2010, année consacrée à la mémoire de l’internement des Tsiganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale

mardi 13 avril 2010.
 

1) Une persécution oubliée

En France, de nombreuses familles tsiganes (quelque six mille hommes, femmes, vieillards, enfants) furent internées dans des camps gérés par l’administration française. Cela s’est passé entre 1940 et 1946. Nos livres d’histoire sont silencieux.

Nous connaissons la résistance des français face à l’occupant allemand de même que le versant sombre de la collaboration. Mais de ces visites, faites le dimanche en famille, au camp des " nomades ", l’Histoire n’a rien retenu. De chaque côté des barbelés, que l’on soit " nomades " ou villageois, le silence nous vole un pan de notre histoire commune.

Chassés, privés de liberté, maltraités, gardés sous la responsabilité et le contrôle des autorités françaises, ces enfants, ces femmes, ces hommes, attendent aujourd’hui encore, la reconnaissance de l’Histoire et de la France, leur Histoire, leur France. Simplement parce qu’ils sont, Tsiganes, Voyageurs ou dits " nomades ", Bohémiens… ce droit de mémoire leur a été dénié.

L’événement que nous programmons pour 2010 témoigne de cette histoire oubliée, de cette histoire qui nous appartient à tous, pour que la mémoire ne s’échappe pas et que l’histoire ne se répète pas.

Exigence de vérité, devoir de mémoire, reconnaissance et hommage aux survivants de ces épreuves. Il y a urgence, ils s’effacent dans l’oubli.

2) Rappel des faits

Rappel des faits

Internés dans des camps français pendant la Seconde Guerre mondiale, les Tsiganes de France appellent l’État à reconnaître enfin les persécutions dont ils 
ont été victimes.

Parce que, depuis soixante-dix ans, le silence est devenu assourdissant, le collectif Une mémoire française (1), composé d’associations de Tsiganes de France et d’un comité d’historiens, a appelé, mardi dernier, l’État à reconnaître officiellement l’implication des autorités françaises dans l’internement familial des « nomades » dans les camps français de 1939 à 1946. En effet, si l’histoire « plus qu’oubliée, est boycottée », comme l’a dénoncé le réalisateur Tony Gatlif, auteur du film Liberté, elle a bien eu lieu.

Pendant la Seconde Guerre mondiale quelque 6 500 femmes, hommes, enfants et vieillards ont été emprisonnés, subissant la faim, le froid, l’absence d’hygiène et les violences des gardiens, dans une trentaine de camps gérés par l’administration française… Et ils ne seront pas libérés en 1944, comme les autres internés, mais en mai 1946. « Je voudrais vraiment qu’il y ait une reconnaissance de ce qu’on a vécu. Je ne peux pas attendre encore soixante-dix ans », témoignait, lors de la conférence, Raymond Gurême, quatre-vingt-cinq ans, interné à l’âge de quinze ans à Linas-Montlhéry (91), l’un de ces camps français pour « nomades ». Car, si l’histoire a bel et bien existé, on n’en trouve aucune trace dans les manuels scolaires, peu de stèles commémoratives la rappellent, et pire, les victimes, elles, n’ont reçu ni cartes d’interné, ni un quelconque dédommagement.

Il est urgent de leur rendre hommage, de reconnaître et d’inscrire cette histoire, notre histoire à tous, dans la mémoire nationale et d’abolir enfin les discriminations que subissent encore les Tsiganes. Obligés de fuir leur terre natale du nord de l’Inde, sous la pression des envahisseurs musulmans au IXe siècle, puis des armées mongoles au XIIIe siècle, pourchassés de pays en pays, ils sont implantés en France depuis le XVe siècle. Il est nécessaire de s’en souvenir.Anna Musso

Anna Musso

3) Tsiganes « Cet holocauste doit être inscrit dans la mémoire nationale » par Alain Daumas, président de l’Union françaises des associations tsiganes (UFAT)

« L’histoire des Tsiganes internés, déportés, exécutés est une histoire oubliée par la France… ou plutôt tombée aux oubliettes  ! Nos parents n’osaient pas parler des événements de 1939-1946 car ils avaient peur des représailles. La génération d’aujourd’hui a envie de mettre au jour cet holocauste. Il est de notre devoir de le faire connaître. Nous voulons honorer la mémoire de nos anciens. Nous avons toujours vécu la persécution, mais à un certain âge, on se demande pourquoi on est encore et toujours mal accepté comme citoyen.

Lorsqu’on se penche sur tout ce que le peuple tsigane a subi en France, depuis le XVe siècle, de la part des gouvernements successifs et jusqu’à cette période tragique de notre histoire durant la Seconde Guerre mondiale, c’est lamentable. C’est une atrocité de savoir que des Tsiganes français ont été internés par d’autres Français dans des camps, parce que la France voulait se débarrasser de ce qu’elle appelait la “vermine’’. Sous le gouvernement de l’époque, on avait ordre d’interner tous les Tsiganes, de leur interdire de circuler sur tout le territoire national  : alors on leur faisait porter le chapeau pour tout et n’importe quoi  ! On a voulu éliminer ce peuple. Les Tsiganes ont été internés en laissant tous leurs biens, on les a réduits à l’état de bêtes, dans des endroits parqués, et ils n’ont été libérés que quasiment deux ans après la fin de la guerre, donc tant qu’ils étaient enfermés, tout le monde était content pour ainsi dire…

En France, les valeurs de la république, pour lesquelles nos anciens se sont battus, la fraternité, l’égalité, la liberté, ont été bafouées. Il est essentiel que la France reconnaisse qu’elle a des enfants tsiganes qui sont français depuis le début du XVe siècle  ! C’est un devoir de mémoire que la France doit honorer en reconnaissant cet internement et ce génocide qui font partie intégrante de son histoire. Ces événements doivent être inscrits dans la mémoire nationale. Puis, en honorant cette mémoire, nous pourrons faire avancer les mentalités sur les Tsiganes. Je le vois déjà, rien que par le biais de la projection du film Liberté de Tony Gatlif et des conférences que nous organisons dans toute la France. Nous avons pu véhiculer une autre image que celles que pouvaient avoir les sédentaires sur les Tsiganes, et vice-versa. Car, il faut savoir que si les gens ont peur des Tsiganes, nous aussi nous avons peur des sédentaires  : nous avons une liberté, certes, mais nous la payons très cher, au prix de discriminations, du rejet, de l’exclusion… »

4) Tsiganes « Donner la parole aux témoins, 
avant qu’ils ne disparaissent »

Interview de Raphaël Pillosio, réalisateur du documentaire "Des français sans histoire)*

Votre documentaire donne la parole à des Tsiganes qui ont été internés dans des camps en France, entre 1940 et 1946. Comment avez-vous été amené à connaître cette histoire si peu traitée et (re)connue en France  ?

Raphaël Pillosio. J’étais encore étudiant lorsque je suis tombé un peu par hasard sur le camp de la Route de Limoges, à Poitiers. Ce lieu m’a interpellé parce qu’y étaient enfermés à la fois des juifs et ce qu’on appelait les Tsiganes. Je ne connaissais pas cette partie de l’histoire des Tsiganes, je m’y suis intéressé et j’ai réalisé, en 2003, un documentaire court intitulé Route de Limoges qui repose sur le témoignage d’une femme juive et d’un homme interné en qualité de « nomade ». Avec ce film j’ai mis un premier pied dans l’histoire de ceux qu’on appelle « les nomades » lors de la Seconde Guerre mondiale. Je me suis alors rendu compte de la totale absence d’information et de reconnaissance de cette histoire au niveau national. Pourtant entre 1940 et 1946, au moins 6 000 personnes de nationalité française ont été internées dans des camps en qualité de nomades. Et quelques-uns ont été déportés en Allemagne. J’ai donc voulu retrouver et filmer ces « nomades » pour qu’ils puissent enfin raconter leur histoire, et conserver ainsi leur témoignage.

Justement, comment avez-vous retrouvé les personnes internées  ? Ont-elles facilement parlé de leur histoire  ?

Raphaël Pillosio. En effet, mon premier travail a été de savoir qui avait été interné. On dit  : « Les Tsiganes ont été internés », mais « Tsiganes » ça veut tout et rien dire  ! Dans les faits, les gens qui ont été enfermés dans des camps étaient ceux que l’on appelait « nomades », ils possédaient, en guise de carte d’identité, un carnet anthropométrique  : une pièce d’identité bien spécifique, composée de photos, d’empreintes digitales, de mesures précises du visage et du corps qu’ils devaient présenter tous les deux jours au commissariat. Je suis allé fouiller les archives départementales et je me suis rendu compte que les gens identifiés avec ce carnet regroupaient une population beaucoup plus hétérogène que le stéréotype que l’on peut avoir du Tsigane. À partir de ces carnets, j’ai retrouvé des « nomades » qui avaient été internés. Leurs enfants n’osaient pas leur poser de questions sur cette période de leur histoire comme pour les préserver de choses difficiles à raconter, mais les personnes que j’ai rencontrées avaient, la plupart du temps, envie de témoigner. C’était le moment où jamais, il fallait leur laisser la parole avant qu’ils ne disparaissent.

Vous parlez de familles hétérogènes… qui étaient ces « nomades » que l’on a enfermés  ?

Raphaël Pillosio. Étaient considérés comme « nomades », les gens pauvres qui vivaient de manière ambulante, sans distinction d’origine ethnique. Parmi ces personnes, se trouvaient des gens qu’on appelle Tsiganes, mais aussi des familles différentes  : un témoin raconte, par exemple, que son père était ouvrier chez Renault, ne parlait pas manouche, n’avait aucune origine tsigane, mais sa famille était ambulante et pauvre. C’est une spécificité française  : le carnet anthropométrique sanctionnait aussi un statut social, pas seulement une origine  ! Et dans ce statut social d’ambulant pauvre, il y avait aussi des Tsiganes, majoritairement français d’ailleurs. « Nomades », « gens du voyage »  : ce ne sont que des mots inventés par l’État pour faire rentrer des gens dans une case.

Que vous ont raconté les internés 
sur leurs conditions de vie 
dans les camps français  ?

Raphaël Pillosio. Il y a eu une trentaine de camps en France, chacun avait ses spécificités. Certains étaient très durs, d’autres moins, mais tous les internés ont éprouvé la faim. Puis, il y a le dépouillement, le froid et les relations avec les gardiens français, qui étaient très violentes, non seulement sur le moment, mais aussi après-guerre, puisque parfois les internés libérés recroisaient leurs gardiens dans la rue. Ce qui a accru un conflit entre sédentaires et voyageurs. Puis les « nomades » ont été libérés les derniers, en mai 1946, soit presque deux ans après la fin de la guerre  ! Ce fait est totalement ignoré et surtout incompréhensible pour les gens internés. Cela, aussi, nourrit le ressenti.

Que reste-t-il des camps où étaient internés les Tsiganes  ?

Raphaël Pillosio. Justement, pas grand-chose qui permette de savoir ce qui s’est passé. L’idée du film est aussi d’inscrire cette histoire dans la géographie nationale, car il y a une quantité de lieux où sont aujourd’hui bâtis des collèges, des usines, etc., où rien ne dévoile ce qui a pu se produire. Et même si, parfois, il y a une petite plaque commémorative, cela ne suffit pas pour inscrire l’histoire de l’internement et de la déportation des voyageurs français dans la mémoire nationale. Un exemple parlant  : dans mon documentaire, on voit une voiture qui sort d’une usine dans laquelle deux passagers nous demandent pourquoi on filme, on leur dit que c’est parce qu’il y avait un camp d’internement, ils ne le savaient pas alors qu’il y a une plaque à côté de cet endroit. Il faut que l’État français reconnaisse l’internement familial des « nomades », que les manuels scolaires inscrivent cette histoire, que les médias en parlent…

Pourquoi est-il important 
que cette partie de l’histoire 
soit reconnue et inscrite 
dans la mémoire nationale  ?

Raphaël Pillosio. C’est l’unique cas d’internement familial qui a pour origine une décision française. La spécificité de cette histoire n’a jamais été reconnue et les gens du voyage n’ont jamais été indemnisés pour cet emprisonnement. Les seules cartes qu’ils ont pu avoir sont des cartes d’interné politique qui ne reflètent pas du tout les motifs de leur enfermement, puisque ce n’étaient pas des résistants. Puis, je vais plus loin  : il est important de dédommager ces gens qui ont tout perdu à cause de ces internements.

Selon vous, reconnaître ce passé aidera-t-il aussi les Tsiganes qui souffrent encore de discriminations à être reconnus en tant que citoyens français à part entière  ?

Raphaël Pillosio. Je ne sais pas, il y a une différence entre la reconnaissance étatique et l’évolution des mentalités. Il faut lutter pour que l’État reconnaisse la spécificité des internements des gens du voyage et fasse de vraies recherches pour savoir tout ce qui s’est passé pour les voyageurs. À ce sujet, il y a quelque chose de très troublant, c’est l’histoire du carnet anthropométrique  : cette pièce d’identité qui classait les voyageurs comme des criminels et les obligeait à se rendre tous les deux jours au commissariat a existé jusqu’en 1969, c’est complètement discriminatoire et ça n’a fait sourciller personne… Or aujourd’hui, les « gens du voyage » ont encore un livret de circulation à présenter tous les trois mois au commissariat et ça ne fait toujours sourciller personne.

Entretien réalisé par Anna Musso

5) Tsiganes « L’internement des Tsiganes relevait 
de la responsabilité des autorités françaises »

Marie-Christine Hubert, historienne, co-auteur avec Emmanuel Filhol, de " Les tsiganes en France : un sort à part 1939-1946, éditions Perrin, 2009

De 1940 à 1946, environ 6 500 personnes furent internées dans 30 camps d’internement pour nomades. Pour la plupart, ces familles étaient de nationalité française et tsiganes, ou considérées comme telles par les autorités allemandes et françaises. Bien que décrété par les Allemands, l’internement des Tsiganes releva de la responsabilité des autorités françaises et, en l’occurrence, des préfets qui organisèrent les arrestations et gérèrent les camps.

Depuis 1912, les Tsiganes vivaient sous une étroite surveillance à cause du régime des nomades et du carnet anthropométrique d’identité. Environ 40 000 nomades dont 60 % de Français étaient ainsi fichés avant guerre.

Le 6 avril 1940, la IIIe République interdit sur le territoire métropolitain et, pour toute la durée de la guerre, la circulation des nomades et les assigna à résidence. Le 4 octobre 1940, les Allemands ordonnèrent aux préfets de la zone occupée d’interner les Tsiganes. Les gendarmes arrêtèrent prioritairement les familles assignées à résidence en avril et les porteurs du carnet anthropométrique. Furent également internés des forains, des travailleurs itinérants, des sédentaires  : toutes personnes soupçonnées d’être des Tsiganes.

Rassemblés précipitamment, à l’automne 1940, dans des carrières et des châteaux abandonnés, les internés connurent, peu de temps après, des camps plus structurés, administrés par les préfectures et surveillés par des gendarmes, comme à Mérignac (Gironde), Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique), Poitiers (Vienne). Fin 1941, les Tsiganes furent regroupés au sein de camps régionaux  : Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), Mulsanne (Sarthe), Jargeau (Loiret), Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes (Yonne). Le froid, la faim, l’absence d’hygiène eurent raison des plus fragiles. Les conditions de libération (domicile fixe, travail, accord des différentes autorités) nécessitaient une aide extérieure difficile à obtenir lorsque toute la famille était internée. L’internement comme la libération dépendaient avant tout d’une décision arbitraire résultant du bon vouloir des préfets et des Allemands.

En zone libre, la règle imposait l’assignation à résidence. Toutefois, les Tsiganes expulsés d’Alsace-Lorraine à l’été 1940 ont été internés dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Barcarès puis Rivesaltes. En mai 1942, le gouvernement de Vichy créa à Saliers (Bouches-du-Rhône) un camp réservé aux Tsiganes (1). Objet de propagande et construit selon une architecture particulière, il accueillit à l’automne 1942 les Tsiganes de Rivesaltes mais aussi des nomades que les préfets de la zone libre jugeaient indésirables. Dans les Hautes-Pyrénées, le camp de Lannemezan accueillit essentiellement des Tsiganes étrangers (2). Les Tsiganes ne seront pas libérés en 1944 comme les autres internés administratifs. Ne souhaitant pas les retrouver sur les routes de France, l’internement fut assimilé à l’assignation à résidence, le décret du 6 avril étant toujours en vigueur. Ce n’est qu’avec le décret du 10 mai 1946, officialisant la fin de la guerre, que les derniers nomades obtinrent leur libération… à la suite des collaborateurs, du camp des Alliers (Charente).

Le décret d’Himmler du 16 décembre 1942 ordonnant la déportation à Auschwitz des Tsiganes du Grand Reich ne s’appliquait pas à la France. Néanmoins, 145 Français arrêtés dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais rattachés à la Belgique y ont été déportés par le convoi Z du 15 janvier 1944. Des Tsiganes furent également transférés vers des camps de concentration après avoir été livrés aux Allemands par des préfets peu scrupuleux, comme celui de la Vienne qui envoya en Allemagne des nomades internés à Poitiers en lieu et place de jeunes travailleurs sédentaires.

Après la guerre, ces familles démunies et meurtries pâtirent de nouveau du régime des nomades. En 1969, le carnet anthropométrique d’identité fut remplacé par un carnet de circulation moins contraignant mais tout aussi discriminatoire.

(1) Mathieu Pernot, Un camp pour 
les Bohémiens. Mémoires du camp d’internement pour nomades de Saliers, 
Actes Sud, 2001. (2) Voir les ouvrages autobiographiques 
de Matéo Maximoff.

Complément : Internement des tsiganes : la France reconnait sa responsabilité 29 octobre 2016 (AFP)

Montreuil-Bellay : François Hollande a reconnu la responsabilité de la France dans l’internement de milliers de Tsiganes par le régime de Vichy

Après les Harkis et les Arméniens, François Hollande a poursuivi samedi le travail de mémoire entamé depuis le début de son quinquennat, en reconnaissant la responsabilité de la France dans l’internement de milliers de Tsiganes durant la Seconde Guerre mondiale.

Cette visite sur le site de l’ancien camp d’internement de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), classé aux Monuments historiques depuis 2012, était la première d’un président français depuis l’internement des Tsiganes et des gens du voyage par le régime de Vichy et jusqu’en 1946.

"La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame", a déclaré le locataire de l’Elysée, lors d’une cérémonie d’hommage national où étaient présents plusieurs survivants. "Un pays, le nôtre, est toujours plus grand lorsqu’il reconnaît son histoire", a-t-il ajouté devant plus de 500 invités, dont de nombreux descendants d’internés.

Soixante-dix ans après la libération des derniers Tsiganes internés en France, leurs descendants et les associations attendaient avec émotion une reconnaissance officielle de leurs souffrances.

"C’était important pour nous d’avoir cette reconnaissance. Ca représente des milliers et des milliers de familles itinérantes", a salué, remué, Fernand Delage, qui préside l’association France Liberté Voyage. "C’est tard, mais mieux vaut tard que jamais."

"Il était temps et j’espère que les jeunes à venir dans le monde entier n’auront pas à vivre ça, ni à voir ça", a déclaré André José Fernandez, l’un des rescapés de ce camp.

"Ca fait mal, ça fait très mal de revenir ici, surtout qu’avec nos parents, j’avais cinq petits frères, et moi la plus vieille... puis j’ai perdu ma mère qui s’est évadée, on a fait ce qu’on a pu, mais on était très malheureux", a témoigné Henriette Deschelotte, une autre survivante.

- ’Une méfiance nourrie de peurs ancestrales’ -

Quant aux proches de Sandrine Renaire, présidente de l’association Les Amis du camp tsigane de Montreuil-Bellay (AMCT), créée en 2005 pour préserver ce site, ils "ne sont jamais partis de Saumur, de peur d’être repris sur les routes et d’être enfermés. Etre privés de liberté, c’est la pire chose qui pouvait leur arriver."

"Pratiquement toutes les familles de gens du voyage ont au moins un membre qui est passé par Montreuil-Bellay", a souligné François Hollande, après s’être rendu auprès de l’œuvre commémorative "Instant nomade" de l’artiste-céramiste Armelle Benoît, un portique de huit colonnes sur lesquelles ont été gravés les patronymes de 473 familles internées.

Le président a également évoqué la discussion en cours au Parlement du projet de loi Egalité et citoyenneté, émettant l’espoir que la législation d’exception qui, depuis 1969, impose aux gens du voyage de détenir un livret de circulation, soit bientôt abolie.

Le député socialiste de Loire-Atlantique et président de la commission nationale consultative des gens du voyage Dominique Raimbourg "a proposé l’abrogation" de cette loi, a rappelé le chef de l’Etat. "Il en sera, je l’espère, décidé par le Parlement, pour que les gens du voyage n’aient plus ce livret de circulation à produire, pour qu’ils soient des citoyens comme les autres."

Dès 1912, dans le but de les sédentariser, les autorités françaises avaient imposé aux "nomades" un carnet anthropométrique d’identité. Puis le 6 avril 1940, un décret les avait assignés à résidence pendant toute la durée de la guerre. "Officiellement au nom des exigences de guerre", ce décret avait été pris "avant tout à cause d’une méfiance nourrie de peurs ancestrales, de préjugés et d’ignorance", a dénoncé François Hollande.

Montreuil-Bellay était le plus grand des 31 camps gérés par les autorités françaises jusqu’en 1946, dans lesquels furent internés entre 6.000 et 6.500 nomades.

Plus de 2.000 nomades, des Tsiganes mais aussi des sans domicile fixe de Nantes, y furent internés de novembre 1941 à janvier 1945. Une centaine périrent.

L’Etat avait franchi un premier pas vers la reconnaissance de la participation de la France dans cet internement familial en juillet 2010, par la voix de l’ancien secrétaire aux Anciens combattants Hubert Falco, en l’évoquant lors d’une "Journée nationale de la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français".


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