200 000 ruptures conventionnelles Le plus grand plan pas social de l’année (par René Defroment)

lundi 12 avril 2010.
 

La loi dite de modernisation sociale a institué la rupture conventionnelle : la possibilité pour le salarié et l’employeur de se séparer « à l’amiable » permettant aux salariés de percevoir le chômage et à l’employeur de ne pas se voir attaquer pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Décidément nous n’avons pas le même sens de la modernité sociale que ces gens là ! Ce que l’on redoutait, est arrivé.

En fait si le salarié veut quitter l’entreprise, l’employeur refuse la rupture conventionnelle dans la majorité des cas. Par contre si l’employeur veut se séparer du salarié, il propose la rupture conventionnelle et les salariés se voient la plupart du temps contraints de l’accepter sous peine de subir un harcèlement permanent. Ainsi, entre août 2008 et novembre 2009, les Directions départementales du travail (DDT) ont eu à traiter plus de 180 000 demandes d’homologation de rupture conventionnelles. Les chiffres de la Dares montrent que le nombre de demandes croît de mois en mois. Au cours du seul mois de juin 2009, ce sont plus de 20 000 demandes d’homologation qui ont été enregistrées. Le rythme annuel va ainsi dépasser les 200 000. C’est devenu un vrai fonds de commerce pour les cabinets conseils des employeurs.

Mme Parisot et le gouvernement Sarkozy ont offert là aux patrons un excellent moyen de licencier la plupart du temps sans motif et sans contestation possible. En effet jusqu’à cette loi il fallait un motif vérifiable pour pouvoir licencier un salarié. Cette loi remet en cause ce droit fondamental. Elle a été présentée comme une rupture à l’amiable comme dans un couple qui divorce. Ils font semblant d’oublier que salariés et patrons ne sont pas à égalité, l’un est le subordonné de l’autre. L’un a le pouvoir de sanctionner le moindre comportement fautif, licencier, augmenter les salaires ou ne pas les augmenter, promouvoir un salarié ou le mettre au placard.

C’est une mascarade confirmée que d’annoncer qu’il s’agissait d’un droit ouvert aux deux parties. Lorsque le salarié veut quitter l’entreprise, la plupart du temps l’employeur refuse au salarié en lui indiquant que pour se faire il doit démissionner. Les abus, bien sur prévisibles, devaient être évités par la soumission du projet à l’accord de l’Inspection du travail. Il n’en n’est malheureusement rien faute moyens pour véritablement enquêter, l’Inspection se contente bien souvent de vérifier que les documents ne sont pas antidatés.

Quelques exemples :

* Un artisan souhaite partir à la retraite. Pour ne pas payer les préavis ou le contrat de reclassement personnalisé (qui permet de toucher un chômage égal à 100 % du net pendant un an et sans délai de carence), il propose à ses salariés une rupture conventionnelle.

* L’employeur propose une rupture conventionnelle, le salarié refuse. L’employeur licencie le salarié pour faute grave (qui ouvre droit au chômage). Le salarié obtient 4 500 € en conciliation aux Prud’hommes pour 2 ans d’ancienneté. Bien plus que dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

* Un employeur fait une rupture conventionnelle au salarié puis lui propose de travailler dans une autre de ces entreprises mais lui fait perdre son ancienneté et même ses congés payés.

Autre arnaque dont personne ne parle : si le salarié obtient de son employeur une indemnité supérieure à celle du licenciement, il a la désagréable surprise de constater que cela repousse d’autant le délai de prise en compte du chômage (jusqu’à un maximum de 75 jours). Par exemple si le salarié négocie 2 100 euros de plus, et s’il perçoit 30 € par jour au chômage, le chômage ne l’indemnisera qu’au bout d’un délai supplémentaire de 70 jours (2 100 € divisés par 30 €) qui s’ajoutent au délai de carence de 7 jours et des jours de congés non pris. Il restera ainsi près de trois mois sans rémunération.

Ils ont ainsi créé une vraie trappe à chômeurs que malheureusement les chiffres officiels viennent confirmer.

René Defroment


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