De la video volée à la discussion avec la rédaction de VSD

samedi 1er mai 2010.
 

Comme on le sait, la critique sur les médias que j’ai enchainée à l’incendie provoqué par l’étudiant en provocation médiatique s’appuie sur une analyse sociale de la nécrose de la vie médiatique. Mon point de vue, à la suite de celui du PG, diffère de la critique classique des autres partis à gauche sur ce thème. Pour eux tout est de la faute des méchants propriétaires de journaux. Ce point de vue est extrêmement frustre. Il est censé permettre de concilier la critique du système et le copinage avec ceux qui le font fonctionner au quotidien. Il permet de se concilier les gens de médias, repeints en salariés victimes impuissantes des odieuses pressions du propriétaire. Facile, trop facile. Maintes fois il a été signalé ce que ce point de vue a, d’ailleurs, d’insultant pour les personnels. Victimes, ceux-ci consentiraient sous la contrainte à truquer la vérité et à déformer la réalité pour quelle entre dans le prisme que nous connaissons ? Cette pensée mécanique à propos de l’interaction des super-structures intellectuelles comme simple reflet contraint des infrastructures matérielles de la propriété du moyen de production, c’est du marxisme de comptoir du café du commerce. Nous, nous interrogeons tout le système. A supposer que tout parte du méchant patron, comment se fait-il que de haut en bas tout le monde suive, s’adapte et se répète ? C’est l’effet de système qu’il faut interroger si on veut le briser. C’est au modèle qui produit cette soumission qu’il faut opposer un autre modèle, aussi global que celui que nous combattons. Mais, bien sur, encore faut-il combattre. C’est ce que nous avons entrepris au parti de gauche. Aucun autre parti de gauche ne le fait. Dans cette lutte nous mêlons ruses et opportunités.

L’invitation au CFJ a été un moment privilégié pour ouvrir le débat dans des conditions qui atteigne le gros de la troupe médiatique et notamment tous les prolétaires du métier. L’incident a fonctionné comme un révélateur, un ouvreur de discussion. L’onde de choc a porté. J’ai eu beaucoup de messages de journalistes. D’un autre côté, nombre de mes propres camarades se sont réinvestis sur la question. La commission média du Parti de Gauche s’est sentie légitimée par le fait que les camarades comprenaient l’enjeu de leur travail. Des adhésions à la commission sont arrivées. Je vais rencontrer cette commission d’ici peu pour participer à une séance de travail. D’un autre côté des discussions ont eu lieu partout dans le parti sur la place particulière du système médiatique dans la vie d’une société démocratique à forme républicaine. Je crois que c’est très important pour notre évolution en tant que nouveau parti. La pensée sur les médias ne peut pas être l’angle mort de notre projet. Ce serait renoncer à avoir une ambition pour la société toute entière à ce sujet. Il a été frappant de voir pour moi que la question est plus simplement abordée dans la jeune génération de mon parti qu’elle l’était dans la mienne au même âge. Les points de vue sont à la fois plus fascinés par la puissance médiatique et son effet miroir sur les personnes qu’elle montre et plus décontracté sur l’idée que « d’autres média sont possibles ». Evidemment j’y vois l’écho de moments passés que j’ai vécu avec le même idéalisme. La vogue de la presse libre dans les années 70, la vague des radios dites libres dans les années 80, par exemple. Il est important de constater que la pensée critique sur les médias et la volonté d’y faire vivre d’autres pratiques a accompagné les vagues révolutionnaires dans notre pays. La sphère médiatique est la deuxième peau du système économique et politique. Chaque brèche qu’on y ouvre fait respirer l’organisme tout entier. En situation de pouvoir, l’insurrection civique doit atteindre la sphère médiatique. Mais comment ?

J’ai donc été contacté par la rédaction du journal VSD, en grève contre la refonte du projet éditorial de leur journal. Au premier coup d’œil on pourrait dire que c’est « juste » le licenciement de dix journalistes qui mobilise leurs collègues. Ce serait une lutte classique adaptée la situation particulière d’un média. Sur place, ce n’est pas à cela que j’ai assisté, même si, à l’évidence, c’est le fond de tableau. J’ai lu déjà des commentaires acerbes sur le fait que VSD ce serait un des nombreux porte parole de l’idéologie dominante et que, donc, un homme de gauche n’a rien à faire dans ces parages. Avec un tel raisonnement, quel journal, à part l’Humanité, Politis, Le Monde Diplomatique et les journaux de l’extrême gauche, seraient dignes de notre intérêt ? Quel que soit la situation cela revient à dire que nous croyons absolument vain tout projet éditorial non engagé politiquement qui se propose d’informer ou de vulgariser, fusse de façon légère, et d’entrer très avant dans les actualités quotidiennes, la mode, la vie des objets et ainsi de suite ? Pour ma part je ne rêve pas d’un monde ou il n’y aurait à lire que des organes de presse politiques. J’apprécie que des espaces d’expression politique soient présents partout, dans tous les types de presse. Bien sur. Mais je sais aussi que les êtres humains ne vivent pas que de politique. Au fond la politique est une résultante, me semble t-il. On décide politiquement après s’être imprégné de tout le reste. Encore faut-il pouvoir s’imprégner décemment, honnêtement. C’est autour de cette idée que se construit ma vision de la fonction d’une presse émancipée dans une société républicaine.

Emanciper les médias ? De l’argent bien sûr. Mais pas seulement. De l’idéologie dominante, des conformismes de la pensée, du sensationnalisme, du voyeurisme. Et ainsi de suite. Toute la définition du métier de journaliste et des conditions de son exercice est en cause. Et même la nature des supports en tant qu’ils sont, de par leur nature même, normatifs. C’est compliqué. Toutes sortes de paramètres entrent en jeu, nous en sommes tous d’accord. Ce qui m’a plu, par-dessus tout, dans la discussion avec la rédaction de VSD c’est que nous avons parlé de cela. De cette difficulté. Des solutions. Je ne sais pas si quelqu’un a filmé. J’aimerai bien. J’ai trouvé l’échange très formateur pour moi. Je crois que j’ai aussi appris des choses aux gens qui se trouvaient là.

Ce qui m’a frappé c’est qu’au cœur de ce qu’on peut considérer comme le noyau dur de la petite bourgeoisie de notre temps, s’exprime une conscience si âpre des dégâts de la financiarisation sur toute la vie intellectuelle. Par exemple l’une dit « ce qui ne va plus dans la presse c’est que ce sont des financiers qui dirigent nos journaux et plus des journalistes. Ces gens ne connaissent rien à notre métier » Un autre dit « la façon dont est cloisonnée la façon de produire un journal cloisonne notre propre expression et notre pensée » Un autre « nous devons nous réapproprier notre outil de production c’est-à-dire notre capacité à penser nous même nos sujets sans préoccupations extérieures à ce sujet » Ce qui s’est dit de cette façon je l’ai souligné sur place c’est exactement ce que disent les ouvriers et les ingénieurs d’Airbus, par exemple. Hélène, la collaboratrice de la sénatrice Marie Agnès Labarre, m’accompagnait dans cette visite. Elle me dit : « ils parlent comme les Contis » qu’elle était aller soutenir avec une délégation du parti la semaine précédente. Ensuite nous avons évoqué la question de l’exigence ou non de diplôme pour établir l’aptitude à être journaliste. Pas simple.

Le formatage par les écoles de journalisme est très discuté dans la profession, alors même que les élèves de ces écoles sont encore très minoritaires dans les salles de rédaction. Si j’évoque cette question c’est parce qu’elle m’a amené à parler de la capacité des gens ordinaires à devenir producteurs eux mêmes de messages médiatiques. J’ai évoqué l’exemple de « télé-vive » au Venezuela et de ses écoles de formation en direction des personnes du terrain. C’est aussi l’expérience de René Balme maire de Grigny dans le Rhône. Est-ce une évolution imaginable de la profession ? Nous avons aussi évoqué la forme de propriété des médias qui conviendrait à une émancipation par rapport au capitalisme. Est donc venue la question des coopératives. Bref, tout y est passé. Mon constat est que la profession est très déstabilisée par l’évolution de la sphère médiatique. Elle est disponible pour en parler et nous avons un bon terrain pour y faire vivre le moment venu une révolution citoyenne très ardente.

Le fait frappant est le suivant. Pas un journal n’a rendu compte de ma visite ni ne l’a suivi. Pourtant, ce serait un sujet excitant de voir comment je suis accueilli dans une rédaction entière après mon lynchage, non ? Où sont passés tous les gros nuls corpos qui ont vociféré pour défendre « la profession toute entière » ? Et les étudiants en journalisme ? Vous le croyez si vous voulez, il y en avait trois au pied de l’immeuble de VSD qui ont voulu m’interroger sur… l’architecture du quartier ! Bravo les petits ! Ils doivent venir de l’école de Sciences Politiques !

Pourtant là il s’agit d’une rédaction qui dénonce l’évolution du projet éditorial vers une presse « low cost ». Qu’on lui donne raison ou tort est-ce que ce n’est pas autrement plus significatif du malaise de la profession que « le malaise » cucul la praline décrit par la noctambule du journal « Le Monde » qui m’appelle à 22heures 30 pour faire son reportage de déjantée sur « le malaise des politique face aux médias » ? Et le malaise des médias qui la ferment sur le malaise des médias ? Quelle est la cause de ce silence ? Pourquoi s’exposent-ils au retour de bâton si facile auquel je me livre en se laissant prendre en flagrant délit de double langage et de cécité volontaire ? L’argent mes petits ! L’argent ! La soumission au patron, la peur d’être obligé demain de parler des conflits dans sa propre entreprise ! L’obligation de devoir dire que le problème dans la profession c’est précisément celui dont ces médias nient qu’il existe dans la société !

Ma visite à VSD est la démonstration de ce que racontent comme moi toux ceux qui ont compris le système. Il est donc important que cela se sache dans le milieu et notamment auprès des plus jeunes. Moi je suis allé soutenir une rédaction en lutte ! Les beuglant de mon lynchage n’y sont pas allés, ils n’ont pas signé la pétition, ils n’ont pas défendu les collègues. Leur protestation contre moi ne vaut rien de plus qu’une basse manœuvre politicienne. Et regardez les maintenant se la jouer sur mes prétendues contradictions en jouant les grands méprisant parce que j’ai donné une interview à « Voici ». Je remercie « Voici » de me l’avoir proposée. Je me garde ce sujet pour une prochaine note car l’affaire participe de ma campagne sur le thème. Vous saurez bientôt comment et pourquoi.


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