centres d’IVG. Ils s’engagent, lorsqu’ils seront élus, à poursuivre et développer les campagnes d’information et de prévention concernant la contraception comme le droit à l’avortement et à défendre inconditionnellement les droits des femmes, premières victimes des intégrismes religieux. Ce qui est intéressant c’est que la « liste chrétienne » a répondu.

LA REPONSE DES FOUS DE DIEU

Voici cette réponse. Elle me parait très instructive à propos du point de vue sous lequel se situent nos adversaires. Il me parait que cela devrait éclairer nombre de ceux qui ont demandé à propos des islamistes des compréhensions qu’ils n’admettraient pas je l’espère pour « la liste chrétienne » en découvrant l’ampleur du fanatisme et des réécritures de l’histoire que ces gens portent. Lisons. « Il est certes normal de voir une liste qui se revendique d’une idéologie qui a tant versé de sang considérer les chrétiens, qui ont inventé la démocratie, comme un danger pour elle. Il est par contre toujours surprenant de voir une liste de gauche attaquer les valeurs sociales chrétiennes, qui sont de fait bien plus ambitieuses et généreuses que le marxisme ; car là où les communistes croient en la suprématie de l’économie sur l’homme (le capitalisme d’état comme une fin en soi, le marxisme étant une théorie économique), nous chrétiens nous croyons en la suprématie de la personne sur l’économie et sur ses lois. Là où les marxistes veulent supprimer des libertés, nous voulons en ajouter de nouvelles pour permettre l’émergence d’une économie sociale."

CULTURE DE MORT

"La culture de mort avance en transformant les personnes en objet et en marchandise. En soutenant la transformation du corps en propriété privée (« mon corps m’appartient », un non sens éthique et politique puisque le corps n’est pas à vendre), ce n’est pas le droit des femmes que défend le Front de Gauche mais les plus grands archaïsmes de notre temps : la disponibilité totale du corps de la femme pour satisfaire l’homme et le droit de vie et de mort sur nos enfants. Les chrétiens ont inventé le respect de la personne, c’est dans les pays de longue culture chrétienne que sont nés les droits de l’homme, et l’espérance en l’avenir. Dès qu’une société s’éloigne des valeurs chrétiennes, qui sont pour l’essentiel des valeurs naturelles, elle se transforme en machine de mort, en perte de sens, en violences, en communautarismes. C’est ce qui se passe aujourd’hui.

Le XXème siècle a vu naître trois idéologies monstrueuses : les fascismes, les communismes et la culture de mort. Les chrétiens ont combattu les fascismes, les chrétiens ont vaincu les régimes communistes, nous vaincrons de même la culture de Mort. (…) On ne construit rien contre l’autre, on construit en ayant un projet de société. La pensée politique chrétienne est riche et nouvelle, nous savons vers quoi nous voulons aller. Nous proposons ainsi aux frontistes (le terme de « front », qu’il soit national ou de gauche nous dérange) une alliance autour des droits de la personne ; gageons que notre offre d’ouverture sera rejetée et montrera la vérité de notre propos : cette opposition à « La Liste Chrétienne » est en réalité une opposition discriminatoire et intolérante à la présence du christianisme dans notre société, telle que la garantissent la Constitution et la Laïcité. Nous rappelons que « La Liste Chrétienne » n’est pas une liste religieuse mais une liste politique qui veut mettre en pratique dans la Cité une approche humaine du service du bien commun, pour renouveler une classe politique de gestionnaires du quotidien sans aucun projet d’avenir. On ne confie pas à des gestionnaires, de droite de gauche ou du centre, ni à des acteurs de théâtre médiatique, les clefs d’un pays. »

Ce texte est signé Axel de Boer, candidat tête de liste de « La Liste Chrétienne ».

Vous voici prévenus.

Où SONT PASSES LES LAIQUES DE LA VINGT SIXIEME HEURE ?

Bien sûr on dira de ma charge contre l’église catholique qu’elle est excessive. Que l’église ne soutient pas cette liste. Et ainsi de suite. Donc nous pouvons reprendre à son endroit ce que nous avons entendu dans un passé récent à propos de l’Islam. Nous demandons aux catholiques modérés de condamner cette liste. De condamner le comportement criminel de ses animateurs. De réfuter leurs revendications. De condamner leurs allégations injurieuses contre la gauche. Ils vont le faire ? Ou bien ils vont regarder ailleurs en attendant que cette engeance malfaisante et haineuse ait progressé ? Qu’elle se soit installée dans le paysage politique suffisamment profondément pour peser sur lui ?

Les ardents nouveaux laïques qui ont saturé l’espace de leurs clameurs contre les intrusions de l’islamisme dans la sphère publique vont-ils nous suivre lorsque nous prolongeons cette protestation à propos de l’église catholique ? Evidemment non. Et nous savons tous pourquoi. Parce qu’ils ne sont pas laïques mais partisans de la « laïcité positive » prônée par le pape Benoit XVI à l’instar de Nicolas Sarkozy et des proclamations de son discours de Latran.

Leur projet est que les religions puissent être présentes dans l’espace public, chacune à la place que l’histoire et « l’identité nationale » leur donne. C’est le cœur de la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington. Resterait à négocier cette place. Et alors cette négociation changerait la nature des enjeux politiques. Elle structurerait le champ politique en reformatant toutes les questions qui s’y présentent. Mais pour que cela puisse commencer, il faut d’abord donner un ancrage solide à la question religieuse, une forme concrète, visible, porteuse d’une évidence.

C’est le corps des femmes qui fournit aux religieux cet ancrage. Depuis toujours. Dans la mesure où il produit les enfants il pose la question de sa propriété. Est-il le bien de la personne ou celui de la société et donc des hommes qui dominent celle-ci ? Bref, l’individu a-t-il vocation à être totalement émancipé, c’est-à-dire totalement libre de la tutelle forcée d’autrui ou bien ses « devoirs » sont-ils le préalable de ses droits ?

Tout le débat entre lumières et tradition est là. La journée de lutte pour les droits des femmes concentre cet enjeu. C’est une journée des lumières.


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