À Toulouse, la colère des postiers est sourde mais ancrée

vendredi 26 mars 2010.
Source : L’Humanité
 

Parmi les postiers de la Ville rose, les élections régionales ont mis un peu de baume au cœur même si elles n’ont pas beaucoup alimenté les conversations.

La Poste, depuis le 1er mars, est devenue société anonyme, accentuant les craintes pour l’avenir de ce service public. Ce changement s’accompagne, en région toulousaine, d’une vaste réorganisation du tri et de la distribution du courrier. L’acheminement du courrier est devenu une industrie dont les dirigeants veulent réduire les coûts. Les facteurs, moins nombreux, ne profitent pas des gains de productivité et, au contraire, sont plus longtemps dehors, exposés aux intempéries. À La Poste toulousaine, il y a de l’orage dans l’air. Mais va-t-il éclater  ? Près de 20 000 manifestants ont défilé mardi dans le cadre de la journée d’action interprofessionnelle. Parmi eux, un certain nombre de postiers dont les motifs de mobilisation ont été variés. André Montégut, facteur à Colomiers, et Régine Larroux, factrice à Pibrac, citent d’abord la sauvegarde et l’amélioration du système de retraite  : « Je crains de ne pas avoir assez pour vivre, surtout au moment de la retraite », confie Régine Larroux. Mais beaucoup d’autres s’inquiètent de l’évolution de La Poste.

Facteurs à Villefranche-de-Lauragais, Alain Sudre et Dominique Pruvost évoquent en premier lieu « les cadences de travail ». Une restructuration de leur service est prévue pour juin  : « Nous allons systématiquement dépasser les horaires et la direction nous répondra qu’on ne respecte pas les cadences », prévoit Dominique Pruvost. « Il se produit une concentration des tâches, avec moins d’emplois », renchérit Alain Sudre. « La productivité augmente, l’emploi descend », confirme de son côté André Montégut. Aline Cadart travaille aux services financiers de La Poste, appelés autrefois les chèques postaux, et se mobilise d’abord pour l’emploi  : un service sera transféré en novembre de Toulouse à Bordeaux et certains des 109 emplois risquent de se volatiliser durant le trajet  ! « Les collègues sont inquiets pour l’avenir des centres financiers, confie Aline. Ils sont aussi fatigués car ils travaillent beaucoup. » Dans ces conditions, pourquoi les postiers ne sont-ils pas plus massivement dans la rue  ?

« À Villefranche-de-Lauragais, ils ont été un peu plus en grève que d’habitude, rectifie Dominique. Leur colère est sourde. Chacun râle dans son coin mais semble peu disposé à manifester avec les autres. Les collègues n’anticipent pas la prochaine restructuration. » Alain le reconnaît  : « Il y a un peu de fatalisme. » « Le niveau de conscience n’est pas aussi élevé qu’il devrait l’être, analyse André. C’est lié à un désarroi  : certains ne sont plus à l’aise dans leur travail qui ne correspond plus à l’idéal de service public pour lequel ils sont entrés à La Poste. » Dans le service de Régine, deux facteurs sur quatorze ont cessé le travail  : « Nos salaires sont bas et une journée de grève, c’est une journée de salaire en moins. » « Et deux fois plus de travail le lendemain  ! » ajoute Dominique. Aux services financiers de La Poste, la situation est différente et 54 % des salariés ont fait grève mardi, se félicite Aline  : « Mes collègues se mobilisent facilement pour une journée d’action. Mais je reconnais que cela serait plus difficile pour des actions plus longues. » De l’avis de tous, les élections régionales n’ont pas beaucoup alimenté les conversations. Mais pour Dominique, le résultat a apporté « du baume au cœur ». « Pour l’instant, au troisième tour social, il y a beaucoup d’abstentionnistes », ironise Alain. Pour Dominique, « ça peut basculer. Les collègues se bougeront quand ils seront devant le fait accompli. Certains sont à la limite entre mobilisation et non-mobilisation. » À Toulouse, on a l’habitude de dire que le temps peut rester gris longtemps, avant que l’orage, peut-être, éclate.

Bruno Vincens


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