Le désastre écologique de l’abandon du fret SNCF

mardi 16 mars 2010.
 

Didier Le Reste et la fédération CGT des cheminots ne cessent de dire qu’il y a tromperie sur la marchandise. Ils alertent, avec raison, sur les conséquences du plan fret SNCF, établi dans le cadre de l’engagement national, « Fret ferroviaire d’avenir », du gouvernement. J’ajoute qu’il y a escroquerie intllectuelle sur l’écologie.

En septembre 2009, nous avons été abreuvés d’une campagne médiatique sur l’engagement national pour le fret d’avenir. Les annonces d’économies carbone y allaient bon train. La confiture dégoulinait à flots pour rendre appétissant le programme, faute de financement avéré. Nous l’avions dit, ONG et syndicats, dans un communiqué en date du 21 septembre 2009, « les effets bénéfiques du plan ne doivent pas être anéantis par l’abandon du fret ferroviaire de proximité… L’abandon du wagon isolé par la SNCF provoquerait, lui, un transfert (modal) du même ordre de grandeur mais en sens inverse, de manière immédiate et irréversible »…

Or, qu’en est-il vraiment  ? Une étude menée en toute discrétion à la diligence de la SNCF par le cabinet Carbone 4, et que nous avons pu nous procurer, confirme l’essentiel de nos mises en garde. Ce mensonge d’État est à la hauteur de la considération réelle portée à l’enjeu climatique. L’étude avance des éléments qui méritent de nourrir le débat public, face à des intentions contraires à l’intérêt général et au Grenelle de l’environnement.

Le premier point est son caractère partiel, directement lié au cahier des charges soumis par la SNCF. L’étude a porté sur la recherche d’économies de coût carbone pour l’entreprise et non pas sur les émissions globales du secteur des transports, à diminuer à l’échelle de la France. Cet aspect lève le masque sur la philosophie du plan fret SNCF. Un scandale pur et simple  ! Au demeurant, cela démontre combien le principe capitaliste du marché du CO2 limite les objectifs de réduction d’ensemble des émissions au plan de la société et freine les changements nécessaires dans les modes de production, de transport et de consommation. Phénomène accentué par la spéculation sur le marché carbone et le choix d’une fiscalité carbone qui exonère le transport routier.

Le second point autorise à penser qu’il y a manipulation, car des éléments fort intéressants de l’étude sont mis sous l’éteignoir. L’étude propose, en effet, plusieurs scénarios en pointant l’impact CO2 dans la société. Or, la SNCF n’a jamais mis en débat qu’un seul point, celui de son plan prédéterminé, que l’étude baptise « Scénario tout vert pour la SNCF » et non pour la société. C’est le plus mauvais élève. Un autre scénario, intitulé « le scénario “fou”  ? ou prudent » (on notera la ponctuation !), est « le plus alléchant sous l’angle du carbone… mais pas seulement ». Il a été soigneusement caché. Pourquoi  ? Quelques extraits sont éclairants. Il précise qu’un « portefeuille large d’offres de fret prémuni d’évolutions socio-économiques imprévisibles ». Il affirme qu’il faut « garder la messagerie et, ce faisant, de bénéficier d’une spécificité française du réseau maillé fin et de permettre à la France de réduire ses émissions au plus vite ». Ce scénario, poursuit l’étude, « évite au plus tôt des émissions de gaz à effet de serre, car la pénalité abandon messageries (300 000 tonnes équivalent CO2 par an) n’existe pas ».

Enfin, l’étude chiffre à 6 millions de tonnes de CO2 la masse d’émissions évitées en comparaison du plan SNCF, à propos duquel le rédacteur pointe une réduction de 25 % de la masse salariale. La convergence entre les enjeux sociaux et écologiques est bien là.

Il faut que ceux qui œuvrent à la défense de l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique sortent du silence. Le débat public objectif ne peut plus être confisqué  : les questions sociales et de réduction de GES sont liées. La manipulation peut être déjouée. Le plan retenu par la direction de la SNCF n’est pas soutenable. Fondé sur les concepts économiques qui ont produit les errements du passé, il induira les mêmes effets. La priorité au développement humain durable impose de transformer les processus productifs pour qu’ils contribuent à diminuer les rejets de CO2 de la France, l’entreprise publique ne peut s’en exonérer. Le développement du transport peu polluant est incompatible avec l’abandon d’une part importante de l’activité fret et d’installations de la SNCF qui pourraient faire besoin dans un avenir proche.

J’accuse ces décideurs de délibérément agrandir le trou dans la couche d’ozone en persistant uniquement dans leur dogme du dumping social et d’une vision financière à court terme.

Par daniel Geneste, secrétaire général de l’Union Interfédérale des Transports CGT, négociateur au Grenelle.


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