2012 « C’est l’heure des caractères, pas des fromages pasteurisés » (interview de Jean Luc Mélenchon dans Libération)

mercredi 21 avril 2010.
 

Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de gauche, revient sur son alliance avec le PCF et sa stratégie pour 2012.

Il est en « guerre » contre les médias. Après son « engueulade » avec un apprenti journaliste, l’ex-PS Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de gauche (PG), livre son souhait d’incarner le candidat Front de gauche pour 2012.

Vous avez fait le tour du Web avec votre « engueulade ». Qu’en tirez-vous ?

C’est effrayant de voir une telle meute qui part d’une prise de bec dans la rue et qui en huit jours fait plus de passages sur mon nom qu’en dix ans de livres écrits, de meetings... C’est une manipulation ! Ce sont des images volées.

Mais pourquoi avoir parlé « des journalistes » en en faisant une généralité ?

Les mots d’une prise de bec ne sont pas pesés au trébuchet. Les médiacrates, eux, ne se gênent pas pour mettre en cause « les politiques ». Ils le font sciemment, eux.

Les élus PG ne participent pas aux exécutifs régionaux et, en Ile-de-France, ils ne siègent pas avec les communistes.

Les stratégies du PG et du Parti communiste ne sont-elles pas divergentes ?

Ce serait stupéfiant de ne pas avoir de divergences ! Le PG est un petit parti, et cela nous rend sans doute plus intraitable. On avait dit : « Nous irons dans les exécutifs si un certain nombre de conditions sont remplies. » Ici, ce n’était pas le cas. Les situations sont différentes selon les régions. Les dirigeants communistes, surtout en Ile-de- France, doivent renoncer à penser qu’il leur suffit de décider pour que nous les suivions. Nous ne demandons pas l’inverse, non plus. Problème : celui qui menait la liste [Pierre Laurent, ndlr] va devenir le premier responsable du PCF. Il n’a pas su surmonter les difficultés, ni faire les gestes nécessaires. Mais au-delà de ces difficultés, nous sommes en phase sur l’essentiel.

La « gauche solidaire » proposée par Martine Aubry, ça vous intéresse ?

Si ça veut dire qu’on est solidaire pour battre la droite, d’accord. Si ça veut dire que nous sommes solidaires d’un programme de gouvernement établi par le PS et amendé par ses satellites, c’est non ! La photo d’entre deux tours où l’on ressuscitait la gauche plurielle était factice. De quel côté est-on ? Du côté de la social-démocratie européenne qui est le caniche du capitalisme financier ou du côté de la rupture sociale et écologique ?

Comme le NPA, dites-vous qu’il y a deux gauches qu’on ne peut pas « marier » ?

Non. Cela voudrait dire qu’on renonce à convaincre ! Si on applique la ligne de Besancenot, on amène la gauche à une division mortelle.

Comment voyez-vous la poursuite du Front de gauche ?

C’est une réussite inouïe en Europe. On peut accélérer la marche. Le Front de gauche doit chercher un double ancrage : chez les travailleurs et parmi les intellectuels. Il faut se préparer à gouverner avec une implication populaire forte. Il faut donc transformer le Front de gauche en un fait de société et ne pas en rester à un cartel électoral. Je propose la mise en place d’une assemblée permanente du Front de gauche, qui pourrait compter 100 à 200 membres, de milieux politiques, associatifs, culturels, intellectuels... Rassembler ainsi le « pôle de la révolution citoyenne » axée sur le partage des richesses, la refondation républicaine, la sortie du traité de Lisbonne et la planification écologique.

Le PCF parle de « Front populaire du XXIe siècle ». Vous adhérez ?

Je n’ai pas d’hostilité de principe. L’expression a un côté vieillot. Et ne dit pas qui le dirige. Je préfère parler de gouvernement du Front de gauche.

Vous proposez un « paquet trois élections » - cantonales, présidentielle, législatives - aux communistes, mais ils n’en veulent pas...

A présent, le paquet précède le projet. Si nous ne sommes pas capables de présenter un candidat commun à l’élection présidentielle, cela veut dire que n’avons pas de vrai projet commun pour gouverner. Cette candidature ne peut être crédible qu’en se construisant des cantonales aux législatives. Ne craignent-ils pas, en cas de candidature de votre part, de ne pas être représenté à la présidentielle ? Pourquoi ont-ils peur de cela ? Le PCF est cofondateur du Front de gauche. Ce label le représente, tout comme nous. Quant au mythe de la personnalité consensuelle, quel aveu d’échec ce serait ! Ce n’est pas avec une personnalité associative ou syndicale sortie du chapeau qu’on va pouvoir crédibiliser une révolution citoyenne ! Le candidat doit être aguerri à la lutte politique. Le PCF et le PG doivent proposer ensemble une candidature aux militants du Front de gauche qui diront s’ils l’acceptent ou non.

Aimeriez-vous être ce candidat ?

Je m’en sens capable. Dans la crise, c’est l’heure des personnes qui ont du caractère, pas des fromages pasteurisés ou des poissons lyophilisés. Mais je refuse d’entrer dans les habits de l’homme providentiel, un rôle de statue de bronze. Pour autant, arrêtons de flinguer une personne dès qu’elle semble se distinguer. Je suis prêt à être utile.


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