Carnet de campagne entre Orly et Rodez De sortie à la télé à propos d’industrie

dimanche 14 mars 2010.
 

J ’écris plus brièvement que d’habitude parce que je suis en transhumance permanente et que cela laisse peu de temps pour se pencher sur le clavier. Cette semaine mon samedi a été à moitié mangé par le voyage retour de Clermont et mon dimanche aura été lui aussi sévèrement réduit par deux émissions de télés que je prépare déjà depuis deux jours et surtout par le vol Paris Toulouse que je fais le soir pour être à pied d’œuvre dès lundi 8 mars le matin à Rodez. Ensuite j’irai à Albi et le soir ce sera le meeting de Toulouse. Je fais cette note pour prolonger ou documenter ce que j’ai dit à la télé. Si je ne la programme pas maintenant cette note sera mort née. Dehors la cathédrale de Rodez fait la maline avec un éclairage qui l’habille comme un gant.

LE PLAN PLAN INDUSTRIEL

D’abord j’étais sur le plateau de BFM télé dans l’émission d’Olivier Mazerolle. J’étais enchanté d’être interrogé sur des sujets pointus qui me sortent des ronrons sensationnalistes habituels. On y a parlé politique industrielle notamment. Et comme ensuite, sur France 5 chez Nicolas Demorand il a été question à la fois de paysannerie et de production automobile, je peux dire que j’ai été gâté car ces sujets permettent de montrer la cohérence de nos analyses et propositions. Du point de vue du récit il est presque commode de passer de l’un à l’autre et de donner à voir une pensée d’ensemble. Alors je commence. Je n’ai pas été impressionné par le plan Sarkozy sur l’industrie. Ca m’a même fait pitié. Comme d’habitude c’est un flot de paroles empruntées à d’autres et sans perspectives ni contenu concret réel. Dans son discours de Marignane, il a fixé l’objectif chiffré d’une progression de 25 % de la production industrielle française d’ici 2015. A peine annoncé, ce chiffre était déjà relativisé le lendemain vendredi 5 mars par Henri Guaino qui l’a qualifié d’objectif « purement indicatif ». Au demeurant cet objectif est peu ambitieux car il reviendrait à peine à retrouver le statu quo de la production industrielle française avant la crise et la forte baisse de 2008-2009. Surtout, Nicolas Sarkozy n’a rien proposé pour stopper les délocalisations en cours. Faute de mesure pour empêcher les délocalisations des industries qui sont encore en France, les 3013aides à la relocalisation s’apparentent à des primes à ceux qui ont délocalisé, alors qu’il vaudrait mieux prévenir que guérir.

Les actes posés, eux, vont dans l’autre sens. Par exemple il s’est félicité des mesures déjà prises qui sont censées aider l’industrie. Comme la suppression de la taxe professionnelle. Il est vrai que cela représente 12 milliards de cadeaux à l’ensemble des entreprises en 2010, puis 6 milliards par an à partir de 2011. Pourtant cette masse d’argent est donnée sans contrepartie pour le maintien durable de l’emploi en France. J’ai plutôt pensé qu’il s’agissait d’un plan bâclé, fait pour occuper la galerie. Faute de nouveaux moyens, Sarkozy a recyclé le milliard de mesurettes qu’il avait déjà annoncées pour l’industrie dans le Grand emprunt. Et comme d’habitude, Sarkozy a aussi répété qu’il défendait une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne qui est pourtant interdite par les traités européens et le Traité de Lisbonne qu’il a lui-même signé. Les traités exigent en effet (article 21 TUE et 206 TFUE) : « la suppression des obstacles au commerce international », « la suppression des restrictions aux échanges et aux investissements directs étrangers » et « la réduction des barrières douanières et autres ». « Et autres » : cela veut dire qu’il est impossible avec ce traité d’imposer des règles sociales ou écologiques aux importations et aux investissements étrangers. La seule nouveauté est l’annonce (encore floue) de nouvelles mesures fiscales en faveur des placements d’épargne en actions qui vont soumises à la concertation. Le risque si l’on s’en tient aux habitudes de la droite est que cela débouche sur la création d’une nouvelle niche fiscale pour les plus riches.

Christian Estrosi, quel numéro !

En face de Demorand sur France 5 on croyait rêver en l’entendant parler de la relance de l’industrie avec des mots qui semblaient directement tirés de mes motions de congrès du temps où j’étais au PS. « L’Etat stratège » et « l’Etat volontaire ! » c’était des slogans de la « Gauche Socialiste ». Sans oublier le numéro sur « ceux qui ont dit que l’industrie c’est du passé et vive les services ». De qui parlait-il sinon de tous ses amis et des libéraux en général ! Dans la loge où j’attendais de passer sur le plateau j’écumais ! Le pompon c’est quand il a recommencé son boniment à propos de Renault : « une voiture française, destinée à être vendue en France, doit être fabriquée en France ! ». Juste après avoir dit que dorénavant l’Etat serait représenté au comité de stratégie du groupe ! Problème : ce comité stratégique existait déjà avant qu’Estrosi et Sarkozy se vantent de l’avoir inventé. Il s’appelle Comité de stratégie internationale. Et il compte déjà un représentant de l’Etat en la personne de Catherine Bréchignac ! Pour jouer le jeu de Sarkozy, et de la communication de l’Elysée, Renault a toutefois annoncé la création d’un nouveau comité stratégique … tout en précisant qu’il serait certainement rattaché ou fusionné avec celui qui existe déjà. Et Renault a précisé qu’il n’aurait qu’un rôle d’ « information et consultation » et nullement de décision.

En effet, les décisions sur la stratégie industrielle de Renault sont prises ailleurs ! C’est à dire … aux Pays-Bas où se tient chaque mois le directoire de la holding Renault-Nissan. Réunion sans l’Etat français actionnaire. Car celui-ci n’est représenté que dans le conseil d’administration de Renault SA, lequel entérine ce que décide la holding mère. On voit donc la taille du bobard débité par Estrosi. Quant à la voiture française destinée à être vendue en France et qui sera produite en France, ça ne vaut pas plus cher en poids de vérité. Vous avez entendu le bobard sur le fait que les voitures Renault ne seraient pas produites en Turquie. Elles le seront. Car la délocalisation de la production des Clio est déjà bien avancée : 60 % des Clio sont déjà fabriquées à Bursa en Turquie quoiqu’en dise monsieur Estrosi. Et il n’est pas question que cette production revienne. Ce dont il est question c’est seulement du maintien de la production du site de Flins où ne se fait plus que 40 % de la production de ces Clio ! Mais, il y a pire mensonge dans les propos du ministre sur le plateau de France 5..

LE BOBARD

Bien d’autres voitures françaises produites pour être vendues en France seront bel et bien produites ailleurs et monsieur Estrosi s’est bien gardé de le dire. En effet, en 2008, Renault a signé un accord avec le Maroc pour construire une gigantesque usine sur 300 hectares à Tanger, pour 600 millions d’euros d’investissements. L’objectif étant de passer de 30 000 véhicules produits au Maroc à 200 000 puis 400 000 par an. 90 % de la production, centrée sur la gamme économique Logan, sera destinée à l’exportation hors du Maroc. Renault a présenté ce projet comme ayant vocation à devenir « le site le plus compétitif du monde » du groupe. Ce n’est pas tout ! En 2008 encore Renault a finalisé avec l’Inde un accord industriel pour construire une grande usine à Chennai pour sa filiale Nissan.

Pour 780 millions d’euros d’investissements et un objectif de 400 000 véhicules produits par an. Et ces voitures ne sont pas seulement destinées au marché indien comme l’a indiqué le n°1 de Nissan lui-même : « l’Inde sera une nouvelle base d’export qui permettra à Nissan d’être compétitif dans la chaîne d’approvisionnement internationale. » Les premières voitures sont sorties de l’usine en janvier 2010. Si j’ai insisté sur la date de 2008 c’est parce que monsieur Estrosi a dit, en cours de route, que leur équipe n’étant au pouvoir que depuis deux ans, tout n’avait pas pu être fait. Mais pour ce qui est de défaire on peut dire qu’ils n’ont pas manqué de temps. N’empêche que pour ce qui est de l’automobile et des exploits de cette équipe on voit ce qu’il en est. Mes deux exemples suffisent. Tout le reste hélas est du même acabit : des mensonges assénés comme des vérités par quelqu’un qui fonctionne sur le style dorénavant dominant a l’UMP : parler sans discontinuer ni s’interrompre et ne craindre aucun bobard !

UNE STRATEGIE DE DUMPING

La stratégie de dumping de Renault n’a pas bougé d’un iota depuis que monsieur Estrosi prétend y avoir mis bon ordre. Le plan de 6 000 suppressions d’emplois annoncé en 2008 n’a pas été remis en cause, alors que l’entreprise est bénéficiaire. Pire, Renault a provisionné 600 millions d’euros de stocks options dans ses comptes 2008, à distribuer à ses plus hauts cadres et dirigeants. Sans gène ! Car pendant ce temps les salaires ouvriers de l’entreprise ont chuté en moyenne de 15 % en 2008 du fait du chômage partiel. Et l’entreprise exige aussi des syndicats le gel des salaires pour 3 ans, l’allongement du temps de travail et de nouvelles mesures de flexibilité. Le tout pour remplir l’objectif d’être « être le constructeur généraliste européen le plus rentable ». C’est-à-dire celui qui distribue le plus de dividendes ! Dans cette stratégie de dumping, Renault a trouvé avec la Commission européenne un allié zélé.

Dès l’annonce du Plan français d’aide à l’automobile, la Commission avait déclaré le 10 février 2009 que « toute obligation de garder une unité de production en France rendrait ces aides illégales ». Monsieur Estrosi a juste oublié d’en parler à Nicolas Demorand. Et à l’issue du Sommet européen du 2 mars 2009, la Commission s’était réjouie d’avoir obtenu de la France que « les conventions de prêt avec les constructeurs automobiles ne contiennent aucune condition relevant de la localisation de leurs activités en France. » En clair : au nom de la libre concurrence, les constructeurs doivent avoir le droit de délocaliser. C’est ce que Nelly Kroes, la commissaire à la concurrence a encore rappelé à la France début janvier 2010. Ce n’est pas si vieux pour qu’Estrosi l’ait oublié, tout de même ! Cette dame Nelly Kroes pèse son poids puisqu’elle vient d’être nommée vice-présidente dans la nouvelle commission Barroso. Et comme les députés européens de l’UMP ont voté pour elle, c’est qu’ils étaient d’accord !


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