Retraite : Les revenus du capital doivent être davantage mis à contribution (par des élus Verts)

lundi 19 avril 2010.
 

Par

* Jean Desessard, sénateur Verts de Paris,

* François de Rugy, député Verts de Loire-Atlantique,

* Eva Sas, responsable de la commission Économie, 
social, services publics des Verts.

Comment redonner confiance dans notre système de retraite par répartition ?

Le débat sur la réforme du financement des retraites à l’ordre du jour en 2010 s’engage sur de bien mauvaises bases. La priorité devrait être de redonner confiance dans la solidité de notre système de retraite par répartition. Si de plus en plus de jeunes sont aujourd’hui séduits par la retraite par capitalisation, c’est qu’ils ont l’impression qu’ils en auront un retour plus élevé et plus sûr. Or la retraite par capitalisation, c’est soumettre les pensions aux aléas du marché et contribuer encore à la financiarisation de l’économie et à la recherche d’un rendement à court terme. La retraite par capitalisation, c’est aussi la double peine pour les jeunes qui paieront pour leurs aînés aujourd’hui et pour leur propre retraite demain. C’est donc une fausse bonne solution, il faut au contraire consolider notre système par répartition, et pour cela ouvrir un débat serein et constructif sur ses besoins réels de financement et en corriger les inégalités.

La droite parle d’un débat sans tabou, mais semble bien incapable de lever les siens. Elle entend appliquer ses vieilles recettes d’allongement de la durée des cotisations ou de report de l’âge légal, mais, dans un contexte de chômage persistant et de croissance molle, ces solutions du passé ne peuvent conduire qu’à diminuer les pensions et alimenter le chômage des seniors qui déjà, pour 60 % d’entre eux, ne sont plus en activité quand ils liquident leur retraite.

Le choix que nous avons à faire est un choix de société. Allonger la durée de cotisation sans traiter la question du chômage, c’est plus de demandeurs d’emploi et une pression à la baisse sur les salaires. Allonger la durée de cotisation, c’est aussi prendre le risque de diminuer le montant des pensions, grevées par la décote appliquée à tous ceux qui n’auront pas atteint la durée nécessaire pour une retraite à taux plein. C’est amplifier encore le problème des carrières « incomplètes »  : le développement des périodes de temps partiel ou de chômage touche plus particulièrement certaines catégories de travailleurs qui sont déjà ceux qui perçoivent les plus petits salaires et qui ont donc ensuite les plus petites retraites. Allonger la durée de cotisation, c’est enfin augmenter la durée du travail à rebours de l’histoire et de la baisse tendancielle du temps nécessaire à la production de biens matériels. La France est placée devant un choix politique majeur  : dans un contexte d’allongement de la durée de la vie et de financement de la dépendance, les Français veulent-ils consacrer une part plus importante de la richesse nationale aux pensions des retraités  ? Comment la France peut-elle réduire durablement le chômage, qu’il s’agisse de celui des jeunes ou de celui des salariés de plus de 55 ans  ? Il faut d’abord répondre à ces questions avant d’avancer des réponses toutes faites sur l’allongement de la durée de cotisation.

Pour nous écologistes, consacrer une part plus importante du PIB aux retraites est possible. Les revenus du capital doivent notamment apporter une contribution plus importante au financement de notre régime par répartition, notamment au travers du Fonds de réserve pour les retraites, que la gauche a créée en 1999. Destiné à assurer la pérennité du système, il reçoit chaque année un prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placement, et des dotations ponctuelles (cessions des licences UMTS…). Il totalise aujourd’hui 33 milliards d’euros. Il est possible d’augmenter ses recettes. La France ne souffre pas d’une insuffisance de moyens pour financer ses choix de société, mais d’une répartition inéquitable. Du fait notamment de la multiplication des niches fiscales, les entreprises du CAC 40 ne paient aujourd’hui que 8 % d’impôt sur les bénéfices en moyenne, contre 30 % pour les petites entreprises (1). Les banques qui ont largement bénéficié du soutien de l’État pendant la crise financière engrangent aujourd’hui des bénéfices considérables  : 5,8 milliards d’euros pour BNP Paribas, avec un bénéfice doublé par rapport à 2008. Pourquoi ne pas avoir mis en œuvre un prélèvement exceptionnel sur ces bénéfices pour alimenter le fonds de réserve des retraites  ? L’épargne retraite (assurance-vie, Perco, Perp) bénéficie de larges exonérations fiscales et sociales. Les cotisations sur les stock-options ne s’élèvent qu’à 10 % aujourd’hui. Les marges de manœuvre existent. La priorité est donc de mettre en œuvre des prélèvements ponctuels ou pérennes sur ces revenus pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites et conforter le système de répartition. L’épargne ainsi collectée doit être investie dans des projets durables. Pour faire face au défi climatique, pour améliorer la qualité de vie de tous, notre société a besoin de financer notamment la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, et des équipements de production d’énergie solaire ou éolienne. C’est dans ces projets écologiquement et socialement responsables que doit être investie l’épargne collective des retraites. Des investissements sûrs, loin des folies spéculatives tout en étant rentables. Redonner à notre régime de répartition des bases solides, mettre à contribution les revenus du capital, refonder le système sur un financement équitable, c’est le projet que nous défendons. Car il ne peut y avoir de réforme sans justice.

(1) Entreprises de moins de 20 salariés.


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