« C’était une engueulade ! Pas une interview ! » Questions à Jean-Luc Mélenchon leader du Front de gauche

vendredi 9 avril 2010.
Source : Libération
 

Le 19 mars, à la veille du second tour des régionales, Jean-Luc Mélenchon répond à un étudiant en journalisme. Le leader du Parti de gauche s’en prend à la presse. La vidéo est sur Dailymotion.

Vous vous êtes dit « piégé » et parlez de « chef-d’oeuvre de manipulation ». N’exagérez-vous pas un peu ?

Dans une polémique, on force le trait. Ceux qui s’attaquent à moi ne se privent pas de le faire. Nous n’étions pas dans le cadre d’une interview. Le jeune était un étudiant en journalisme, pas un journaliste. J’ai appris après la diffusion de la vidéo que l’école de journalisme de Sciences-Po, à laquelle il appartient, voulait faire la démonstration qu’un homme politique n’a pas besoin d’être incité pour faire des petites phrases. C’est une manipulation et j’ai servi de produit d’appel.

Cela veut dire que vous n’auriez pas réagi comme ça avec un journaliste professionnel ?

C’était une engueulade ! Pas une interview ! Vous ne haussez jamais le ton vous ? Dès qu’on parle comme tout le monde, ça choque. Et lorsqu’on touche aux médias, le réflexe corporatiste se met en route.

« Sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier », « métier pourri », c’est un peu violent, non ?

Encore une fois il faut remettre ça dans le contexte d’une engueulade ! Sur un parvis, en fin de campagne... Mon opinion sur les journalistes, je l’ai expliquée plusieurs fois. Je demande à être jugé sur ce que j’écris, pas sur une altercation.

Vous dénoncez le système médiatique, mais vous ne refusez pas d’aller au Grand Journal de Canal +, comme hier soir...

Je suis anticapitaliste et je vais au supermarché. Je suis écologiste et je monte dans une voiture. Je suis contre la Ve République et j’ai été sénateur... J’utilise les armes et les failles du système médiatique pour le combattre. A l’arrivée, je veux utiliser cette polémique pour déclencher une bataille politique à propos des médias.

Une « libération culturelle des médias », comme vous dites ?

Il faut cesser d’avoir peur des médias. Beaucoup d’élus ne les critiquent plus de peur d’être ostracisés, comme l’a été Vincent Peillon. Il faut provoquer une insurrection civique à l’intérieur et à l’extérieur de la profession. Par exemple : les gens qui payent la redevance doivent faire valoir leurs droits, notamment en élisant le patron de France Télévisions. Il faut assurer la stabilité sociale des journalistes. Est-ce normal que 50 % des nouvelles cartes de presse concernent des gens qui n’ont pas de CDI ? Ils sont automatiquement plus dociles car précaires. Et puis les conditions de travail de la profession empêchent de faire du bon journalisme et poussent vers le sensationnel. Il faut que les exigences éthiques et morales retrouvent du terrain dans ce métier.

Recueilli par LILIAN ALEMAGNA


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