Premier bilan du premier tour des régionales... (par Alexis Corbière)

jeudi 18 mars 2010.
 

"Ils ont voté et puis après ?" chantait Léo Ferré, l’anarchiste. J’emprunte ses vers, mais ma pensée s’envole un instant vers Jean Ferrat, le communiste, disparu samedi. Triste. Salut poète, je t’aimais beaucoup.

Alors, quelles leçons tirer de ce vote ? Pas simple... Pour être juste, le vote de dimanche dernier doit être analysé de manière duale. Comme toujours en politique. J’emprunte une citation à un de mes vieux maîtres. Léon Trotsky écrivait : "La Politique est l’art de la nuance". C’est juste. Chaque nouvel évènement qui se présente à nous n’est jamais monochrome. Je reprends donc dans l’ordre. D’abord, en analysant les résultats de dimanche, il y a évidemment du bonheur. Qui en doutait ? Pour quelqu’un comme moi, engagé dans la construction du Front de Gauche, il y a de quoi être pleinement satisfait. Satisfait ne veut pas dire euphorique, je précise. Mais, l’auto flagellation permanente, ce n’est pas mon genre. Donc, je suis heureux.

Je suis aussi conscient de nos difficultés croyez moi. Elles sont nombreuses, oui, oui. Mais que chacun mesure le chemin parcouru en quelques mois : désormais le Front de gauche existe. A chaque élection il progresse. Il est une force politique qui compte désormais à plus de 7% sur le plan national. Nous sommes devant le Modem, et le danger de voir le PS bâtir un nouveau type d’alliance avec ce parti de droite est écarté (peut être uniquement momentanément, certes). C’est là un des premiers acquis du Front de gauche, grâce à nous les socialistes sont obligés de construire leur majorité à gauche. Voilà une première victoire concrète. Elle pèsera à l’avenir. Mais tout cela reste fragile. Qui croit que la politique n’est pas un rapport de force permanent ?

Et puis gare ! Le vote pour le PS n’est pas un vote d’adhésion mais un vote de rejet de la droite dont le PS profite. Nuance. Franchement, qui avait lu vraiment le programme des Présidents de région sortants socialistes ? Peu de monde à la vérité. Ceux, au PS, qui veulent voir un vote « pour les régions » se gourent. C’est là une des ambiguïtés de ce vote, il risque de renforcer l’arrogance des Présidents sortants « sûr d’eux et dominateurs », qui ne font du Parti Socialiste qu’une SFIO de notables remportant les élections locales, mais incapable de donner la moindre vision nationale. On l’a d’ailleurs constaté lors des négociations, les responsables nationaux qui faisaient mine de tout contrôler à Paris, avaient en réalité bien peu de prises sur ces barons locaux qui méprisaient leurs partenaires en région.

Dans ce bras de fer d’entre deux tours, car cela en est un, le PG a bien su défendre son identité, ses idées, ses candidats. Sa seule force ce sont essentiellement les électeurs qui lui ont donné. Et cela a dopé les camarades qui devaient faire front (c’est le cas de le dire) devant les chefs socialistes qui voulaient nous faire , trop souvent, passer sous la table. Face à quelques « margoulins » qui voulaient nous écarter, il a fallu se faire respecter. Nous l’avons fait. Le PG sortira donc renforcé de cette élection. C’est une heureuse nouvelle pour les batailles futures. Mais, nous aussi avons refusé qu’avec arrogance quelques féodaux fassent le choix parmi ceux qui composaient nos listes.

Le cas le plus caricatural est la Région Limousin où nous avons obtenu 13,5 % des voix. Là bas, les socialistes voulaient écarter un des responsables NPA qui composait notre liste. Nous avons refusé. Et bien eux, les socialistes, ont refusé de fusionner nos listes. Incroyable. Il y aura donc une triangulaire. C’est regrettable. mais, pas de larmes de crocodiles, la faute en revient uniquement au PS, je fais confiance aux électeurs de la région pour nous aider à leur dire clairement qu’ils refusent cet « hégémonisme ».

Un dernier mot en direction de mes amis du NPA d’Olivier Besancenot. L’échec patent de leur stratégie de refus d’alliance dans le Front de Gauche vient de les amener à 2%. Lorsque nous avons fondé le PG et que nos camarades donnaient naissance au NPA, les sondages leurs promettaient 10 % des voix. Toute discussion semblait impossible. Et maintenant ? Il le faut. Nos camarades du NPA doivent comprendre l’impérieuse nécessité de l’union de "l’Autre gauche".

Bon sinon plus globalement, dans la grande majorité des Régions, toute la gauche, PS Europe Ecologie et Front de gauche, se rassemble. Dimanche 21 mars, il faudra infliger une cuisante défaite à la droite.

Mais, dimanche dernier, c’est aussi l’abstention qui constitue un évènement majeur . Elle est un fait politique central que la droite veut nier. Manoeuvre minable. Attention ! Cette négation de la réalité peut faire exploser la marmite. Un cri de colère monte de plus en plus fort dans ce pays. C’est un cri de désespoir. Il faut l’entendre. "Que se vayan todos !" (qu’ils s’en aillent tous !) clamait le peuple argentin en colère en décembre 2001. L’Argentine n’est pas si loin de la France. Seul un gouvernement de gauche mettant en place des mesures sociales radicales pourra y répondre. Une course de vitesse est engagée. Si la gauche ne change pas et ne revient pas au pouvoir en 2012, la réponse autoritaire, raciste et inégalitaire de l’extrême droite va progresser. Le score du FN nous montre encore que la politique est une matière vivante et dynamique et qu’aucun scénario n’est écrit à l’avance.

En participant à la construction du PG, j’ai l’ambition d’être un des acteurs (modestes) de cette grande aventure. A 7% des voix, nous avons collectivement (PCF, PG, GU, FASE, Alternatifs,...) le socle électoral, politique et idéologique qui peut nous permettre d’avoir les plus grandes ambitions. Pas convaincu ? Lors des élections présidentielles, la candidate des Verts, Dominique Voynet, obtenait moins de 2 % des voix, à présent Europe Ecologie est à 12%. A contrario, François Bayrou planait à 17 %, le Modem est désormais à 4%... Alors, oui la période est d’une grande instabilité. Le Front de Gauche peut être la grande surprise de la prochaine élection présidentielle. A condition qu’il se présente derrière un candidat commun ? Qui ? Personnellement, j’en vois un, qui s’impose d’évident lorsqu’on discute avec ceux qui nous soutiennent. Ce n’est pas une surprise, c’est mon camarade Jean-Luc Mélenchon. Qui, mieux que lui, peut incarner le Front de gauche lors de la présidentielle ? Qui, mieux que lui, peut être le porte-parole réalisant la synthèse de toutes composantes du Front de gauche ? Qui, plus que lui, peut être la grande voix populaire qui parle à tout le peuple de gauche ? A mon sens personne. Et, que ceux qui ricanent et persiflent me proposent un autre nom.


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