La crainte d’une France sans paysans (dossier de L’Humanité)

vendredi 12 mars 2010.
 

Agriculture. L’agronomie importe plus que les biotechnologies

Cette année, la vitrine du Salon est officiellement porteuse de modernité avec la mise en exergue 
des biotechnologies. Sous l’influence des firmes 
de l’agrobusiness, les organisateurs mettent l’accent 
sur les débouchés multiples de la production 
de céréales et d’oléagineux dans le non-alimentaire. Outre la production d’agrocarburants, les débouchés porteurs de demain seraient la pharmacie, 
les cosmétiques, les détergents, le textile, la plasturgie, l’emballage. Certes, les possibilités seront grandes dans chacun de ces domaines. Mais, sans arbitrage politique, nous irions alors vers une production agricole à usages multiples selon la rentabilité des créneaux de production.

Ce pilotage par la main invisible du marché vers 
les débouchés les plus rentables ne doit pas être retenu pour engager la réforme de la politique agricole commune pour 2013. Cette politique d’approvisionnement 
à moindre coût en matières premières agricoles 
existe déjà au niveau européen. Elle privilégie 
les importations en provenance de toutes les régions 
du monde au détriment des productions vivrières pour 
les populations locales. Elle ruine nos paysans et dégrade les écosystèmes des pays du Sud qui nous exportent 
du soja, de l’huile de palme et quantité d’autres produits. Dans l’intérêt des paysans comme de celui 
des consommateurs européens, la PAC de l’après-2013 doit viser l’horizon 2050. Dans quarante ans, le pétrole sera très cher. Les engrais azotés seront plus coûteux à produire et les engrais phosphatés issus de minerais seront déjà plus rares. Pour nourrir 500 millions d’Européens, il faudra faire travailler les écosystèmes 
de manière intelligente, fournir aux herbivores ruminants et aux animaux omnivores, comme le porc, des rations alimentaires moins granivores qu’aujourd’hui. Pour 
une alimentation humaine diversifiée, des arbres comme le châtaignier, le noyer et l’olivier vont redevenir précieux en Europe au milieu du XXIesiècle. Encore faudrait-il 
les planter sans tarder. La productivité agricole de demain dépendra davantage des bonnes pratiques agronomiques que du technicisme.

Par Gérard Le Puill

Agriculture. la finance affame la planète

Entre 2008 et 2009, le nombre d’être humains souffrant de la faim dans le monde est passé, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), de moins de 900 millions à 1,2 milliard. Ce phénomène ne s’explique pas par de mauvaises récoltes mais par la forte hausse des prix des denrées agricoles, provoquée elle-même par la spéculation. Soucieux de restaurer leur profit, les marchés financiers se sont tournés vers les céréales et le riz. La flambée des prix a renvoyé plusieurs centaines de millions d’habitants dans « un état d’insolvabilité ». En clair, on meurt 
de faim parce qu’on n’a pas les moyens d’acheter de la nourriture.

Agriculture. Les productions malades de 
la concurrence

Coût du travail ou normes sanitaires  : l’agriculture française se plaint d’être en concurrence déloyale avec ses voisines.

Les productions agricoles vont-elles être boutées hors de France sous le coup de la distorsion de concurrence  ? C’est ce que l’on commence à se dire sérieusement du côté des intéressés. Soumis à des contraintes auxquels leurs voisins échappent, les producteurs français tirent depuis des mois la sonnette d’alarme. Mis en cause, singulièrement, le coût du travail, plus élevé en France que dans les pays limitrophes. Alors qu’une heure de cueillette se facture 11,32 euros en France, elle ne coûte que 7,80 euros en Espagne et que 6euros en Allemagne, où les acquis sociaux sont moindres. L’arrivée massive de travailleurs venus des ex-pays de l’Est complète le tableau, quand elle est désormais autorisée à les salarier aux conditions sociales en vigueur dans leurs pays d’origine. En dix ans, l’Allemagne est ainsi parvenue à doubler une production de fraise dont elle n’était pourtant pas originellement spécialiste et qui inonde à présent les marchés européens.

Le phénomène ne se contente pas de permettre à la grande distribution de faire pression sur les prix et de mettre en compétition les producteurs européens. La production elle-même tend à se délocaliser. « On peut prendre l’exemple du lait », illustre Guy Vasseur, nouveau président des chambres d’agriculture. « Alors que la France n’aura pas réalisé l’intégralité de son quota en 2009, l’Allemagne et les ex-pays de l’Est, eux, vont certainement dépasser le leur. » Le fait est que la filière se concentre peu à peu de ce côté de l’Europe. « Il faut poser la question de la compétitivité de nos filières, estime-t-il, et si contraintes il doit y avoir, elles doivent être les mêmes pour tous. » La remarque ne vaut pas uniquement pour le coût salarial. Les normes imposées par la France, en termes d’environnement, font elles aussi tordre du nez. Celles portant, par exemple, sur l’utilisation des produits phytosanitaires, rendue plus stricte qu’ailleurs. Quant à la taxe carbone…

M.N.B.

Agriculture. Charles Beigbeder chez les affameurs

Le fondateur de Poweo, qui fait également partie de la direction du Medef, se lance dans la spéculation agricole en louant des milliers d’hectares en Ukraine.

Charles Beigbeder est un dirigeant du Medef. C’est aussi un homme dont le souci premier est de gagner le plus d’argent possible, le plus vite possible, en réalisant des bons coups. Il avait débuté en créant la banque en ligne Selftrade. Une entreprise revendue avec profit pour créer Poweo, un groupe privé de distribution d’électricité dans la perspective de l’ouverture à la concurrence imposée par une directive européenne. Comme Poweo patine sur le marché face à EDF, Beigbeder y a vendu ses parts, tout en conservant son salaire de PDG. L’argent tiré de la vente lui a permis de monter AgroGeneration avec des partenaires parmi lesquels figure la coopérative Champagne Céréales. Il a commencé par louer 22 000 hectares de terres fertiles en Ukraine et espère atteindre les 100 000 hectares dans trois à quatre ans. Il prévoit des résultats positifs en 2010, des profits importants en 2011. Il promet de distribuer de gros dividendes dès 2013 en vendant du blé, du maïs, du colza et du tournesol récoltés en Ukraine. Un bail reconductible de dix-neuf ans lui permet de louer des terres pour 28 euros l’hectare, cinq fois moins cher qu’en France.

Revenus de l’embellie de 2007-2008, les céréaliers français peinent à dégager un revenu en 2009. Mais le quotidien économique les Échos affirmait récemment que « les retours sur investissement sur dix ans » sont évalués « entre 10 et 40 % » par an dans un pays comme l’Ukraine, ajoutant même qu’ils « peuvent atteindre 400 % en Afrique ». Pour peu que les marchés soient porteurs dans un proche avenir…

On ne s’étonnera pas, après cela, que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde soit passé de 830 millions en 2007 à plus d’un milliard en 2009. En s’emparant de l’arme alimentaire, les grandes firmes capitalistes préparent de nouvelles famines et des migrations de populations de plus en plus importantes.

G.L.P.

Agriculture. Racket sur les produits laitiers

Quel est le lien entre la baisse de 34 % du revenu paysan en 2009 et l’application de la loi de modernisation économique votée par l’UMP  ? Le dossier lait apporte la réponse. Un, le prix payé au paysan a baissé de plus de 20 % en moyenne, au point de provoquer du déficit d’exploitation dans 20 % des fermes. Deux, les produits transformés par les laiteries ont coûté 8 % de moins qu’en 2008 aux distributeurs. Trois, les prix moyens payés par le consommateur n’ont baissé que de 1,4 % en 2009, après une forte hausse en 2008.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message